“Les déménageurs” – dessin de Biderman, Haaretz, 7/05/2021
Netanyahou n’a donc pas réussi, au bout des quatre semaines qui lui étaient accordées par le président Reuven Rivlin, à constituer un gouvernement. Malgré toutes ses dernières manœuvres pour tenter de convaincre Naphtali Bennett, Gidéon Saar ou Benny Gantz de le rejoindre, en acceptant même de leur laisser en premier le poste de Premier ministre dans le cadre d’un gouvernement d’alternance, il n’a pas réussi à réunir les 61 voix nécessaires pour avoir une majorité. L’alliance extrémiste des sionistes religieux, sous la direction de Betzalel Smotrich (qui a proclamé du haut du podium de la Knesset que «les Arabes sont des citoyens d’Israël, au moins pour l’instant, et ils ont des représentants à la Knesset, au moins pour l’instant») et du député kahaniste et homophobe Itamar Ben Gvir, a refusé de soutenir un gouvernement de droite s’il devait dépendre des voix du parti islamiste Raam. Le président Rivlin a, en conséquence, confié le mandat à Yaïr Lapid, qui a obtenu le soutien de 56 députés, dont ceux du parti Tikva Hadasha (Le Nouvel Espoir) de Gidéon Saar, et de 5 sur les 6 députés de la Liste Unifiée qui regroupe trois «partis arabes», pour tenter à son tour de former un gouvernement.
Après avoir négocié pendant 28 jours, à la fois avec Netanyahou et Lapid, Bennett a finalement déclaré s’opposer à un 5ème tour d’élections souhaité par Netanyahou, et a appelé les membres des partis de droite à «être audacieux» et à se joindre à un gouvernement d’union. Il a également affirmé, alors que «les affaires s’effondrent tout autour», préférer «établir un large gouvernement d’urgence, certes difficile, mais qui pourrait sortir la voiture de la boue». Lapid lui a d’ores et déjà promis, s’il le rejoignait, le poste de Premier ministre qu’il occuperait en premier dans le cadre d’un gouvernement d’alternance, avec une répartition des portefeuilles ministériels entre les différents partis.
Lapid a maintenant quatre semaines pour réussir à constituer un gouvernement de changement, et il faut s’attendre à tous les coups bas possibles de la part de Netanyahou pour l’en empêcher. S’il y réussit, il mettra probablement ainsi fin à l’ère Netanyahou – qui aura été le Premier ministre ayant dirigé le pays le plus longtemps depuis 1948, dépassant même la longévité de Ben Gourion. Mais, à la différence de ce dernier, qui est resté dans l’histoire, et pour tous les Israéliens, comme le fondateur de l’État qui a su faire d’un peuple dispersé une nation, Netanyahou restera, s’il devait partir maintenant, comme celui qui l’a le plus divisé, exacerbant les haines entre ses différentes composantes. Néanmoins, en courtisant publiquement Mansour Abbas, le dirigeant du parti Raam, pour obtenir son soutien, il aura légitimé le vote arabe et on pourra ainsi porter à son crédit l’intégration des Arabes israéliens dans la vie politique du pays. D’après un récent sondage réalisé par l’Institut israélien de la démocratie, 29% de la population juive et 73% de la population arabe soutiennent la participation des partis arabes dans la future coalition, et la nomination de ministres arabes. Ces résultats sont en progression par rapport aux sondages précédents: de septembre 2019 à avril 2021, ce soutien est passé de 71% à 83% parmi les électeurs juifs de gauche, de 31% à 43% pour ceux du centre et de 5% à 13% pour ceux de droite.
En conclusion, même si l’éventualité d’un 5ème tour n’est pas totalement écartée en cas d’échec de Lapid, le fait que Netanyahou n’ait pas réussi, pour la quatrième fois consécutive, à former un gouvernement est un signe de fin de règne pour celui que l’on qualifiait naguère encore de «magicien» du fait de sa capacité à toujours rebondir face aux difficultés.