photo prise lors de la cérémonie du souvenir conjointe israélo-palestinienne le 7 mai à Tel Aviv |
«La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent.» Cette phrase attribuée à Albert Einstein pourrait presque s’appliquer à la situation dans laquelle vivent les populations du Sud d’Israël et de Gaza. Avec cette différence que la politique menée depuis des années par la droite israélienne à l’égard de Gaza ne doit être pas mise sur le compte d’une folie éventuellement excusable, mais plutôt sur le compte du cynisme et de l’indifférence devant le sort des populations civiles. Quant au Hamas, il n’a que faire des populations palestiniennes dont il exploite la détresse pour se maintenir au pouvoir depuis une quinzaine d’années.
Depuis que Netanyahou est Premier ministre, sa stratégie à l’égard des Palestiniens n’a pas changé: tout faire pour empêcher la création d’un État palestinien, qui nécessiterait la restitution de la quasi-totalité des territoires occupés de Cisjordanie. Pendant les années Obama, cette stratégie a consisté à faire le dos rond quand il y avait des pressions américaines et à jouer le Congrès républicain contre la Maison Blanche. Et cette politique lui a réussi. Depuis l’arrivée de Trump, Netanyahou n’a plus besoin de masquer son soutien au développement de la colonisation en Cisjordanie (3 808 nouvelles unités de logement programmées en 2018 et 3 154 en 2017, contre 42 en 2016 et 560 en 2015). Avec le support actif du président américain, il poursuit son travail d’affaiblissement de l’Autorité palestinienne, notamment en bloquant la restitution de la TVA qu’Israël collecte pour le compte de l’Autorité, comme mesure de rétorsion suite à la distribution par celle-ci de pensions aux familles des responsables d’attentats. Faisant fi des véritables intérêts israéliens (y compris ceux des colons dont la sécurité dépend en grande partie de la coopération militaire avec la police palestinienne, une coopération qui aux dires mêmes des responsables militaires israéliens a permis d’éviter des dizaines d’attentats en Israël et en Cisjordanie), Netanyahou a fait depuis longtemps le choix de favoriser le Hamas au détriment de l’Autorité palestinienne qui reste, elle, engagée sur la solution des deux États. Ainsi, Israël permet au Qatar de transférer au Hamas des dizaines de millions de dollars, dont une grande partie vont renflouer les caisses de l’organisation terroriste. Netanyahou a ouvertement déclaré en mars dernier, lors d’une rencontre avec les députés du Likoud: «Quiconque s’oppose à l’État palestinien doit soutenir le transfert des fonds au Hamas. Cela renforce la séparation entre l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et le Hamas à Gaza, et nous aide à empêcher la création d’un État palestinien.»
Malgré toutes les mises en garde des responsables de l’appareil sécuritaire israélien qui les alertent régulièrement devant la situation humanitaire à Gaza, les dirigeants israéliens n’ont pas exploité les accalmies entre les rounds de violence pour prendre la moindre initiative politique. Et les décisions prises pour améliorer les conditions de vie à Gaza, comme l’élargissement de la zone de pêche, sont loin d’être suffisantes pour apporter un changement dans la vie quotidienne de la population. Certes, le Hamas est largement responsable de cette situation, comme le montre sa récente et violente répression des manifestations populaires suite à sa décision d’augmenter les taxes sur les produits importés. C’est pourquoi nous n’avons pas été surpris par la récente vague de violences où le Hamas et le Djihad islamique – ce dernier, encouragé et manipulé par l’Iran – ont envoyé en deux jours près de 700 roquettes sur le Sud d’Israël, causant la mort de 4 Israéliens et en blessant 194 (les ripostes israéliennes – et selon l’armée israélienne certaines roquettes palestiniennes retombées côté palestinien – ayant entraîné la mort de 25 Palestiniens, et en blessant 177). Personne dans la population israélienne du Sud du pays, ni dans la population de Gaza, n’est dupe. Et tout le monde sait que le dernier cessez-le-feu obtenu par l’entremise égyptienne ne tiendra que jusqu’à la prochaine explosion. Il en sera ainsi tant qu’il n’y aura pas un changement drastique de la politique israélienne à l’égard de l’Autorité palestinienne, afin de renforcer celle-ci par rapport au Hamas aux yeux de la population palestinienne en faisant renaître l’espoir qu’un État palestinien sera créé dans un avenir proche au côté de l’État d’Israël.
Il est temps de mettre fin à une politique qui prend en otage les populations civiles et dont on connaît par avance les résultats. Il est temps de mettre fin à cette alternance de cycles de violence et d’accalmies provisoires. Il est temps d’offrir aux deux peuples d’autres perspectives que celle, pour les Israéliens habitant le Sud du pays, de devoir élever leurs enfants à proximité des abris et celle, pour les Palestiniens de Gaza, de craindre les prochaines représailles.
Israël a commémoré ce 8 mai le Yom HaZikaron (Jour de la Mémoire). Un jour où Israël se souvient de ses soldats tués au combat et des civils tués dans des attentats, un jour où on rappelle les vies de ces 23741 hommes et femmes le plus souvent fauchées dans leur jeunesse, une liste de combattantes et combattants commencée en 1860 et qui s’est allongée cette année de 56 nouveaux noms, et celles de ses 3150 civils victimes de la terreur. En ce jour, et plus que tous les autres jours de l’année, nous devons nous demander s’il n’y a pas une autre voie qui permettra de mettre fin à ce cycle continu marqué par le deuil. Tel est le message que cette année encore, et pour la quatorzième année consécutive, le Cercle des familles endeuillées et les Combattants pour la paix, deux organisations israélo-palestiniennes, ont transmis lors de la Cérémonie conjointe du souvenir de tous les morts dus au conflit, organisée à Tel Aviv et à laquelle ont participé 9 000 personnes. Et nous saluons la décision prise par la Cour suprême d’autoriser l’entrée en Israël d’une centaine de palestiniens membres de ces organisations, malgré l’interdiction formulée par le gouvernement.
Le Yom HaZikaron a été immédiatement suivi par les festivités du Jour de l’Indépendance, Yom HaAtsmaout. Nous nous joignons à tout le peuple d’Israël pour souhaiter bon anniversaire à l’État d’Israël. En espérant que cette nouvelle année verra le retour de l’espoir pour ces deux peuples qui se déchirent depuis trop longtemps dans un conflit sans fin.