Sortir de l’Égypte des asservis et de l’Égypte des oppresseurs

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Chaque année, le soir du Seder de Pessah (la Pâque juive) commence par les quatre questions posées, généralement par des enfants, pour demander en quoi cette nuit est différente des autres nuits. En rappelant ainsi la singularité de cette fête qui commémore, à travers la Haggada qui en est le récit, la sortie de l’esclavage et la naissance d’un peuple libre, ces questions confrontent ainsi chacun d’entre nous au sens du mot liberté. Il ne suffit pas de quitter l’esclavage pour devenir libre. C’est d’ailleurs pourquoi, selon le récit, les Hébreux ont dû rester 40 ans dans le désert avant de pouvoir entrer en «Terre promise», le temps de perdre cette mentalité de soumission et de recevoir et s’approprier la Loi, car sans loi il n’y a pas de liberté.

Ce renouvellement de la question confronte ainsi, génération après génération, chacun à son identité individuelle et collective qui est construite autour d’un texte et de ses commandements qui sont à l’origine d’une éthique. Rappelons qu’il est écrit 34 fois dans la Torah: «Vous aimerez l’étranger, vous qui fûtes étrangers dans le pays d’Égypte». (Deutéronome 10:19)

Il est bon de rappeler ce principe moral, à une époque où tant de personnes et de pays choisissent de fermer la porte aux étrangers et aux réfugiés.

 

Mais, cette année, la soirée du Seder aura un sens particulier. En effet, 2017 marque le cinquantième anniversaire de la guerre des Six jours qui fut – certes, ne l’oublions pas – une guerre de défense pour Israël, mais qui fut aussi le début de l’occupation des territoires palestiniens, une occupation dont on ne voit pas la fin. Or, selon la tradition juive, la cinquantième année est celle de la liberté. Il est écrit en effet dans le Lévitique (25:10): «Sanctifie la cinquantième année, et proclame la liberté d’un bout à l’autre du pays pour tous ses habitants. Ce sera celle du Jubilé pour vous.» N’est-il pas temps de mettre fin à cette situation, et qu’advienne pour ces deux peuples le temps de la liberté et de la paix?

Pour marquer cette date, une Haggada spéciale a été rédigée. Au texte traditionnel ont été ajoutés des textes écrits par des personnalités juives, essentiellement israéliennes et américaines, exprimant la contradiction morale existant entre cette fête, symbolisant la libération du peuple juif, et la domination par Israël d’un autre peuple privé de ses droits nationaux.

Vous pouvez vous procurer cette Haggada éditée par Tomer Persico et illustrée par Michal Sahar, une célèbre graphiste israélienne, dans sa version anglaise en vous connectant sur http://nif.org/sisohaggadah – et, pour les hébraïsants, dans sa version en hébreu sur https://www.siso.org.il/sisohaggadah.

Cette semaine de Pessah seront organisées, dans beaucoup de villes en Israël et en diaspora, des soirées où seront lus des extraits de cette Haggada. JCall s’est associé à l’organisation de ces soirées, ouvertes en priorité aux adhérents membres de notre association qui ont tous été prévenus en temps voulu pour s’y inscrire. Ce sera le cas à Paris le 11 avril, et à Genève le 12 avril.

Nous avons choisi deux extraits, parmi les textes rédigés spécialement pour cette Haggada du Jubilé.

  • Celui d’Eva Illouz, professeur de sociologie à l’Université hébraïque de Jérusalem et Directrice d’études à l’Ehess, Paris:

Mais ce texte (de la Haggada) a une autre particularité: il ne s’agit pas seulement d’une histoire. Il se veut la régénération d’une mémoire vive. Pourquoi commémorer? Pourquoi ne pas tout simplement célébrer la liberté? C’est que la liberté peut amener avec elle l’oubli de l’esclavage. La liberté peut rendre suffisant. La liberté est si fondamentale que l’on peut, une fois libre, aisément oublier ce que c’est de n’être pas libre; ce que cela fait d’être arrêté à un check-point; de voir sa terre saisie et confisquée; de voir les tribunaux se mettre du côté du plus fort plutôt que de celui du juste; de se voir dénier l’autorisation de travailler ou de voyager. Oui, la liberté peut conduire à l’arrogance et l’oubli. Se souvenir du don immense que Dieu fit aux Israélites est se souvenir que nous ne devons plus jamais nous faire bâtisseurs de pyramides, obsédés par notre propre pouvoir, incapables d’écouter les cris et murmures de souffrance des gens qui vivent parmi nous.

 

  • Et celui de Daniel Bar Tal, professeur émérite en sciences de l’éducation à l’Université de Tel Aviv, fondateur et initiateur de la campagne SISO (Sauve Israël, Stop l’Occupation):

 

Les oppresseurs ne sont pas moins opprimés que leurs esclaves. L’assujettissement d’un autre peuple est aussi un auto-assujettissement. L’assujettissement prolongé d’un autre peuple peut conduire à l’innommable, au meurtre des premiers-nés, à la perte d’une génération entière. «Chaque génération doit se voir comme si elle venait de sortir d’Égypte»: nous devons sortir de l’Égypte des asservis et de l’Égypte des oppresseurs. Nous devons sauver la part d’étranger qui est en nous et nous sauver nous-mêmes. Nous devons libérer et, de cette façon, être libérés. Nous devons crier au Pharaon qui est en nous: «Laisse partir mes peuples!»

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