-CHRONIQUES POUR LA PAIX –
En Israël, depuis 5 semaines, plusieurs dizaines de milliers de personnes défilent régulièrement dans les rues de Tel-Aviv, Jérusalem, Haïfa, Beer-Sheva et autres villes. Ces rassemblements ont lieu le week-end mais pas seulement : lundi 13 février 2023, 80 000 personnes se sont retrouvées dans la capitale d’Israël alors que la Commission des lois de la Knesset se réunissait. Certaines de ces manifestations contre le gouvernement Netanyahou ont réuni près de 200 000 manifestants, ce qui est extrêmement important pour un pays qui compte 9 millions d’habitants. Qu’exigent ces contestataires avec autant de conviction ? Qui sont-ils ? Le mouvement est-il destiné à durer et quelles en seront les conséquences politiques ?
PAUL OUZI MEYERSON demande à MARCO SARABIA d’expliquer la situation et d’éclairer la nature de cette mobilisation.
MARCO SARABIA est membre de l’Assemblée du Parti travailliste israélien et l’un des animateurs de la contestation actuelle. Il vit et travaille au kibboutz Tsuba.
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Marco Sarabia explique la puissante mobilisation (1) des citoyens israéliens contre la réforme de la justice du gouvernement Netanyahou par «une profonde inquiétude quant à l’avenir de la démocratie en Israël et au maintien du consensus social. Un doute émerge concernant la préservation des valeurs du sionisme inscrites dans la déclaration d’indépendance du pays». A en croire le représentant du Parti travailliste toute la population est concernée. Des libéraux de droite et du centre, des démocrates de gauche, ont pris part aux défilés. Les corps constitués de l’État d’Israël sont perturbés par la réforme annoncée : la justice, la police, l’armée, l’éducation, etc. De nombreux secteurs économiques s‘inquiètent de «l’instabilité judiciaire», en premier lieu celui de la high-tech qui défile aussi dans la rue. Différentes minorités, ethniques, sexuelles, religieuses, s’alarment du climat d’intolérance.
Marco Sarabia rappelle qu’Israël s’est toujours enorgueilli d’être «la seule démocratie de tout le Moyen-Orient» mais que, « si la Knesset (2) adoptait le projet de réforme de la justice du gouvernement cette situation pourrait changer ». Il l’estime comme destinée à affaiblir profondément le rôle de la Cours Suprême et à faire tomber tous les contre-pouvoirs qui équilibrent les rapports de force entre exécutif, législatif et judiciaire. On pourrait assister ainsi à un net fléchissement de l’état de droit en Israël car, selon Marco Sarabia, «plus rien n’empêcherait l’adoption de lois scélérates qui contreviendraient aux lois fondamentales puisque les juges seraient aux ordres du gouvernement». Le représentant du Parti travailliste énumère les excès et iniquités qui se profilent déjà si cette réforme devait être adoptée sans modification : des personnes avec des antécédents judiciaires comme Arié Dery, le leader du parti Shaas, occuperont des postes ministériels importants ; la loi pour justiciariser les attitudes jugées religieusement indécentes au mur des lamentations sera appliquée ; les implantations sauvages, désormais autorisées, se multiplieront en Cisjordanie sans intervention de l’armée et, de facto, son annexion s’accélèrera… Marco Sarabia estime que les éléments les plus radicaux de la coalition gouvernementale tiennent le Premier ministre en laisse : «les Sionistes religieux cherchent à désarmer l’état de droit actuel pour étendre la colonisation et accroître la répression contre les Palestiniens en Judée et Samarie. Les ultra orthodoxes veulent systématiser l’application de la halakha (3) et accroître le financement des yeshivot au détriment de la population productive au comportement libéral».
Marco Sarabia et, selon lui, la majorité des manifestants souhaitent «retourner à un travail politique démocratique qui inclut la recherche d’une solution négociée avec les Palestiniens. La grande protestation durera tant que la réforme de la justice de Netanyahou ne sera pas abandonnée ou sérieusement modifiée en respectant les principes et valeurs inscrits dans la Déclaration d’indépendance d’Israël» (4).
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(1) Depuis six semaines plusieurs dizaines de milliers d’Israéliens se mobilisent, le week-end (chabbat) et même pendant les jours de travail, pour manifester contre le projet de loi de réforme de la justice présenté par le gouvernement Netanyahou. Plus de 200 000 personnes étaient dans la rue à Jérusalem le jour où la commission des lois de la Knesset a débattu du projet. Les observateurs estiment que le nombre total de manifestants s’élève à 350 000, sur une population de 9 millions d’habitants, c’est exceptionnel !
(2) KNESSET : Le parlement d’Israël.
(3) HALAKHA : Ensemble des lois, règles et pratiques codifiées de la religion juive (judaïsme).
(4) Extrait de la Déclaration d’indépendance du 14 mai 1948 : …“L’État d’Israël sera ouvert à l’immigration des juifs de tous les pays où ils sont dispersés ; il développera le pays au bénéfice de tous ses habitants; il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d’Israël ; il assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture ; il assurera la sauvegarde et l’inviolabilité des lieux saints et des sanctuaires de toutes les religions et respectera les principes de la Charte des Nations Unies”…