Reconnaître l’Etat palestinien, un pas concret pour la paix
Le 20 septembre prochain, l’Autorité palestinienne devrait soumettre à l’Assemblée générale de l’ONU une demande de reconnaissance de l’Etat de Palestine comme Etat membre. Le détail de cette motion n’est pas encore connu, mais trois options possibles font l’objet d’âpres discussions diplomatiques dans les chancelleries.
Je résume ces trois statuts: 1. Membre à part entière, soit le 194e pays à l’Assemblée générale; 2. Statut d’Etat observateur, non-membre, comme le Vatican; 3. Maintien du statut actuel, soit observateur en tant que simple mouvement/organisation internationale.
Il est utile de rappeler que le 29 novembre 1947, dans sa résolution 181, l’Assemblée générale de l’ONU décidait la partition de la Palestine mandataire. Deux Etats devaient y naître: Israël et un Etat arabe. L’erreur tragique du monde arabe en 1947 a été le rejet catégorique de la reconnaissance d’Israël et le refus de créer un Etat arabe à ses côtés en Palestine. Les guerres de 1948, 1956, 1967, 1973, pour ne citer que celles-là, et la colonisation débridée de la Cisjordanie à partir de 1967, en sont les conséquences dramatiques.
Quelques épisodes d’espoir éclairent pourtant ces années sombres et je ne cite que deux des plus marquants: la visite de Sadate à Jérusalem en 1977, les Accords d’Oslo suivis de la poignée de main de Rabin et Arafat à la Maison-Blanche le 13 septembre 1993. Hélas, aussitôt assombris par l’assassinat de Sadate par des militaires égyptiens intégristes, le 6 octobre 1981, et, le 4 novembre 1995, Rabin tombe sous les balles d’Ygal Amir, juif orthodoxe israélien.
De négociation en négociation, de Camp David à Madrid, de Charm el-Cheik à Washington, de Clinton à Bush, à Obama, quarante-quatre ans de pourparlers stériles.
Sur le terrain les colonies se multiplient, Gaza devient une prison à ciel ouvert, les extrémistes de tout bord, Hamas en tête, naissent des cendres de ces espoirs déçus. Si Israël a peur, les populations de ce que l’on appelle «les Territoires» sombrent de détresse en désespoir, de désespoir en sans espoir: terreau fertile de catastrophes à venir.
En 2011, la carte géopolitique de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient a changé brutalement: bouleversements sociaux et politiques sans précédent, une remise en question fondamentale des systèmes post-coloniaux, des années à venir qui seront sans doute chaotiques, mais il n’y aura pas de retour en arrière, parce que la jeunesse de ces régions n’abandonnera plus jamais la lutte pour un avenir pour soi et pour ses enfants. Ce qu’ils veulent c’est un avenir, seulement un avenir.
La Tunisie et l’Egypte hier, la Libye aujourd’hui, la Syrie demain et l’Iran, l’Arabie saoudite, les Emirats du Golfe, demain? après-demain? Peu à peu, mais inéluctablement. Les enjeux énergétiques dont cette région a, in fine, le contrôle en font un élément stratégique central pour la planète tout entière.
Dans ce contexte, le statu quo du conflit Israël-Palestine représente une situation extrêmement dangereuse pour Israël et pour toute la région, parce que cela entérinerait la continuation de négociations sans fin, c’est-à-dire le principe de négocier pour négocier. Par contre, une résolution de ce conflit porte en soi un énorme potentiel pour contribuer à gérer plus rationnellement et plus efficacement la transformation inévitable des sociétés arabes, certes complexe et dangereuse. Forcément chaotiques, ces révolutions peuvent, doivent et vont, à terme, déboucher sur un système politique et social stable et fécond. Ceci, je me répète, constituerait une sécurité vraie et durable pour Israël.
Je tiens aussi à dire ici ma conviction qu’une telle résolution éliminera en grande partie les différents prétextes et motivations du terrorisme dans cette région. La semaine passée sur France Culture, Alain Finkielkraut a exprimé son inquiétude: «Israël reste l’objet d’une haine dans une partie du monde arabe et une certaine opinion, pas seulement arabe, qui associe le sionisme au racisme. Dans ces conditions, comment Israël peut-il ne pas raisonner en termes sécuritaires seulement?» N’est-ce pas l’essence même d’un cercle vicieux, car il me semble que l’occupation et ses excès, de part et d’autre, alimentent cette haine? Cessons, nous Juifs, de fournir les bâtons qui nous battent!
La reconnaissance par l’ONU d’un Etat Palestinien, de jure et de facto, changera fondamentalement la donne: ce seront deux Etats souverains qui négocieront et non pas un Etat puissant face à une organisation dont la légitimité peut toujours être mise en doute.
L’opinion publique internationale et tout particulièrement l’opinion de la diaspora juive, doivent se faire entendre et, à mon avis, soutenir le vote pour la reconnaissance de l’Etat de Palestine le 20 septembre prochain. Je rejoins David Grossman qui, le 6 septembre sur France Culture («Les Matins» de Marc Voinchet), a exprimé son espoir qu’«Israël devrait être le premier pays à reconnaître l’Etat palestinien».
Espoir peut-être utopique, mais combien réconfortant venant de ce grand intellectuel israélien.
Deux organisations juives de la diaspora – JStreet aux Etats-Unis(www.jstreet.org) depuis trois ans et JCall en Europe (www.jcall.eu) depuis mai 2010 – soutiennent la création des deux Etats: pour Israël, pour la paix.
Martin Luther King a dit – je cite de mémoire – qu’il n’avait pas peur des méchants et de leur puissance, mais que ce qu’il craignait le plus au monde, c’était le silence des bons!
Ne nous taisons donc pas. La reconnaissance de l’Etat palestinien par l’ONU est un pas concret et essentiel vers la paix.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/2f524b32-de31-11e0-9486-62f0f64eb087|2#.UPEi4hxrybw