Narcisse au pouvoir

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Ce que Macron, Biden et Netanyahou ont en commun

Alors qu’Israel s’enfonce dans la guerre et l’isolement international, que la France rentre dans une période d’instabilité politique majeure et que la démocratie américaine est en péril avec le possible retour de Trump au pouvoir, il est intéressant de noter que si les leaders de ces 3 pays sont tres différents, une forme d’hubris et de narcissisme les réunit, avec des conséquences tres inquiétantes pour chacun des pays qu’ils dirigent.

Des leaders très différents

Noter des comportements communs entre Macron, Biden et Netanyahou ne signifie en rien mettre sur un pied d’égalité ces trois dirigeants, et rien ne serait plus injuste, en particulier pour le président américain Joe Biden.

Celui-ci est en effet un homme digne, plein d’empathie, au parcours de vie admirable, terrassant l’adversité pour arriver à la présidence des États-Unis à 78 ans. Institutionnaliste, son obsession est d’apaiser et préserver la démocratie américaine abimée par Donald Trump lors de son premier mandat, et menacée par un retour de ce dernier.

Emmanuel Macron est très difficilement comparable à Joe Biden. Arrivé à l’Elysée à 39 ans, après un parcours politique météorique éclair, il l’a fait en dynamitant le système. Assez méprisant envers ses pairs, il n’a jamais véritablement su « sentir » le pays profond et lui exprimer de l’empathie.

Si Biden est un institutionnaliste, Macron est donc un dynamiteur, alors que Netanyahou serait plutôt un « squatteur » du pouvoir, ce que les institutions israéliennes permettent, au contraire des institutions françaises et américaines. Impopulaire, sa survie politique est sa principale boussole politique.

Pourtant, des points communs existent, qui peuvent se comprendre par leur histoire personnelle et leur façon d’avoir accédé au pouvoir.

Seuls contre tous

Joe Biden vient d’une famille de la classe moyenne, il bégayait dans son enfance et il n’a pas fait de grandes études. Il a su pourtant devenir sénateur à l’âge de 29 ans, mais ce pinacle professionnel devait s’accompagner de la tragédie ultime, la perte de sa femme et de sa fille dans un accident de voiture, qui devait aussi blesser grièvement ses 2 fils, dont un, Beau, devait décéder à l’âge de 46 ans, au seuil d’une carrière politique prometteuse.

Candidat malheureux à la présidentielle de 1988 puis 2008, il devait devenir le Vice-Président d’Obama, qui le dissuada de briguer la présidence en 2016. Donné pour mort politiquement, car (déjà) trop vieux, il devait se lancer dans les primaires démocrates en 2019, et c’est lui qui finalement terrassa ses adversaires plus charismatiques et remporta l’élection contre Donald Trump en 2020.

Moins brillant que Bill Clinton ou Barack Obama, cette élection improbable de Biden, contre l’adversaire ultime Donald Trump, devait encore renforcer une confiance forgée dans l’adversité.

Ce sentiment d’outsider, Netanyahou l’a également eu et entretenu de manière constante. Méprisé par les « princes du Likoud », des éléments brillants comme Dan Meridor, Tzipi Livni ou Ehud Olmert, rivaux qu’il battra plus tard, Netanyahou prit le pouvoir au sein du Likoud en déshérence après la défaite électorale de 1992. Netanyahou a su mêler son histoire personnelle à celle du Likoud, parti longtemps minoritaire, et de ses électeurs, notamment ceux originaires du Maroc, ostracisés pendant des années en Israël.

Cette rhétorique du « seul contre tous » est au cœur du récit politique de Netanyahou, qui explique et alimente un ressentiment sans fin qui sert ses desseins politiques. Elle explique également une paranoïa aigue et le sentiment d’être le seul à pouvoir diriger Israël, en exacerbant les divisions du pays pour y parvenir.

Si la paranoïa semble absente chez Emmanuel Macron, son ascension est elle aussi une histoire de disruption et de confiance en soi absolue.

La prise de pouvoir de Macron s’est faite contre les conventions, les précédents, et presque toute l’histoire politique française récente.

Cette ascension improbable a été rendue possible par son audace, son talent, mais aussi en grande partie par les circonstances et par la chance, mais Macron ne veut retenir que son talent comme la raison de ce succès, renforçant sa confiance en soi absolue et son manque de confiance dans les conseils des autres.

Leaders différents mais rendus presque imperméables à la critique par leur ascension et par la confiance absolue en leurs capacités, ils conduisent leur pays dans une direction incertaine voire dangereuse.

Vers l’inconnu

Netanyahou a occupé le poste de Premier ministre de 1996 à 1999, puis depuis 2009, avec une interruption de 1 an entre 2021 et 2022. Pour beaucoup, Israël c’est Netanyahou et Netanyahou c’est Israël. Plus grave, Netanyahou semble le penser lui aussi. La conduite de la guerre provoquée par l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre dernier laisse bien souvent penser que Netanyahou, menacé de prison s’il perdait le pouvoir, a d’autres préoccupations que les intérêts de son pays, et que sa propre survie politique prime sur tout le reste, comme l’intégration régionale, la relation avec les États-Unis, ou le statut du pays dans le monde.

Avec une carrière politique bâtie sur l’isolement et le ressentiment, Netanyahou entend conduire Israël, avec qui il se confond, dans la même direction, dans une logique que rien ne semble pouvoir arrêter. Les manifestations monstres ne semblent pas l’affecter, renforçant au contraire sa vision du monde paranoïaque. Dans la même veine, il n’a de cesse d’affronter les institutions du pays comme la justice, les services secrets ou l’armée, qui auraient juré sa perte selon lui, et qu’il peut qualifier d’ « ennemis de l’État » en raison de son identification ultime avec l’État d’Israël, qu’il estime être le seul à pouvoir diriger.

Si la France n’est pas en guerre, elle s’enfonce chaque jour un peu plus dans un marasme politique, qui pourrait se transformer en chaos. Là aussi, il est impossible de ne pas voir dans la personnalité de Macron un élément explicatif de cette réalité.

Sujet brillant, Macron estime que personne n’est réellement à sa hauteur dans le pays, y compris au sein de son gouvernement. Ne pouvant se représenter en 2027, et voyant ainsi poindre la malédiction du second mandat, ou les affidés s’éloignent et les fidélités s’estompent, il a préféré dissoudre l’Assemblée nationale et provoquer un chaos où il resterait un acteur central plutôt que de se voir marginalisé. Sûr de sa force, il était prêt à défier le sort, persuadé avant l’élection que les sondages avaient tort, et après elle que les Français se trompaient, lui seul détenant la vérité.

Cette capacité à nier le réel est aussi ce qui caractérise le président Joe Biden. S’il a lui-même laissé entendre en 2020 qu’il ferait un seul mandat et qu’il serait un pont entre deux générations de leaders, il a tu toute allusion à son âge dès son arrivée à la Maison Blanche. Dès que le sujet était évoqué, lui ou son entourage ne répondait pas sur le fond. L’obsession anti Biden des Républicains a par ailleurs servi les desseins du président, car chaque attaque, en particulier sur son âge, obligeait le camp démocrate à faire bloc et à démonter leurs mensonges et ceux de Fox News sur le sujet (nombreux certes, mais pas systématiques), et de facto à taire tout débat sur la sagesse de le voir se représenter.

Vainqueur de Trump, menace avérée pour la démocratie américaine, en 2020, sauveur par la même de cette dernière, il estime être non pas le meilleur mais le seul à pouvoir le refaire en 2024, oubliant ainsi que le vote pour Biden était aussi, dans une large mesure, un vote anti Trump, et sa relative résistance dans les sondages après le débat catastrophique s’explique aussi à cette aune.

Devant l’évidence des images du débat contre Trump, des éléments de langage ont été sortis, avec la personnalité et le parcours de Biden comme éléments centraux. Biden le « revenant », l’« outsider », serait une nouvelle fois capable de faire mentir les élites, les oracles, tous les brillants qui l’ont toujours méprisé. Le consensus contre lui devient ainsi non pas un adversaire mais un moteur pour lui, comme pour ses 2 homologues français et israéliens.

Israël, la France et les États-Unis sont des pays très différents avec des dangers différents à venir : l’isolement et la guerre sans fin pour Israël, le chaos politique en France, et la fin de la démocratie aux États-Unis, mais ces trois dangers sont alimentés par une même hubris, une même confiance en soi absolue et le même solement de leurs dirigeants.

La capacité de chacun des trois pays à affronter les dangers auxquels ils sont confrontés est aussi un test pour leurs institutions, qui doivent être capables de surmonter les failles ou défaillances personnelles de leurs dirigeants. Ces trois démocraties sauront-elles faire face aux défis majeurs que leurs dirigeants ont aggravés?

 

Sébastien Lévi

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