Le Hamas vote Netanyahou

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Photo d’un bus atteint par un tir direct de roquette à Holon.

Depuis 48 heures, le Hamas a déjà envoyé plus d’un millier de roquettes sur Israël et des ballons incendiaires sur les champs mitoyens de Gaza. Ce n’est plus seulement Sderot ou Ashkelon qui sont les objets de ces attaques, mais Jérusalem et le centre du pays, jusqu’à des villes côtières comme Raanana. Le bilan à cette heure est déjà de 6 morts et de plusieurs dizaines de blessés en Israël.

Avant toute analyse de la situation, nous affirmons d’abord notre total soutien à Israël et à sa population, qui subit ces bombardements venus de Gaza. Israël a le droit de défendre sa population. Et nous déplorons toutes les victimes civiles – israéliennes comme palestiniennes – de ce nouveau round de violences.

Pourquoi cet embrasement en ce moment? Il y a, comme toujours au Moyen-Orient, plusieurs grilles de lecture des évènements. Elles sont probablement toutes justes, mais certaines sont plus déterminantes que d’autres.

Premier niveau: C’est une réaction à des semaines de provocations effectuées par des groupes d’extrémistes juifs, sous la conduite du député kahaniste nouvellement élu à la Knesset, Itamar Ben Gvir, venus soutenir les projets d’expulsion du quartier Sheikh Jarrah (situé à Jérusalem Est) de 13 familles palestiniennes, soit plus de 300 personnes. Ce sont tous des descendants des réfugiés de 1948 ayant abandonné leurs biens situés à l’Ouest, et qui avaient été relogés par les Jordaniens en 1952 dans des maisons appartenant à des Juifs avant 1948.

Ces projets d’expulsion sont anciens. Déjà, en 2008, plusieurs familles avaient été expulsées en vertu d’une loi votée à la Knesset en 1970, autorisant des Juifs à engager une procédure afin de récupérer des biens perdus en 1948. Et depuis, chaque vendredi, ont lieu des manifestations auxquelles participent des Juifs et des Arabes pour s’opposer à la poursuite de ces expulsions – qu’elles ont réussi à  bloquer jusqu’à présent. La Cour suprême, saisie par les Palestiniens, a décidé de repousser à plus tard sa décision sur la validité des nouvelles procédures d’expulsion.

Cette provocation des extrémistes juifs s’est déroulée pendant la période du Ramadan, et les forces de l’ordre ont contribué à la mobilisation des Palestiniens en leur interdisant de se réunir le soir, comme c’était le cas les années précédentes, devant l’esplanade de la porte de Damas après la rupture du jeûne. Les forces de l’ordre israéliennes se sont heurtées aux manifestants palestiniens, les poursuivant jusque sur l’Esplanade des mosquées et même au sein de la mosquée El Aqsa. Ces images des affrontements entre forces de police israéliennes et jeunes Palestiniens, sur ce lieu sacré pour les musulmans, ont produit l’effet recherché. Des Arabes israéliens se sont à leur tour mobilisés, et ont voulu rejoindre la Ville sainte. La police les en a empêchés, pensant ainsi réduire les tensions. Cette maladresse a provoqué l’effet inverse et n’a fait qu’accentuer la colère des manifestants, qui s’est traduit ces dernières heures en émeutes dans des villes mixtes, comme Lod ou Saint-Jean-d’Acre, où l’on a assisté à des scènes de guerre civile entre les communautés, avec incendies de voitures et de synagogues et tentatives de lynchage contre des civils. Ces images étaient impensables justement en ce moment, où tout le pays encensait encore il y a peu ses soignants, juifs et arabes, dont l’engagement conjoint a permis de vaincre la pandémie.

Deuxième niveau: Depuis la décision prise par Mahmoud Abbas de repousser les élections palestiniennes prévues en juin (sous le prétexte du refus d’Israël que soient installées des urnes à Jérusalem-Est pour permettre l’organisation du vote pour ses habitants), le Hamas, à qui les sondages prédisaient une victoire, se sentait floué. En prenant l’initiative d’envoyer des centaines de roquettes sur Israël, en soutien aux Palestiniens de Jérusalem, il montre à la fois sa capacité militaire et sa volonté de se présenter comme le «meilleur défenseur» de la cause palestinienne.

Troisième niveau: Tout cet embrasement se déroule à un moment historique où, pour la première fois depuis 1948, un parti arabe, Raam, dirigé par Mansour Abbas, est en train de finaliser un accord pour soutenir la création d’un gouvernement regroupant tous les partis de l’opposition à Netanyahou – un gouvernement Lapid-Bennett qui irait du Meretz à gauche jusqu’à Yamina à droite. Cet embrasement des tensions entre Juifs et Arabes au sein d’Israël, et entre Palestiniens et Israéliens, rend difficile, s’il devait durer, la poursuite de ces négociations et pourrait conduire à l’éclatement de la coalition des anti-Bibi en poussant certains des députés des partis de droite à la quitter.

Si ce scénario devait se produire, il y aurait deux vainqueurs. Netanyahou, d’abord, qui resterait ainsi au pouvoir jusqu’à l’organisation d’un 5ème tour de scrutin où il pourrait espérer retrouver une majorité qui lui donnerait l’immunité pour échapper à la justice. Et le Hamas, qui conforterait ainsi, au sein de la population palestinienne, un pouvoir dont il a été privé par l’annulation des élections. Cette alliance objective entre ces deux «vainqueurs» n’est pas pour nous étonner. Elle s’inscrit dans la continuité de la politique suivie par Netanyahou et le Likoud qui, depuis des années, ont choisi de renforcer le Hamas – en laissant entrer à Gaza les valises de dollars en provenance du Qatar – plutôt que le Fatah et l’Autorité palestinienne avec lesquels ils n’ont mené aucune négociation.

Quelle que soit la grille de lecture de ces évènements, nous devons proposer, avant que cette confrontation ne dégénère encore plus, une perspective de sortie de crise. L’expérience des précédentes confrontations entre Israël et le Hamas a montré qu’il n’y avait pas de solution militaire à ce conflit. Il est temps, de part et d’autre, de sortir de cette logique de la force où, toutes les quelques années, on assiste à une nouvelle explosion de violence où les civils sont les premiers à payer le prix, et de retourner à des négociations.

Les Israéliens – qui, par quatre fois, n’ont pas donné de majorité à Netanyahou – doivent pouvoir bénéficier du nouveau gouvernement auquel ils aspirent. Il aura comme tâche, en priorité, de réconcilier les différentes composantes de la population, et notamment les Juifs et les Arabes en Israël. Si son hétérogénéité rend sans doute difficile sa capacité à ouvrir des négociations avec les Palestiniens, il peut néanmoins s’atteler à faire baisser les tensions, en retrouvant le climat politique que les récents accords passés avec certains pays arabes ont impulsé dans la région.

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