Le Monde.fr — 19 juin 2011 « A Jérusalem, la colonisation avance »

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« A Jérusalem, la colonisation avance »

LE MONDE pour Le Monde.fr |  • Mis à jour le Propos recueillis par Gilles Paris

Le mouvement européen pro-israélien et pro-paix Jcall organise à Paris, dimanche 19 juin, un colloque pour dresser le bilan de son action, un an après le lancement d’un « appel à la raison », assez critique vis à vis des autorités israéliennes. Le mouvement est en faveur de la solution des deux Etats pour régler le conflit israélo-palestinien.

L’ancien ambassadeur d’Israël en France, Eli Barnavi, le député européen français Vincent Peillon et la responsable de l’organisation non gouvernementale israélienne La Paix maintenant, Hagit Ofran, devaient notamment s’exprimer sur l’impasse dans laquelle se trouvent les négociation israélo-palestiniennes, depuis octobre 2010, dans le contexte nouveau créé par les printemps arabes et le rapprochement entre les deux principales factions palestiniennes, le Fatah du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et le Hamas qui contrôle la bande de Gaza.

Hagit Ofran, exprime son inquiétude sur la poursuite de la colonisation israélienne à Jérusalem-Est, alors que le gouvernement israélien a autorisé dimanche l’agrandissement de 2 000 logements à Ramat Shlomo, un quartier de colonisation juif situé dans le secteur oriental annexé de Jérusalem. Le projet immobilier de Ramat Shlomo avait provoqué de vives tensions entre Israël et les Etats-Unis en mars 2010 lorsque le gouvernement de Benjamin Netanyahu y avait annoncé la construction de 1 600 logements au milieu d’une visite du vice-président américainJoe Biden.

Le « camp de la paix » israélien a-t-il disparu?

Hagit Ofran : Lorsqu’ils ont décidé d’entrer dans le gouvernement d’Ariel Sharon, en 2001, des responsables travaillistes comme Ehoud Barak et Shimon Pérès ont porté une lourde responsabilité dans la disparition du débat public en Israël, et pendant longtemps, sur la question palestinienne. Aujourd’hui, la situation est différente car le parti [centriste] Kadima a choisi, lui, de rester dans l’opposition, mais en même temps cette formation reste prudente.

Sa responsable, Tzipi Livni, tient pour acquis le soutien du « camp de la paix » et concentre ses efforts sur le centre et le centre-droit. Elle ne tient donc pas à ouvrirle débat. Or les Israéliens se trouvent dans une situation paradoxale : ils sont prêts pour la paix, mais ils ne pensent pas qu’elle est possible et ils font porter sur les Palestiniens le blâme pour les blocages.

Si on interroge les Israéliens par exemple sur le sort d’une colonie comme celle de Bet El, qui jouxte Ramallah, ils peuvent répondre à la fois qu’ils s’en fichent mais qu’ils ne veulent pas pour autant la « donner » aux Palestiniens. C’est pour cela que la société civile israélienne doit reprendre la parole. Le « camp de la paix » est d’ailleurs plus important qu’on ne le croit, même si l’isolement dans lequel se trouve Israël fait que les critiques intérieures sont aujourd’hui beaucoup plus mal vécues que par le passé, car jugées anti-israéliennes, la marge de manoeuvre est plus étroite.

Votre organisation considère que la colonisation de la Cisjordanie constitue un obstacle à la paix, quel bilan dressez-vous du gel qui avait été imposé de novembre 2009 à septembre 2010 par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou à la demande des Etats-Unis ?

Si on s’en tient aux statistiques, on peut dire que ce premier gel n’a pas freiné la colonisation. Il n’était que partiel et la construction a repris à un rythme tel, après cette période de dix mois, que les chiffres aujourd’hui correspondent à ce qui aurait été obtenu s’il n’y avait pas eu du tout d’arrêt.

La critique que l’on peut faire est que ce gel, lorsqu’il est entré en vigueur, n’a pas été combiné à des propositions américaines qui auraient permis de relancer des négociations. En même temps, il a prouvé que le gouvernement le plus à droite qu’Israël ait jamais connu pouvait stopper la construction sans connaître de crise grave.

Qu’attendez-vous de M. Nétanyahou qui a repoussé la proposition du président américain Barack Obama d’envisager que la ligne de cessez-le-feu en vigueur jusqu’en 1967, la Ligne verte, constitue la future frontière avec un Etat palestinien?

« Bibi » ne fera aucune concession. On connaît sa tactique : dire qu’il a décidé le gel, qu’il a pris de mesures pour alléger les conditions de vie des Palestiniens, mais qu’il n’a rien reçu en échange. C’est un grand classique: « s’ils [les Palestiniens] donnent, ils recevront », comme s’il pouvait y avoir une symétrie entre les Israéliens et les Palestiniens.

C’est comme le préalable qui consiste à exiger des Palestiniens qu’ils reconnaissent « le caractère juif » d’Israël. Cela peut sembler parfaitement raisonnable, alors qu’on sait bien que c’est une chose que Mahmoud Abbas ne pourra dire qu’une fois qu’un accord définitif aura été conclu.

Pendant ce temps, la colonisation avance à Jérusalem et c’est très inquiétant car elle menace la solution des deux Etats. Elle avance sous trois formes : tout d’abord elle s’étend dans les grands blocs, à Har Homa comme ailleurs, puis il y a les « pointes » [dans les quartiers palestiniens] de Ras Al-Hamoud, de Beit Oron et de Cheikh Jarrah, puis enfin les projets « touristiques ».

Tout ceci vise à changer l’atmosphère à Jérusalem, à empêcher un éventuel partage. Des sommes considérables sont engagées. Pour officiellementpromouvoir l’héritage juif, ce qui rend la critique délicate, le ministère de l’éducation subventionne aussi les visites d’élèves à la Cité de David, le Wadi Hilweh pour les Palestiniens, à Jérusalem-Est, comme d’ailleurs à Hébron.

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