JCall invite Roger Cukierman, le président du Crif

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Soirée « différente » ce mardi 29 septembre au Cercle Bernard Lazare (CBL) à Paris. Le président du Conseil Représentatif des Institutions juives de France (Crif), Roger Cukierman rencontre, à leur invitation, les membres et sympathisants du mouvement JCall, «le réseau juif européen qui soutient la solution de deux peuples et deux Etats pour Israël et la Palestine».

Au cours de cette rencontre, de nombreuses questions seront posées. D’une manière générale trois grandes critiques sont adressées à Roger Cukierman : d’abord, le Crif représente mal les Juifs de France (où les Français juifs, comme l’on voudra) ; ensuite, la position du Crif par rapport au gouvernement d’Israël est erronée et  suiviste; enfin, le Crif ne donne pas la parole à la gauche (sioniste ou non) et à JCall en particulier. Une réponse de Roger Cukierman : «  notre sort en tant que Juifs est lié à celui d’Israël, que nous soyons de droite ou de gauche »

 

La grande salle du CBL est pleine et, de plus, presque tous les membres du « bureau » de Jcall se sont déplacés pour entendre Roger Cukierman, le représentant élu de la communauté juive française organisée. Il y a un peu d’électricité dans l’air car sur de nombreux aspects politiques les deux organisations campent sur des positions antagonistes. JCall reproche au Crif, entre autre, son alignement « inconditionnel » sur les positions du gouvernement israélien (c’est-à-dire celles de Netanyahou) concernant les rapports israélo-palestiniens ; le Crif reproche à JCall sa « naïveté» et d’être « l’allié objectif » de la propagande palestinienne.

Gérard Unger, président de JCall, a parfaitement conscience de la situation, il est lui-même au Conseil exécutif du Crif. Il présentera donc Roger Cukierman d’une manière amicale : « Je le connais depuis 25 ans, j’apprécie sa connaissance du yiddish, en tant que président du Crif il en a vu de toutes les couleurs. En 1999 nous étions ensemble lors d’un voyage en Israël et dans les Territoires palestiniens et je l’ai alors vu serrer la main d’Arafat. Président du Crif de 2000 à 2006 et de nouveau depuis 2013, il a de l’énergie et du cœur. A 79 ans il occupe un poste difficile.»

Ces bonnes paroles étant dites l’atmosphère se détend car, au CBL, l’évocation du yiddish met toujours du baume au cœur. Roger Cukierman prend la parole précisant que son introduction sera courte et qu’il répondra surtout aux questions de la salle. Il rappelle que «le Crif a été créé en 1943 au cours de réunions qui associaient des sionistes, des bundistes, des communistes, des rabbins consistoriaux et des personnalités d’opinions variées. Ses objectifs étaient : sauver les Juifs et lutter contre le nazisme étant entendu que dès que la France serait libérée il fallait se battre pour les droits de l’Homme, le devoir de mémoire et la création d’un Etat Juif». Le président du Crif estime que ces valeurs guident encore l’action de son organisation, qui fédère 70 associations. Selon Roger Cukierman, au sein de l’institution il y a des gens de gauche et des gens de droite, «chacun défendant ses points de vue ».

Aujourd’hui, le grand défi à relever c’est la lutte contre l’antisémitisme constate Roger Cukierman : celui traditionnel de l’extrême droite qui est non violent mais aussi celui de l’extrême gauche qui, allié aux pro-palestiniens, prend le visage de l’antisionisme. Cet antisémitisme serait supportable s’il n’y avait pas eu des actes d’une grande violence, des assassinats et des actes de terrorisme qui ont touché la communauté juive. Les Juifs figurent en premières ligne dans le viseur des djihadistes, mais il y a aussi les journalistes, les militaires et les musulmans qui payent un lourd tribu.

En ce qui concerne les rapports du Crif avec Israël, Roger Cukierman explique qu’«il faut bien réfléchir avant de s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays car nous ne sommes pas à la place de ses citoyens. La politique israélienne est déterminée par son gouvernement qui est élu démocratiquement par le peuple. Ce sont les Israéliens qui risquent leur vie et payent les impôts. En France, comme dans toute société démocratique, on a le droit de critiquer le gouvernement légitime d’Israël, mais pas de mentir ou de falsifier la situation».

La salle s’impatiente, certains considèrent les propos du président du Crif quelque peu lénifiants. Ils s’indignent que Roger Cukierman n’évoque à aucun moment de son intervention la «politique de colonisation du gouvernement Netanyahou». Un participant apostrophe l’invité : «comment pouvez-vous parler d’Israël sans évoquer ce qui se passe dans les Territoires palestiniens !». Le débat est lancé, il sera parfois un peu rude. De nombreuses questions seront posées sans concession et même quelques affirmations hasardeuses seront avancées. D’une manière générale trois thèmes dominent les doléances qui sont adressées à Roger Cukierman : d’abord, le Crif représente mal les Juifs de France (ou les Français juifs, comme on voudra) ; ensuite, la position du Crif par rapport au gouvernement d’Israël est suiviste et erronée ; enfin, le Crif ne donne pas la parole à la gauche (sioniste ou non) et à JCall en particulier.

Le Crif représente mal les Juifs de France

L’organisation de Roger Cukierman ne représenterait pas la diversité d’opinions des Juifs de France, notamment les sensibilités de gauche qui s’opposent à l’expansion des implantations juives dans les Territoires palestiniens. Plus encore, les éléments favorables à la politique de colonisation de Netanyahou (Likoud) domineraient l’ensemble des instances du Crif empêchant d’autres opinions plus modérées de s’exprimer. Au cours de la soirée, deux anciens membres de la commission politique du Crif (démissionnaires depuis) témoigneront de cette situation. Tout au long des interventions de la salle cette critique sera récurrente avec son corollaire, à savoir que «l’on mélange Juifs et Israéliens en France, le Crif et vous-même avez contribué à cet amalgame dangereux».

Ce à quoi Roger Cukierman répond «qu’effectivement on mélange souvent Juifs et Israéliens, mais on ne peut pas attribuer au Crif la seule responsabilité de cet amalgame car il y a des ennemis de la communauté juive et d’Israël qui entretiennent ce mythe à des fins de propagande et pour créer un climat d’affrontement et de haine». Puis, le président rappelle que son institution ne représente que les organisations adhérentes au Crif et pas tous les Juifs de France. Parmi elles il y a des associations ayant une sensibilité de gauche, comme le CBL : «beaucoup de Juifs se sont éloignés du judaïsme laïc ou du judaïsme religieux et ce n’est pas parce que le Crif sera plus ouvert qu’ils modifieront leurs comportements. Chaque association juive peut présenter sa candidature pour rejoindre l’institution, JCall y compris. Au Crif on doit naviguer entre gauche et droite, dans nos instances il y a des gens qui ne veulent pas de deux Etats, un Juifs et l’autre Palestinien. Il y a des gens extrémistes partout. Mais il y a de la pluralité au Crif et nous avons souvent évoqué les positions des tenants de la ligne « deux peuples pour deux Etats ». Elie Barnavi et AB Yehoshua se sont, par exemple, exprimés chez nous».

Le fameux « déjeuner du Crif »soulève lui aussi du ressentiment, dans la salle certains trouvent cet évènement «arrogant, on dirait que les hommes politiques français viennent rendre compte aux Juifs». Roger Cukierman souligne que «c’est Théo Klein (un homme de gauche) qui l’a créé en 1983 quand Fabius était Premier ministre et qu’il s’agissait alors d’inviter le Premier ministre uniquement. C’est Nicolas Sarkozy qui a tenu à y participer et depuis l’habitude se perpétue. C’est un événement républicain qui rassemble les représentants de l’exécutif mais aussi l’ensemble des corps intermédiaires et les représentants des autres religions. Nous invitons tout le monde sauf le Front National, si les Verts ne viennent pas c’est de leur seule décision. Enfin, chacun peut avoir ses fantasmes, on n’y peut rien. De toute manière les résultats sont là : le Crif a bien trouvé sa place dans le paysage politique français».

Puis Roger Cukierman est attaqué sur ses propos vis-à-vis de Marine le Pen, Est-elle vraiment «irréprochable sur l’antisémitisme » ? Celui-ci rétorque que cette phrase a été récupérée en dehors de son contexte et que dans la même phrase il ajoutait « je ne voterais pas pour elle car elle ne partage pas mes valeurs. Je pense que c’est un danger pour les Juifs et pour la France si elle arrive au pouvoir. Notre position est claire, le Crif la répète à chaque élection : nous invitons à voter pour les partis Républicains. Mais il y a des personnes mal intentionnées qui guettent le moindre de nos faux pas, ils cherchent à nous faire dire n’importe quoi et parfois cela réussit».

La position du Crif par rapport au gouvernement d’Israël est suiviste et erronée

Dans le prolongement des premières diatribes, plusieurs personnes se plaignent du rôle joué par le Crif en tant qu’ambassade d’Israël en France. Ils estiment que le Crif, institution représentative du judaïsme français, n’a pas à se faire le porte parole du gouvernement Netanyahou. «Vous avez le droit d’exprimer votre propre vision de l’Etat Juif», lance un participant. Roger Cukierman répond qu’effectivement il en a le droit mais que ce n’est pas le fonds du problème. Il poursuit son explication : «la nature a horreur du vide, l’ancien ambassadeur d’Israël en France a été muet pendant les quatre années de sa mission à Paris, nous avons donc pris le relais. Notre sort en tant que Juifs est lié à celui d’Israël, que nous soyons de droite ou de gauche. Nous avons organisé de nombreux voyages de presse avec des grands journalistes français pour leur montrer les aspects démocratiques d’Israël. Ce n’étaient pas des voyages de propagande et c’est pour cela que nous avons pu influer sur leur opinion, modifiant l’image qu’ils avaient de ce pays. Il y a assez de contempteurs d’Israël, qui le défendra en France sinon le Crif ?».

Un militant de JCall se lève et s’adresse avec solennité au président du Crif : «indéniablement vous êtes républicain, vous aimez Israël et respectez ses institutions démocratiques. Pourquoi ne pas exprimer votre inquiétude au gouvernement israélien quand vous voyez des gens d’extrême- droite s’en prendre à la Haute cours de justice israélienne ou des groupes juifs factieux et violents mener des opérations terroristes dans les Territoires palestiniens et même en Israël ? C’est extrêmement grave ! »… Roger Cukierman interroge le militant : «à quoi faites-vous allusion, quels événements précis ? Je ne vois pas ! ». Sa réaction est jugée brève et décevante par la salle qui laisse éclater son indignation ! Certes l’heure est tardive et l’homme a l’air fatigué, un mandat de trop ?

Le Crif ne laisse pas la parole à la gauche (sioniste ou non) et à JCall en particulier.

Face aux critiques sur le manque de pluralité de son institution, Roger Cukierman invite JCall à rejoindre le Crif : «votre organisation pourra s’y exprimer sans restrictions, il est préférable que toutes les opinions soient entendues, vous avez intérêt à faire passer vos messages».

David Chemla, secrétaire européen de JCall, réplique au président du Crif que le débat sur l’adhésion de son organisation est ouvert depuis la création de JCall. « Nous préférons garder notre indépendance car le rapport de force politique ne nous est pas favorable au sein du Crif. Nous ne somme même pas certains d’être acceptés par les autres organisations au moment du vote d’adhésion. JCall doit préserver sa liberté de parole et d’action mais nous sommes prêts à nous joindre à toute initiative en faveur de la solution de deux peuples pour deux Etats ou qui militerait pour le rapprochement israélo-palestinien. ».

A ce propos, Roger Cukierman précise que des commissions du Crif travaillent à améliorer les rapports entre la communauté juive et les autres minorités en France. Les contacts avec la communauté musulmane sont fructueux et pérennes mais concernant la Palestine et Israël les échanges sont difficiles. En conclusion, il est prévu que le Crif invite JCall à présenter ses idées lors d’une prochaine conférence, ceci afin de maintenir le dialogue…

 

Paul Ouzi MEYERSON

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