EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat invite à la reconnaissance par la France d’un État palestinien, vivant en paix aux côtés de l’État d’Israël.
Le Président de la République, le 28 août 2014, a rappelé l’objectif de notre diplomatie: «Un État palestinien démocratique et viable, vivant aux côtés de l’État d’Israël en sécurité». Notre proposition de résolution est soucieuse de renforcer l’action diplomatique de notre pays, de mettre partout en échec les discours de haine, et de contribuer à l’instauration de la paix au Proche-Orient.
Au nom du droit inaliénable à l’autodétermination, le peuple palestinien est fondé à se doter d’un État. En 1947, la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations Unies stipulait que «les États indépendants arabe et juif (…) commenceront d’exister (…) le 1er octobre 1948 au plus tard». Force est de constater l’absence d’une application pleine et entière de cette résolution qui n’a fait que retarder la reconnaissance de l’État palestinien.
Après les affrontements armés de 1948, 1956, 1967 et 1973, les deux parties avaient négocié, à partir de 1991, un compromis salué par la communauté internationale. Les accords d’Oslo, signés en 1993, ouvraient la voie à une reconnaissance mutuelle de deux États, acceptant leur coexistence organisée dans la paix, la sécurité et le dialogue.
Ces accords n’ont pas été appliqués. Depuis l’assassinat d’Itzhak RABIN en novembre 1995, le cycle infernal de la violence s’est exacerbé. La colonisation israélienne, notamment autour de Jérusalem, s’est intensifiée au point de compromettre l’existence même d’un État palestinien viable. Des attaques ont été menées contre le territoire d’Israël et sa population civile. L’impasse politique a renforcé les radicaux des deux camps et les populations civiles palestiniennes et israéliennes ont payé lourdement le prix de leurs violences. La signature, le 26 août 2014, d’un énième cessez-le-feu entre Israéliens et Palestiniens n’a pas empêché une dangereuse recrudescence des violences. Ceux qui les commettent, les attisent, et les instrumentalisent, prolongent les souffrances de leurs peuples. Dans ce contexte, la reconnaissance réciproque des États d’Israël et de Palestine conditionne la paix et la démocratie dans cette partie du monde.
L’impasse des négociations entretient un foyer d’instabilité et affecte dangereusement la paix dans toute la région. Un retour salutaire et immédiat à la négociation doit accompagner la reconnaissance de l’État palestinien, afin que celle-ci soit utile à la paix. Le ministre des affaires étrangères et du développement international Laurent FABIUS a proposé un changement opportun de méthode avec la perspective d’une conférence internationale. Nous apportons notre soutien à cette démarche qui devrait s’accompagner de la définition d’une date butoir des négociations et associer les États arabes de la région. Cette reconnaissance, qui doit être assortie de garanties de sécurité pour Israël, n’a de sens que si elle conforte le droit et la paix.
Fort de son engagement en faveur du droit international et de l’amitié profonde qui lie la France aux peuples israélien et palestinien, notre pays doit reprendre l’initiative et entraîner nos partenaires du Quartet – dont l’Union européenne – dans une nouvelle dynamique. Les voix appelant au déblocage du processus de paix, en particulier en Israël et en Palestine, ne doivent pas rester sans réponse.
La France, depuis la présidence de François MITTERRAND, et les présidents qui lui ont succédé, tient un langage franc et sincère à ses amis israéliens comme palestiniens. Elle a pris ses responsabilités en décidant de voter en 2011 en faveur de l’adhésion de la Palestine comme membre à part entière de l’UNESCO, puis en disant «oui» à l’accession de la Palestine au statut d’État non-membre de l’ONU en novembre 2012. Fidèles à cette position ancrée dans l’histoire et équilibrée, le Sénat manifeste, par la présente résolution, son attachement à une reprise sans délai des négociations devant aboutir à un règlement définitif du conflit israélo-palestinien.
RÉSOLUTION
sur la reconnaissance de l’État de Palestine
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Affirmant sa volonté de concourir à l’effort international de paix au Proche-Orient;
Constatant la volonté des peuples israélien et palestinien à vivre en paix et en sécurité;
Se référant aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations unies, en particulier la résolution 1515 du 19 novembre 2003 par laquelle ce dernier se déclare «attaché à la vision d’une région dans laquelle deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues»;
Prenant acte que la Palestine est devenue le 29 novembre 2012, après le vote de l’Assemblée générale des Nations unies, un État observateur non-membre de cette organisation;
Regrettant l’échec des tentatives de relance du processus de paix engagées depuis 1991 entre Israéliens et Palestiniens par la communauté internationale;
Constatant les menaces pesant sur la solution des deux États, et condamnant la poursuite de la colonisation dans les territoires palestiniens;
Profondément préoccupé par l’escalade de la violence et lançant un appel pour que cessent tous les actes de violence, y compris de terrorisme, et les provocations ou incitations à la haine;
Réaffirmant le droit à la sécurité de l’État d’Israël;
Souligne l’impératif d’une reprise rapide des négociations entre les parties selon des paramètres clairs et un calendrier déterminé;
Invite le Gouvernement français à tout mettre en œuvre pour relancer le processus de négociation;
Affirme l’urgente nécessité d’aboutir à un règlement définitif du conflit permettant l’établissement d’un État démocratique et souverain de Palestine en paix et en sécurité aux côtés d’Israël, sur la base des lignes de 1967 avec Jérusalem pour capitale de ces deux États et fondé sur une reconnaissance mutuelle;
Affirme que la France a un rôle éminent à jouer dans ce processus, dans le cadre d’une conférence internationale;
Affirme que la solution des deux États suppose la reconnaissance de l’État de Palestine aux côtés de celui d’Israël;
Invite le Gouvernement français à reconnaître l’État de Palestine, et à en faire un instrument des négociations pour un règlement définitif du conflit et l’établissement d’une paix durable.