Y. Diskin, ancien chef du Shin Bet : « Guerre et diplomatie pour une vraie solution à Gaza »

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« Sans une manœuvre diplomatique menée en parallèle à la grande opération de l’armée israélienne, la bataille contre le Hamas ne finira pas dans un avenir proche. Même si un cessez-le feu est signé dans les prochains jours, il ne sera alors que le reflet de l’absence d’une véritable victoire militaire et il faudra déclencher le chronomètre pour le prochain conflit », souligne Youval Diskin, ancien chef du Shin Bet (service de sécurité intérieure israélien), dans un article qui vient d’être publié par le grand quotidien israélien « Yedioth Aharonot ».

 

De toute évidence, Israël a une puissance militaire immensément plus importante et une meilleure endurance que le Hamas. Le front intérieur est prêt à en payer le prix. Le système Dôme de fer fait un excellent travail, et contribue ainsi à l’endurance de la population.

Mais le problème le plus significatif est que le Hamas n’a rien à perdre, précisément parce qu’il est dans un très mauvais état. Il est en conflit avec l’Egypte, il n’a pas de véritables alliés en dehors du Qatar et de la Turquie, il est incapable de payer les salaires des habitants et des travailleurs du secteur public, et le sentiment d’isolement et de siège est plus profond que jamais.

Le Hamas prêt à payer un prix élevé (surtout en victimes parmi son propre peuple) afin de rebattre les cartes stratégiques.

Par ailleurs, en plus de la sévère réponse israélienne, le Dôme de fer a empêché jusqu’à ce jour le Hamas d’accomplir une véritable réalisation, malgré la quantité et la longue portée des tirs de roquettes.

Tout ce qu’il lui reste à faire, c’est de s’appuyer sur ses capacités de tirs de missiles depuis son arsenal souterrain, tout en cherchant désespérément un « exploit » stratégique: l’infiltration d’une localité et le massacres de civils, enlever un soldat ou des civils, ou tirer une roquette qui ferait de nombreuses victimes israéliennes.

Il me semble que le Hamas sera d’accord pour relâcher considérablement ses conditions pour un cessez-le-feu  s’il se rend compte que son pouvoir dans la bande de Gaza est vraiment mis en danger.

Israël a la possibilité de poursuivre et même d’élargir l’opération au sol dans les zones peuplées, où se cachent les dirigeants du Hamas et les lance-roquettes. Une telle pression militaire pourrait réduire considérablement et même stopper les tirs de roquettes de façon significative, et créer plusieurs options pour mettre fin à la crise, allant jusqu’à une occupation totale et un nettoyage de la bande pour mettre fin à l’opération dès que le Hamas commencera à sentir la pression et acceptera d’arrêter les hostilités.

11061Une telle opération pourrait être menée en deux étapes: la première serait la prise de contrôle du territoire, qui pourrait durer plusieurs semaines; la deuxième étape serait le nettoyage de la zone, dans laquelle nous pourrions neutraliser des terroristes et les tunnels, ce qui pourrait durer entre plusieurs mois et une ou deux années.

Le fait que le gouvernement hésite à faire rentrer les soldats plus en profondeur dans les zones de population surpeuplées de la bande est compréhensible. C’est un défi militaire, humanitaire et politique du plus haut niveau. Une telle initiative aurait également un prix très douloureux en vies humaines.

Néanmoins, je crois que de telles mesures seraient prometteuses, même si nous devons faire face à une rude opposition, car l’endurance de l’aile militaire du Hamas dans un affrontement direct avec l’armée israélienne est beaucoup plus faible que les gens ne le pensent.

L’absence d’une telle opération créera une situation de statu quo très problématique, ce qui signifie des effusions de sang supplémentaires, sans capacité de mettre fin à la bataille.

Le temps passant, l’opinion publique israélienne ne jugera les réalisations du gouvernement ni selon le nombre de maisons détruites du Hamas et du Djihad islamique, ni en fonction du nombre de tunnels détruits ou du nombre de lanceurs bombardés, ni selon le ratio de pertes entre la population palestinienne et la population israélienne.

Le public israélien veut d’abord et avant tout un cessez-le-feu stable et à long terme, qui inclue une solution stratégique contre la menace des roquettes et des tunnels.

Israël doit effectuer une avancée très importante avant que les complications ne commencent, comme la relance de fronts supplémentaires en Judée et Samarie [Cisjordanie], des manifestations de citoyens arabes d’Israël, ou même une poussée sur le front nord.

En outre, le crédit international relatif dont l’État d’Israël bénéficie aujourd’hui peut s’évaporer rapidement.

Le retrait des forces terrestres de l’enclave serait perçu comme une victoire du Hamas et n’apporterait pas la fin proche de la crise; laisser les forces dans une zone inhabitée la rendrait vulnérable aux attaques et n’affecterait pas la situation; et étendre l’opération aux bastions du Hamas dans les zones peuplées créerait une pression importante sur le Hamas, mais cela impliquerait de nombreuses victimes.

Je crois que la meilleure option est d’élargir l’opération terrestre dans les quartiers de Khan Younès et de Rafah.

C’est un territoire qui peut être militairement isolé et déconnecté du nord de la bande, et l’armée israélienne peut prendre ces localités et les vider d’infrastructures terroristes. Une telle opération affecterait également le moral du Hamas.

Dans le même temps, nous devons accroître la pression sur le nord de la bande par la terre et les airs, mais sans approfondir l’invasion dans les zones peuplées.

La stratégie appropriée dans la situation actuelle est bicéphale: sur le plan militaire, nous devons continuer à augmenter la pression de manière significative, et dans le même temps nous devons construire un mouvement diplomatique de grande ampleur. De la même façon que la pression militaire sur le Hamas devient plus efficace, la capacité de mettre en œuvre une démarche diplomatique devrait croître.

imagesL’initiative diplomatique doit être basée sur trois facteurs importants. Le premier et le plus essentiel est l’Egypte, le deuxième et le plus souhaitable est l’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas, et le troisième, le plus crucial, est la Ligue arabe et la communauté internationale dirigée par les États-Unis.

L’initiative doit être fondée sur un accord avec la logique suivante : « Plus on démilitarise, plus les gestes et les incitations dans la bande de Gaza doivent être importants. »

Avec cette initiative, qui a pour but la démilitarisation de la bande, Israël et l’Egypte allégeront le blocus et lanceront un vaste programme de réhabilitation.

Le Hamas sera forcé d’expliquer pourquoi il refuse d’accepter une telle offre généreuse, qui garantit une grande amélioration de la situation de la bande et un renforcement de sa légitimité internationale.

Une telle initiative diplomatique pourrait servir plus tard comme une base importante pour faire avancer un accord régional qui règlera ensuite le conflit israélo-palestinien.

Selon mon expérience des dirigeants politiques du Hamas – souvent hédonistes et jouant chacun son propre jeu –, le parti islamiste ne sera par forcément disposé à accepter une telle proposition immédiatement. Israël devra alors se montrer résolu et poursuivre son opération, et même occuper la bande de Gaza et détruire le Hamas.

Israël doit utiliser le Dôme de Fer contre le terrorisme, et tendre sa main vers un accord diplomatique.

Cliquer ici pour lire entièrement l’analyse de Youval Diskin dans « Yediot Aharonot » (anglais)

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