A écouter ou lire ici les premières réactions au discours prononcé devant des représentants de la jeunesse israélienne à Jérusalem, on constate à quel point nos commentateurs «spécialistes» de ce vieux conflit comprennent mal cette société israélienne. Obama, lui, l’a comprise.
Certes, la position exprimée lors de cette première visite en Israël en tant que président des États-Unis n’est pas révolutionnaire, il n’a fait que répéter la position traditionnelle de toutes les administrations américaines depuis pratiquement 1967 : Les États Unis sont et resteront l’allié éternel d’Israël parce que cette alliance repose avant tout, au-delà des intérêts communs, sur des mêmes valeurs ancrées dans le message biblique à la racine de ces deux démocraties.
Mais parallèlement les États Unis réaffirment par la voix de leur président que seule la création d’un État palestinien assurera aux Israéliens leur sécurité et ils condamnent l’occupation et le développement des implantations qui rendent la création de cet État impossible.
Rien de nouveau donc sur le fond ! Mais tout sur la forme. J’entends des voix ici dire qu’Obama n’a pas imposé un gel de la colonisation comme condition à la reprise des négociations. C’est vrai, mais l’aurait-il fait, aurait-il été autant entendu qu’il l’a été par ce public qui se méfiait pourtant de lui depuis 4 ans, après l’avoir adulé lors de sa première élection ? Non ! Obama a compris, mieux que tout autre politicien au monde, ce que sont sans doute les véritables obstacles à la paix : le scepticisme et la peur qui engendrent le renfermement sur soi et l’indifférence par rapport à la souffrance de l’autre.
Obama n’est pas venu en tant que président donneur de leçons mais en tant que psy pour écouter. Il l’avait d’ailleurs annoncé avant de venir. En deux jours, il a multiplié les gestes et les mots qui lui ont permis de charmer et conquérir le public israélien. Obama est un des rares hommes politiques qui croient à la puissance des mots. Jeune sénateur il s’était fait connaître sur la scène politique américaine à la convention démocrate de 2004 par un discours qui l’inscrivait déjà dans la lignée d’un Martin Luther King ou d’un John Kennedy. Certains commentateurs politiques israéliens analysaient sur le vif son discours de Jérusalem comme un sandwich : entre deux couches de mots où se trouvaient tout ce que les Israéliens voulaient entendre, à savoir leur droit ancré dans l’histoire juive à cette terre, la mémoire de la Shoah ravivée par la perspective d’un Iran nucléaire appelant à leur destruction, leur besoin de sécurité justifié par l’instabilité de la région et la réalité des menaces de leurs ennemis, le courage de leur armée et la résilience de leur population face au terrorisme, la force de leur démocratie, la richesse de leur technologie et de leur culture, la garantie de leur alliance avec le grand frère américain … Obama a inséré entre ces deux couches la pilule amère en trouvant pour la première fois les mots justes pour parler de la douleur des Palestiniens et de la légitimité de leur cause. Même Ahmed Tibi, député arabe israélien connu pour ses altercations répétées à la Knesset avec des députés juifs ou des représentants du gouvernement, en convenait et ne trouvait pas les mots pour féliciter le président quand il a commenté en direct à la télévision israélienne ce discours. Ce qui l’a le plus étonné, dit-il, ce furent les applaudissements enthousiastes de la jeunesse israélienne chaque fois qu’Obama parlait de la nécessité d’un État palestinien. Il semblait découvrir hier ce que les sondages confirment de façon constante à savoir qu’une majorité de la population israélienne est pour la création de cet État.
Mais comment donc Obama a-t-il réussi à ensorceler le peuple israélien ? Il a réussi non pas en le critiquant, comme le ferait un maître d’école, mais en lui manifestant son amour. L’écrivain A.B. Yehoshua disait récemment, lors d’un de ses passages à Paris, que les Israéliens veulent qu’on leur fasse l’amour. Et Obama le leur a fait pendant 2 jours.
S’adressant aux jeunes, il a ramené ses différends avec « son ami Bibi » à du matériel pour l’émission satyrique en tête de l’audimat en Israël « Eretz Nehederet ».
A la veille de Pessah, la pâque juive, il a dit sa fierté d’avoir introduit à la Maison Blanche la lecture de la Haggadah le soir du seder pour que ses filles connaissent cette histoire universelle qui est celle de la conquête de sa liberté par un peuple. Il a rappelé comment l’histoire de l’Exode d’Égypte avait inspiré la lutte des afro-américains dans leur conquête des droits civils à laquelle tant de Juifs américains furent associés, allant jusqu’à citer les propos de Martin Luther King à la veille de son assassinat prédisant, à l’instar de Moïse, « qu’il ne serait peut être avec le peuple quand il entrerait en Terre promise ». Il ne manquait pour accompagner son discours que la voix rauque de Louis Amstrong chantant un negro spiritual dans ce palais de la nation où Obama s’exprimait.
Il a rappelé les propos tenus par cet enfant, rencontré lors d’une précédente visite à Sderot, qui lui avait parlé de sa peur la nuit devant les missiles susceptibles de tomber sur sa maison. Il a évoqué les victimes du terrorisme du Hezbollah en Bulgarie, en profitant pour dire à Assad, son allié, qu’il sera redevable de ses crimes envers son peuple. Il a rappelé l’opposition des États-Unis au nucléaire iranien en disant que toutes les options restaient sur la table et que le temps de la diplomatie n’était pas illimité. Oui Obama comprenait le besoin de sécurité ressenti par la population israélienne et il a martelé aux Israéliens dans leur langue « Atem lo levad » Vous n’êtes pas seuls face à vos ennemis !
Puis, s’adressant à la jeunesse israélienne, il lui a parlé du futur et de la paix. Il leur a dit être convaincu de la volonté de paix du peuple israélien et comprendre le scepticisme de ceux qui parmi eux n’y croyaient plus. Puis il a parlé du courage de ceux qui, comme Menachem Begin et Yitzhak Rabin, avaient pris des risques pour cette paix. Il leur a dit qu’il aurait pu se contenter d’affirmer le soutien traditionnel des États-Unis à Israël mais qu’il avait préféré venir leur parler en ami.
Et là, il a affirmé trois points essentiels qui rassemblés tracent une perspective :
– La paix est nécessaire pour garantir à Israël de rester un État juif et démocratique et pour essayer de bâtir des nouvelles relations avec les peuples de la région.
– La paix est juste et il a rappelé toutes les injustices faites aux Palestiniens du fait de l’occupation, appelant le public juif à se mettre à leur place. Puis il a affirmé qu’Israël avait avec le président Abbas et son premier ministre Salam Fayyad un partenaire.
– La paix est possible, mais mettant de côté pour l’instant les plans et les processus, il a demandé à chacun ce qui pouvait être fait pour reconstruire la confiance entre les deux peuples. Il a poursuivi en s’adressant directement à chacun, par-dessus la tête de ses dirigeants, pour dire qu’aucun politicien ne prendrait de risque s’il n’y était pas conduit par la volonté populaire et a conclu par cet appel à la mobilisation : « Vous devez créer le changement que vous voulez voir ». Il y avait un air de Yes you can dans ce discours.
Et maintenant, une fois que le charme sera retombé et que chacun sera dégrisé, que faire ?
Avant ce voyage la plupart des commentateurs considéraient que son but était d’aligner les positions israéliennes et américaines sur la question iranienne. On peut penser que sur ce point, bien qu’il puisse y avoir, comme l’a reconnu Obama des appréciations différentes de la situation, rien ne sera entrepris par l’un sans l’accord de l’autre. Personne n’attendait par contre d’avancée sur la question palestinienne, compte tenu, notamment, de la composition du nouveau gouvernement nouvellement en place à Jérusalem où le lobby des colons occupe une place de choix.
Je suis quant à moi persuadé que la vraie raison de ce voyage était ce discours, celui d’un homme sincèrement inspiré comme il l’a dit en conclusion par le tikoun olam, cette philosophie de la vie tirée de l’expérience juive de vouloir changer le monde pour l’améliorer. En s’adressant au peuple d’Israël, à travers sa jeunesse, le président Obama a fait un pari qu’il a semble-t-il gagné, au-delà de ce qu’il pouvait espérer, toucher le cœur des Israéliens, sans pour autant s’aliéner celui des Palestiniens
Au Moyen Orient plus qu’ailleurs, il faut toujours tenir compte des émotions et de la volonté des peuples. Elles peuvent balayer des régimes, comme on l’a vu récemment en Égypte, ou pousser à des accords de paix comme ce fut le cas après le voyage de Sadate à Jérusalem. Peut-être plus tard nous référant à ces deux derniers jours, dirons-nous qu’il y a un avant et un après ! Obama a tracé un avenir possible. Dès la semaine prochaine, son secrétaire d’État John Kerry doit revenir pour essayer de le mettre en musique. Mais rien ne sera possible sans la mobilisation des peuples de la région. A eux donc maintenant d’agir et à nous de les aider sur ce chemin difficile et plein d’embûches.
David Chemla
Merci!
cela va faire 45 ans que je suis monte en Israel , j’ai pleure lors de signature du traite de paix avec l’Egypte, j’ai pleure ( de joie bien entendu) lors de la signature des trates de paix avec les Jordaniens et avec les Palestiniens ,j’ai ete emu jusqu’aux larmes du discour d’Obama et surtout de la reaction du jeune public present dans la salle . Je me dis de gauche et pourtant , ces dernieres annees , je me surprenais avec des pensees de droite, je commencais a perdre espoir . j’ai 3 enfants en Israel ,tous on fait leur service militaire, ma fille dans les services sociaux de l’armee et mes 2 fils etait lieutenant , dans des unitees combattantes. Nous discutons souvent de la situation ici mais je sais une chose certaine ou nous somme tous d’accord , nous voulons , desirons, prions, pour la paix. Je comprend les dirigeants qui ne voudrons jamais s’exposer a une mini guerre civile , il ne sra pas facile de deplacer des dizaines de millier de colons et, la, je salut Obama qui c’est adresse au peule en passant par dessus la tete des dirigeant , il a mis l’idee d’une solution dans les mains du peuple. un grand homme en effet qui a merite le Nobel qui lui a ete attribue.
Je retse un partican de la paix sceptique parce que les discussions diplomatiques ne modifieront pas, sauf changement sérieux des habitudes et de la culture des diplomates, les programmes scoilaires incitant à la haine, justifiant le meurtre, méprisant la personne et l’habéas Corpus et puis, surtout, des médias mentant en permanence sur l’adversaire pour le rendre détestable…
Les négociations de paix pourront réussir mais devront impérativement contenir une commission de pédagogie de surcroît à celles des frontières, de la capitale, des “réfugiés”. Cette commission devrait contenir une majorité de pédagogues professionnels ni musulmans, ni juifs et une minorité d’autres pédagogues professionnels juifs et musulmans.
En dehors de ces règles élémentaires de bon sens, aucune paix ne sera signée et, si signée, respectée par le monde arabe. Les programmes scolaires arabes devront être boulversés pour se rapprocher de ceux d’Israël dans la façon de présenter la langue, la “religion” et l’histoire de l’autre. Une certaine autonomie des médias arabes devra être obtenue à l’arraché, donc un certain espace de liberté que les pouvoirs en place chercheront à étouffer, ce qui devra leur être publiquement interdit après qu’ils s’y seront engagés. Je pense que la Knesset devra, pour bien faire, voter une règle générale s’engageant à ne jamais ratifier un accord de paix de leur gouvernement avec ceux des Etats arabes signataires, sans l’obtention d’un accord public totalement transparent dans cette commission de pédagogie.
Shalom, Nathan Muntz
Et alors ? Les mots ne suffisent pas à changer les hommes surtout lorsque ceux-ci sont sourds et aveugles depuis des lustres. Les preuves d’amour, les manifestations de désir n’ont jamais manqué à Israël. Mais il y a des limites à ces preuves d’amour non payées de retour. Ce capital affectif (pour rester dans la métaphore) Israël est en train de le perdre à une vitesse inquiétante. Les politiques menées portent la responsabilité de ce désastre ; des politiques menées avec l’assentiment du peuple. Sortir de la situation que la colonisation a créé demandera des dizaines d’années, elle exigera des efforts que les colons n’accepteront jamais et ques les politiques toujours en quête d’électeurs ne feront pas. Alors ? On peut toujours faire l’amour avec cette terre et faire de beaux enfants. Mais ils devront porter des armes généreusement fournies, si elles viennent à manquer, par le grand amoureux américains. Il sait si bien faire l’amour avec des mots… et la guerre avec des armes.
Vous avez raison. Les mots, même d’amour, prononcés par Obama ne suffiront pas seuls à faire changer la politique menée par Israël à l’égard des Palestiniens depuis des dizaines d’années. Mais ils pourront peut être contribuer à mobiliser une société israélienne devenue indifférente et dure. Obama s’est adressé directement à elle pour lui demander de faire pression sur ses dirigeants, après lui avoir dit qu’aucun leader politique ne bougera s’il n’y a pas de pression populaire sur eux.
Par ailleurs, il faut espérer qu’après avoir réussi à gagner la confiance du public israélien, il pourra être plus exigeant vis à vis de son gouvernement si demain les USA décident de relancer sérieusement les négociations. Et à ce moment, le rôle de l’opinion publique pourra devenir déterminant.
Votre analyse du discours d’Obama est très juste, mais… tant que les ultra-religieux et les orthodoxes continueront à penser qu’il n’y a pas d’occupation des territoires C’est une situation dramatique, mais pour l’instant qu’y faire ?
Gardons l’espoir
G. Shapira
Le colibri n’arrive pas à éteindre seul un feu avec la misérable goutte d’eau qu’il verse dessus, mais au moins, il “fait sa part”…
Les mots n’ont en effet jamais arrêté la haine, mais les armes encore moins. Et quand, comme les Indous de Gandhi ou les allemands de l’Est de 1989, la majorité d’un peuple parlent les mots de la paix, prennent en considération la souffrance de l’ennemi, quelque chose s’ouvre. Peut-être. Je ne suis pas d’un optimisme béat (en ce moment, ce serait plutôt le contraire), mais si la lucidité éclairée d’un Obama pouvait devenir contagieuse, peut-être de petits “bougers” en petits “bougers”, parviendrons-nous à éviter au monde d’aller dans le mur. Mais hélas, il faut se magner ! Le tgv qui nous conduit dedans va vite et pas seulement au Moyen-Orient. Baruch ben Nephtali. Juif républicain
L’organisation JCALL et son analyste David Chemla vont très vite en besogne et esquivent plus ou moins consciemment l’histoire et l’origine du conflit Israélo-palestinien. Obama ,en tant que président américain, n’offre rien de concret à Israël . Au contraire, il a échoué dans toutes les tentatives précédentes et retourne avec des formules ambigües en cherchant à ne froisser personne, mi figue mi raisin. Donc nous restons au statut quo ante. Ce qui est nouveau à mon avis, c’est qu’il tance les palestiniens à s’asseoir à la table de paix sans conditions préalables, position connue de Benyamin Netanyahou, mais les palestiniens n’en veulent pas. Leur accession à l’ONU même sans portée pratique véritable, et contre la volonté des USA , leur ouvre un chemin qui leur coûte le minimum et les incite à augmente leurs exigences. C’est dans ce contexte ou se gravent les choses aujourd’hui Monsieur Chemla . Dans ces conditions Israël restera toujours en deça de leurs revendications. Paradoxalement, Obama, au lieu de durcir le ton face à leur désobéissance, ils les gratifie en partant d’un chèque on ne peut plus généreux. Pensez-vous que c’est une démarche d’un “vrai ” ami ” d’Israël ? D’un autre coté dire qu’il s’est adressé et s’est fait comprendre par le “peuple d’Israël c’est faire l’avocat du diable. Obama avait le devoir de s’adresser à la Knesset comme tant d’autres chefs d’Etats avant lui, il a volontairement ignoré ce protocole et c’est une gifle pour Israél. D’autre part, dire qu’il s’est adressé au peuple alors qu’il s’agit d’étudiants , triés et choisis au sein de la tranche gauchiste d’Israël, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il soit applaudi , leur idéologie consiste à abandonner la terre d’Israël aux arabes ,on verra pour la suite. Il n’y a qu’à lire leurs journal “Haaretz” et les intellectuels universitaires appuyant les thèses négationnistes. Ces étudiants là n’appartiennent pas à la génération des haloutzims, des bâtisseurs d’Israël quand celui-ci ressemblait à des collines rocheuses et infestées de malaria. JCALL par ces commentaires, ne défend pas la paix, au contraire,il fournit de l’eau au moulin des ennemis de la paix. Les amnésiques ne tiennent pas compte des efforts inouïs qu’Israél a fait pour la paix : restitution du Sinäi à l’Egypte et paix, , paix avec la Jordanie, Conférence de Madrid, accords du Camp David, désengagement de Gaza, Accords d’Oslo, et en contrepartie il ne reçoit que des menaces de mort depuis soixante quatre ans !