Le gouvernement Bennett Lapid n’aura donc tenu qu’un an. Les attaques incessantes de l’opposition menée par le Likoud pour le faire tomber ont fini par payer. Un troisième député du parti de droite Yamina, Nir Orbach, a fait défection à la coalition au pouvoir, la privant de sa majorité. Après avoir déclaré son intention de ne plus soutenir la coalition si la loi dite de Judée Samarie n’était pas votée, Orbach a annoncé qu’il voterait la proposition de dissolution de la Knesset que le Likoud s’apprêtait à présenter cette semaine. Cette loi, constamment renouvelée tous les 5 ans depuis 1967, et qui vient à échéance fin juin, vise à maintenir l’extension du droit pénal israélien et d’une partie du droit civil aux Israéliens vivant en Cisjordanie, leur garantissant d’être traités comme s’ils vivaient en Israël et de pouvoir bénéficier de leurs droits fondamentaux – comme celui à l’assurance maladie ou celui de pouvoir voter ou être élus – sans que ces droits ne soient étendus aux Palestiniens vivant dans les mêmes zones. Les partis juifs de l’opposition ayant déclaré leur intention de s’abstenir, alors qu’ils en partagent ses objectifs, le vote de cette loi dépendait du soutien des députés arabes du parti Ra’am membre de la coalition qui n’étaient pas prêts à le faire. Le parti travailliste et le Meretz, opposés idéologiquement à cette loi, l’auraient votée conformément aux accords de coalition où tous les partis s’étaient engagés à maintenir le statu quo sur tous les sujets sur lesquelles il y avait un désaccord entre eux, comme ceux touchant à l’occupation.
Le Premier ministre Naphtali Bennett, informé de la décision d’Orbach, a donc décidé avec Yair Lapid d’appeler à la dissolution de la Knesset, pour selon ses propos que « le chaos ne s’installe dans le pays » et que des centaines de milliers d’Israéliens installés en Cisjordanie ne se trouvent pas sans statut. Ce qui ne sera pas le cas en cas de nouvelles élections parce que la réglementation actuellement en vigueur sera automatiquement renouvelée.
Dans sa déclaration à la Knesset, Bennett a fait un bilan élogieux de l’action de son gouvernement dont les résultats sont nombreux. Mais parmi ceux-ci, deux d’entre eux resteront des acquis.
Le premier, dont Bennett s’est enorgueilli collectivement au nom des 8 partis de la coalition, c’est celui d’avoir montré que, contrairement à toutes les prévisions, ce gouvernement malgré ses divergences sur beaucoup de sujets, avait bien fonctionné. En ayant fait valoir « la culture du nous », il a contribué à apaiser le débat public et s’est attelé à résoudre les nombreux problèmes délaissés par les gouvernements précédents. D’autres leaders de cette coalition comme Benny Gantz et Nitzan Horowitz, le dirigeant du Meretz, ont salué l’action de ce gouvernement, ce dernier affirmant même, « qu’il avait sauvé la démocratie israélienne et que l’on se souviendrait pendant de nombreuses années de ses réalisations ». A une époque comme la nôtre, où, dans de nombreuses démocraties libérales, il est de plus en plus difficile de constituer des gouvernements de coalition, cette expérience pourrait servir d’exemple. Et elle aurait pu se poursuivre si elle n’avait pas reposé sur une coalition fragile, conséquence du système électoral en vigueur en Israël.
L’autre acquis, dont Mansour Abbas, le leader du parti islamique Ra’am, a fait mention au cours d’une interview télévisée, c’est celui d’avoir prouvé qu’un parti arabe peut faire parti d’un gouvernement même avec des partis juifs de droite. Conscient que ce choix correspond aux attentes de la majorité des Arabes israéliens, il affirmait même que « son parti participera également à la future coalition après les élections ». – Selon un récent sondage au sein de cette population, plus de 38 % étaient pour le maintien de la coalition en place, 35 % pour que la Liste arabe unie, aujourd’hui dans l’opposition, la rejoigne et seulement 23 % pour l’appel à de nouvelles élections.
Dans leur intervention commune à la Knesset, Bennett et Lapid ont fait preuve d’un grand respect mutuel. Conformément aux accords passés entre eux, Bennett a déclaré que Lapid deviendrait Premier ministre d’un gouvernement de transition, dès la dissolution votée, en attendant l’organisation de futures élections qui devraient avoir lieu le 25 octobre.
Ainsi Israël s’engage dans une nouvelle campagne électorale, la cinquième depuis 2019. Il est à craindre que, comme précédemment, les questions fondamentales comme celles de la poursuite de l’occupation et des relations avec les Palestiniens ne soient pas abordées et que cette future élection ne tourne encore à la confrontation entre les pro Bibi et les anti Bibi. Mais 4 mois jusqu’aux élections est, en terme de calendrier israélien, une éternité au cours de laquelle beaucoup d’évènements peuvent se produire. Nous les suivrons avec vous.