Projection au Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand de films sur l’eau réalisés par des cinéastes israéliens et palestiniens.
Le Monde.fr | Par Clarisse Fabre
“Ici les gens ne pensent qu’à l’eau… Pour qu’il n’y ait pas d’autre aspiration”, explique l’un des personnages du documentaire de Mohmmad Fud, The Water Seller. Cette réplique pourrait résumer la guerre des nerfs autour de ce bien vital, dans le conflit israélo-palestinien.
Le vendeur d’eau, le Palestinien Abu Firas, travaille à Bethléem. Son camion-citerne est rempli d’eau. Il l’achemine par ce tuyau qu’il enroule et déroule sans fin. Ça vire à l’obsession. On a le sentiment qu’il n’y en aura jamais assez pour satisfaire les habitants qui en sont privés.
The Water Seller fait partie de la série de neuf documentaires et fictions produits dans le cadre du Water Project, à l’initiative du département Cinéma de l’université de Tel Aviv. Les films ont été réalisés par des cinéastes israéliens et palestiniens, qui ont travaillé ensemble sur le projet, avant de se mettre à tourner.
Dévoilé en juin 2012, à Tel Aviv, également projeté à Jérusalem – mais pas à Ramallah –, le Water Project a ouvert la Semaine de la critique à Venise, en septembre 2012. Depuis, il fait escale dans les festivals, avant une possible sortie en salles en France.
Cette semaine, les films du Water Project ont été présentés dans le cadre du Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. A l’origine du projet, Yaël Perlov, productrice et enseignante à l’université de Tel Aviv, est venue présenter les œuvres en présence de deux des réalisateurs, les Israéliens Yoav Shavit (Femmes de Refaiya) et Yona Rozenkier (Raz and Radja).
Après la projection, dans la salle des Frères Lumière de la Cité U, il a fallu une longue discussion, dans un café, pour commencer à cerner cette aventure qui n’allait pas de soi. Le tempérament fonceur de Yaël Perlov n’a sans doute pas été inutile pour mener l’histoire à bon port : “Ramallah n’est pas loin de Tel Aviv. Et pourtant, dans l’immense majorité des cas, les Israéliens et les Palestiniens ne se connaissent pas. Ce sont les clichés qui prévalent : les uns seraient tous embrigadés dans l’armée, les autres seraient tous des terroristes. Nous avons voulu créer un laboratoire. Les Palestiniens sont venus en Israël et vice-versa”, résume-t-elle.
Côté israélien, dit-elle, les films retenus ont été sélectionnés sur une centaine de scénarios. Côté palestinien, il a fallu naviguer un peu : “Nous avons trouvé sur Facebook une annonce, selon laquelle une rencontre devait avoir lieu entre metteurs en scène palestiniens, à Ramallah. Nous avons obtenu la permission d’y participer. Lors des premières rencontres entre les cinéastes, on ne vous cache pas que les sourires étaient un peu crispés”.
Chacun a présenté ses idées, ses intentions. Un professeur américain est venu parler de l’enjeu stratégique de l’eau, dans la région. Une vidéo raconte le making-of de cette étrange aventure.
“Pour la plupart, les Israéliens méconnaissaient le problème de l’eau dans les territoires occupés. Et aussi d’autres aspects de la vie quotidienne. Un soir, vers 22 heures, pendant que nous étions tous à Tel Aviv, les Palestiniens se sont levés d’un bond et nous ont quittés, comme Cendrillon sur les douze coups de minuit ! Les Israéliens ne comprenaient pas. En fait, les Palestiniens avaient une permission de douze heures seulement. Et ils peuvent attendre très longtemps aux check-point”, ajoute Yaël Perlov. Très engagée à gauche, la jeune femme a su faire preuve de diplomatie pour mener l’histoire à bon port.
Les cinéastes, eux, ont fait connaissance, de manière parfois fracassante. Yona Rozenkier a été parachutiste dans l’armée israélienne, de 1999 à 2002. Il ne s’en est pas caché devant ses collègues palestiniens. “J’ai tout dit. Autour de moi, il y avait un silence impressionnant. J’ai expliqué que l’histoire du film, c’était un peu la mienne, quand j’étais soldat”.