Israël célébre aujourd’hui son soixante-quinzième anniversaire. Comme chaque année Yom Haatsmaout vient clore cette parenthèse dans la vie du pays, chargée de symboles appelant plus à l’unité nationale qu’aux divisions partisanes. Elle a commencé avec la soirée du seder de Pessah où les Juifs se retrouvent en famille pour se souvenir qu’ils ont été esclaves en Egypte. Puis elle a continué par le Yom Hashoah où sont commémorés les six millions de victimes du nazisme, suivi sept jours plus tard par le Yom Hazikarone le jour du souvenir des morts des guerres et du terrorisme qui, depuis le début du projet sioniste, sont autant de pierres blanches sur le chemin parcouru pour l’existence et la survie de cet État. Et dès le soir, au sortir de ce jour douloureux, le pays est censé avoir célébré dans la joie son indépendance. Et pourtant cette année est, comme la question posée traditionnellement par les enfants à Pessah, Ma nishtana, différente des autres années. La pause n’a pas duré et dès hier soir les manifestations, qui se succèdent depuis plus de trois mois, ont repris avec la même mobilisation. Les manifestants espèrent être un million lors de la prochaine manifestation de samedi pour affirmer que la démocratie fait partie de l’ADN de ce pays depuis sa création et qu’ils ne sont pas prêts à la voir disparaitre sous une forme diluée et déformée au service des intérêts d’un pouvoir de circonstance qui est, selon tous les sondages, largement rejeté aujourd’hui après seulement quatre mois d’existence.
Nous avons lors de la conférence « Sauver la démocratie israélienne », que nous avons organisée au parlement européen le 27 mars dernier, affirmé notre engagement auprès de ces manifestants. Tous les intervenants, qui se sont succédé à la tribune ou par vidéo, ont rappelé, chacun à leur façon, leur attachement à Israël comme État juif ET démocratique et leurs interventions sont accessibles sur notre site en français ou en anglais. Nous continuerons à accompagner et soutenir ce mouvement de contestation qui est le plus important depuis la création de l’État. Nous le ferons non seulement parce que ce serait aussi dangereux que la pire des menaces extérieures si Israël devait décider, par le vote d’une simple majorité à la Knesset, de quitter la famille, en réalité peu nombreuse dans le monde, des démocraties libérales. Mais nous le ferons aussi parce que nous savons que la démocratie n’est pas compatible avec l’occupation et nous espérons que les Israéliens, qui aujourd’hui se battent pour l’identité démocratique de leur pays, seront de plus en plus nombreux à le comprendre. Certes un régime démocratique avec une Cour suprême indépendante n’a pas suffi à mettre fin à l’occupation, comme le montrent les années écoulées depuis 1967. Il a permis cependant de défendre parfois les droits des Palestiniens et ceux d’autres minorités. Mais il est certain qu’il sera beaucoup plus difficile, voire impossible, de se battre pour ces mêmes droits et contre l’occupation dans un régime qui ne serait plus démocratique. Après 75 ans d’existence, il est temps pour Israël d’avoir sa Constitution qui lui garantira, autant que son armée, de conserver son identité et son indépendance pour les générations futures. Bon anniversaire Israël !
