L’élimination du chef du Hamas est-elle une opportunité pour mettre fin à la guerre ?

Facebook
Twitter

 

Dessin d’Eren Valkovski paru dans Haaretz du 18 octobre

traduction:

Herzi Halevi, le chef d’état-major, entrant avec la photo de Sinouar : “Ça y est, c’est fini !”
Netanyahou : “Quoi, quelle idée !”

Nous ne pouvons que nous féliciter de l’élimination par l’armée israélienne de Yahya Sinouar, chef militaire du Hamas à Gaza, architecte du massacre du 7 octobre. Cet homme a été le responsable de la mort de milliers de personnes, israéliennes comme palestiniennes, dont certaines, pour celles-ci, de ses propres mains. Il avait succédé à Ismaël Haniyeh  à la tête du bureau politique du mouvement le 6 août après l’élimination de ce dernier à Téhéran. Et il était le tenant de la ligne dure au sein du Hamas, bloquant par ses exigences, notamment celles portant sur les conditions de sa survie personnelle, les négociations pour la libération des otages. La plupart des commentateurs, en Israël comme dans le monde, s’accordent pour dire que, ce verrou ayant sauté, la voie est plus libre maintenant pour essayer d’arriver à un accord qui mènerait à un cessez-le-feu à Gaza. Cette hypothèse est-elle confirmée par les faits pour l’instant ?

Après un an de guerre, pour les principaux responsables sécuritaires israéliens, le Hamas, bien que conservant encore des forces disséminées dans la bande de Gaza, ne constitue plus aujourd’hui une menace militaire. C’est pourquoi l’essentiel des troupes de Tsahal a été déplacée vers le Nord. La mort de Sinouar vient accentuer cet affaiblissement de l’organisation palestinienne. Netanyahou, qui depuis le 7 octobre, faisait de l’éradication du Hamas un but de guerre, pourrait présenter aujourd’hui l’élimination du chef du Hamas comme la photo de victoire qu’il recherchait. Elle lui permettrait de tenter d’effacer sa responsabilité personnelle dans la politique menée vis-à-vis du Hamas depuis des années qui a conduit au fiasco du 7 octobre. Mais il ne l’a pas fait. Dans son discours, le soir de l’annonce de l’élimination de Sinouar. Il s’est bien gardé de parler d’un cessez-le-feu, ni d’un retour aux négociations pour libérer les otages, ni de mentionner l’Autorité palestinienne comme participant à une future gestion de Gaza. Il sait bien que de telles déclarations conduiraient à l’éclatement de sa majorité qu’il veut à tout prix préserver jusqu’en 2026. Netanyahou sait aussi qu’un éventuel accord sur les otages renforcerait aujourd’hui la position de Kamala Harris. Et, à deux semaines des élections américaines, il ne veut certainement pas lui faire ce cadeau, d’autant plus qu’il a misé depuis longtemps sur une victoire de Trump.

Une fois de plus, on constate que Netanyahou reste un politicien dont les choix sont guidés principalement par des considérations d’intérêt personnel. A l’heure dramatique que nous vivons, et qui pourrait marquer un tournant significatif dans la situation au Moyen Orient, il n’est pas à la hauteur de la situation.

Israël mène en ce moment deux guerres. La première pour son droit de vivre en sécurité dans ses frontières, contre le Hamas au Sud et le Hezbollah au Nord qui, tous deux, pilotés ou non par l’Iran, le lui dénient. Et l’autre, c’est celle que mène sournoisement l’extrême droite israélienne en Cisjordanie pour développer la colonisation, envisageant même de recoloniser tout ou partie de la bande de Gaza et, dans ses rêves les plus fous, une partie du Sud Liban.

Dès le 8 octobre, nous avons soutenu la population israélienne et son armée dans sa guerre de légitime de défense. Aujourd’hui nous affirmons, à l’instar des mouvements de contestation manifestant en Israël, qu’il faut profiter des victoires tactiques de Tsahal sur le terrain pour arriver à un accord, le seul moyen de libérer les otages, et qu’il faut préparer le jour d’après avec tous les soutiens internationaux prêts à se mobiliser pour mettre en place une gestion civile de Gaza sans le Hamas.

Un accord avec le Hamas, négocié par l’intermédiaire des Américains et de certains pays sunnites, conduirait à la possibilité de mettre fin également au conflit avec le Hezbollah et de permettre à la population israélienne du Nord de revenir dans ses villes et kibboutzim abandonnés. Tsahal estime aujourd’hui être en mesure de finir dans les semaines à venir de détruire les tunnels et les arsenaux mis en place par le Hezbollah au Sud Liban. Par contre, bien qu’affaibli, ce dernier est toujours capable de lancer quotidiennement des dizaines de roquettes et de drones qui peuvent atteindre même le centre d’Israël. Le seul moyen de mettre fin à cette menace est un accord politique qui impliquerait le Liban, les pays arabes modérés, l’Union Européenne, où la France compte tenu de ses engagements vis-à-vis du Liban pourrait jouer un rôle majeur, et les États-Unis.

Mais parallèlement nous dénonçons les projets dangereux dans lesquels l’extrême droite messianique israélienne veut engager le pays contre l’avis de la majorité de sa population.

Quant aux Palestiniens, aucun dirigeant parmi eux ne s’exprime pour l’heure publiquement pour reconnaître que la stratégie du Hamas a conduit à la plus grande catastrophe pour leur peuple depuis la Nakba. Certes, on peut concéder que l’attaque du 7 octobre a remis le conflit israélo-palestinien au premier plan des préoccupations internationales. De plus, suite au massacre de près de 1200 Israéliens commis ce samedi noir, les bombardements à Gaza – qui ont causé des dizaines de milliers de morts et des destructions massives de bâtiments – ont entrainé dans le monde une campagne de délégitimation et de condamnation sans précédent d’Israël et non de la politique de son gouvernement. Ces résultats ont peut être renforcé l’image du Hamas au sein de la population palestinienne, mais à quel prix ! Le successeur de Sinouar peut choisir de continuer cette guerre d’usure en pensant que son mouvement en bénéficiera sur le long terme. Quant à Netanyahou, à défaut d’une victoire totale sur le Hamas, il peut s’accommoder de la poursuite de ce conflit devenu de basse intensité qui lui procure des gains politiques sur le court terme. Mais un tel choix pour les deux belligérants n’ouvre sur aucune perspective, si ce n’est amplifier le fossé entre les deux peuples.

Les deux parties doivent avoir aujourd’hui le courage de reconnaitre l’impossibilité de résoudre ce conflit par la force. Thomas Friedman, l’éditorialiste du New York Times, connu pour être proche de l’administration démocrate, écrit cette semaine que l’élimination de Sinouar peut être une opportunité unique pour implémenter la solution à deux États dans le cadre d’une normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite. Cette hypothèse est toujours sur la table. Espérons que le résultat des élections américaines reconduira au pouvoir une administration démocrate qui s’engagerait sur ce chemin.

Facebook
Twitter

Tribune Libre

Agenda

Atlas du conflit Israélo-Arabe

Communiqué

Facebook

Newsletter