CHRONIQUES POUR LA PAIX – Nous allons parler d’ALBERT MEMMI, un grand écrivain qui vient de nous quitter. Pour l’évoquer PAUL OUZI MEYERSON a invité ANNY DAYAN ROSENMAN qui a souvent dialogué avec lui.
ALBERT MEMMI fut un analyste subtil de la condition humaine, un juif ouvert au monde, un penseur avec qui beaucoup de lecteurs entretenaient une relation à la fois intellectuelle et fraternelle.
Pourquoi intellectuelle ? Parce que son œuvre profonde concerne notre identité universelle et particulière.
Pourquoi fraternelle ? Parce que son écriture et sa pensée étaient chaleureuses et convergeaient vers un « carrefour » où peuvent se rencontrer l’Orient et l’Occident ainsi que tous les hommes opprimés pris dans les contradictions de leur aliénation.
Mais aujourd’hui c’est le MEMMI d’Orient qui nous intéresse, celui qui s’est penché sur le destin du peuple d’Israël et des arabes de Palestine.
ANNY DAYAN ROSENMAN est Universitaire, professeur de littérature française et de cinéma. C’est une militante de la paix et de la culture.
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Anny Dayan Rosenman nous rappelle qu’Albert Memmi était sioniste : “Il voyait l’état d’Israël comme une nécessité, une réponse à la situation malheureuse des juifs en Orient et en Occident. Cela faisait partie des solidarités qu’il manifestait avec les opprimés et les colonisés mais ces solidarités ont toujours été critiques et jamais inconditionnelles. Il s’agit d’un aspect fondamental de son oeuvre”, souligne la professeure de littérature.
Anny Dayan Rosenman précise que, dès 1972, “Albert Memmi était convaincu qu’il fallait donner une réponse étatique à la question palestinienne. Il a soutenu le mouvement israélien de la Paix Maintenant dès sa création et les accords d’Oslo dès qu’ils furent signés. Il entretenait de liens forts et chaleureux avec de nombreux intellectuels du Maghreb et ne refusait jamais de faire jouer ses contacts pour faciliter le dialogue entre les deux camps.”
Albert Memmi a été attaqué politiquement autant par l’extrême gauche que par l’extrême droite et Anny Dayan Rosenman explique cette situation par le fait que l’écrivain disparu a toujours été “un pourfendeur de mythes”. “Il s’est opposé à l’idée de l’Andalousie heureuse, un concept caricatural selon lequel les arabo-musulmans et les juifs ont toujours vécu une coexistence idyllique au cours des siècles ; il s’est alors attiré les foudres des antisionistes. Par ailleurs, il s’est opposé à ceux qui soutenaient que le statut de dhimmi a toujours été dramatique et systématique dans les pays du Maghreb et du Machrek, alors qu’en de longues périodes et en plusieurs lieux ce statut inférieur du Juif n’était quasiment plus appliqué ; de violentes diatribes ont été lancées alors à son encontre mais, cette fois, en provenance des milieux ultra-nationalistes français et juifs.”
Plus récemment, Albert Memmi a été un témoin attentif et avisé des “Printemps arabes”, surtout en Tunisie, au Maroc et en Algérie. “Il avait été un enfant pauvre de la Hara, il a tout de suite compris les dangers que courraient ces mouvements populaires et entrevu leurs contradictions. Il suivait cette actualité avec énormément d’attention accompagnée d’un espoir lucide“, se souvient Anny Dayan Rosenman.