Rafah ou Riyad, le dilemme de Netanyahou

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Depuis plusieurs semaines des manifestations rassemblant des dizaines de milliers d’Israéliens appellent à des élections. Mais elles n’ont pas encore l’ampleur de celles contre la réforme judiciaire d’avant le 7 octobre. Si selon les sondages, une majorité de la population souhaite un retour anticipé aux urnes, elle est divisée entre ceux qui le veulent pour le plus tôt possible et ceux qui attendent la fin de la guerre pour se joindre aux manifestations. Netanyahou, quant à lui, a tout intérêt à prolonger cette guerre. Il s’appuie sur la majorité de la population, dont même une partie de ses opposants, qui continue à la soutenir, espérant ainsi éradiquer les menaces que fait peser le Hamas sur les villes et kibboutzim du Sud du pays comme celles du Hezbollah sur ceux du Nord. De plus, il bénéficie grâce à elle d’un regain des soutien dans la partie de son électorat qui l’avait abandonné suite à sa responsabilité, même non encore assumée, dans les défaillances du 7 octobre.

Mais après plus de six mois de guerre, force est de constater, malgré tous les communiqués de l’armée israélienne, que le Hamas a encore une capacité militaire et que Tsahal n’a réussi à libérer que 3 otages, les autres l’ayant été à la suite de négociations. Le Hamas arrive même à reprendre le contrôle dans les zones que l’armée avait précédemment « nettoyées ». Le débat actuel en Israël est de savoir si l’offensive devrait se poursuivre sur la ville de Rafah, où selon les estimations militaires sont présents 4 bataillons du Hamas, comprenant entre 4 et 5000 hommes, ou s’il faut essayer de mettre en place un cessez-le-feu qui est le seul espoir de libérer les otages. C’est ce que demandent les familles et de plus en plus d’Israéliens. C’est d’abord une exigence morale de les libérer. Il y a sans doute une logique militaire à vouloir éliminer ce qui reste comme force militaire du Hamas et surtout à détruire les tunnels qui aboutissent en Egypte et par lesquels le Hamas s’approvisionne en armes. Mais cet objectif, s’il est atteignable, ne peut pas l’être sans les soutiens égyptien et américain. Selon les estimations de l’armée israélienne, le Hamas a perdu depuis le 7 octobre près de 15000 de ses membres qui font partie des 34000 victimes annoncées par le Ministère de la Santé palestinienne. De son point de vue il a atteint ses buts : avoir réussi à remettre la question palestinienne au centre des préoccupations internationales et être reconnu par les Palestiniens comme le fer de lance de leur résistance nationale. La seule façon pour les Israéliens d’éliminer sa menace, ce n’est pas en lançant une opération sur Rafah qui va entrainer inévitablement beaucoup d’autres victimes parmi la population civile réfugiée et noircir encore plus leur image dans le monde. C’est en permettant que soit installée, dans le cadre d’un accord, une alternative politique à son pouvoir, composée de représentants d’une Autorité palestinienne renouvelée qui regagnerait un crédit auprès de la population gazaouie si elle réussit, avec l’aide internationale, à reconstruire les villes et rétablir l’ordre et la sécurité. Si malgré tout le gouvernement israélien décide de lancer cette opération, il risque de mettre fin au projet d’accord en négociation avec les Saoudiens et mettre à mal sa relation avec les États-Unis. Rafah ou Ryad, tel est le choix auquel Israël est confronté !

 

Pourtant comme l’a montré l’interception récente de l’attaque massive de drones et de missiles balistiques en provenance d’Iran par une coalition internationale aux côtés de Tsahal, Israël reste dépendante du soutien occidental et en premier lieu de celui des États-Unis. Et jusqu’à présent ce soutien a toujours été bipartisan, provenant à la fois des Démocrates comme des Républicains. C’est le pilier même de la stratégie de défense israélienne. Netanyahou a cependant depuis ces dernières années choisi de sacrifier ce soutien bipartisan en prenant chaque fois position en faveur des courants les plus conservateurs au sein du parti républicain. Il a préféré celui des fondamentalistes chrétiens à celui des Juifs américains qui restent à plus de 70 % fidèles au parti démocrate. Biden, sans doute le dernier président américain sioniste, s’est depuis le début de cette guerre tenu aux côtés d’Israël, malgré Netanyahou. Ce choix risque de lui coûter sa réélection parce que l’aile gauche du parti démocrate, et surtout les jeunes parmi celle-ci qui s’affirment selon certains sondages à 50 % comme propalestiniens, menace de lui faire payer son soutien à Israël en décidant de ne pas voter pour lui en novembre prochain.

 

Il n’est pourtant pas trop tard pour sortir de cette crise par le haut. Les États-Unis doivent exiger d’Israël l’arrêt des combats si un cessez-le-feu est obtenu dans le cadre d’un accord pour libérer les otages et imposer le plan dont on parle depuis plusieurs semaines : la libération de tous les otages, le retrait israélien le long de la frontière, la transmission de la gestion de Gaza à des Palestiniens non rattachés au Hamas, la reconstruction des villes avec le soutien financier émirati et saoudien et la mise en place d’un contrôle militaire par des forces internationales pour empêcher un retour du Hamas, Tsahal conservant une présence militaire aux frontières. Si ce plan est mis en place, il conduira obligatoirement à une crise politique en Israël et à de nouvelles élections. Et si une telle dynamique est véritablement enclenchée, avec une forte implication américaine et européenne, on peut espérer un retour à un processus politique avec les Palestiniens.

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