Une loi qui permettra d’allouer des fonds publics à des bourses d’études dont pourront bénéficier certains soldats vétérans a été approuvée aux premières heures de la matinée de mardi par la Knesset. Une législation simple, qui aurait dû être largement consensuelle – elle prévoit que l’État prendra en charge le financement d’une aide excessivement nécessaire, un financement qui était jusqu’à présent assuré par des dons privés.
Et pourtant, le texte a été l’objet d’une bataille partisane majeure qui souligne combien nos affaires politiques se sont fracturées, et combien cette fracture porte préjudice à Israël.
Avant le vote, le leader de l’opposition Benjamin Netanyahu avait dit et répété que cette législation devait être rejetée – non pas sur le fond, mais parce qu’il fait tout ce qui est en son pouvoir pour renverser la coalition, notamment en s’opposant à tous les projets de loi initiés par le gouvernement afin de démontrer qu’après avoir perdu sa majorité parlementaire, le gouvernement du Premier ministre Naftali Bennett et de ses alliés n’est plus en mesure de gouverner de manière efficace le pays.
Un positionnement qui avait entraîné un malaise chez certains membres du bloc d’opposition de Netanyahu – des membres de l’opposition inquiets que le Likud, dans cet exemple précis, ne s’oppose à une initiative bénéficiant directement aux soldats, à une législation qu’il aurait dû en théorie pleinement soutenir.
L’épisode le plus indigeste de cette saga est survenu la semaine dernière au cours d’une réunion du Likud. Ignorant qu’elle était enregistrée – ou n’en ayant rien à faire – Miri Regev, une importante personnalité du Likud, a déclaré que son parti et ses alliés de l’opposition ne devaient avoir «aucun scrupule » à voter contre une loi qu’ils soutiendraient habituellement si un tel positionnement pouvait entraîner le départ de la coalition haïe, ostensiblement dangereuse. « Aucun scrupule », a-t-elle déterminé, même si atteindre l’objectif poursuivi signifiait voter contre ce qui est dans l’intérêt des soldats, des personnes en situation de handicap, des victimes de viol ou des femmes victimes de violences conjugales.
Reconnaissant tardivement les dégâts commis et les dommages potentiels à encore essuyer, Netanyahu a revu son positionnement, déclarant que lui et ses partisans soutiendraient le projet de loi si et seulement si les bourses offraient le financement des études à 100% – les bourses et les dons privées ne prenant en charge que 66% des frais de formation jusqu’à présent. Rejetant cette demande, les membres de la coalition ont fait remarquer que Netanyahu lui-même avait choisi de ne pas adopter une législation de ce type lorsqu’il était Premier ministre, et que l’idée d’un financement à 100% avait été désapprouvée par les experts dans la mesure où les étudiants sont plus motivés à terminer leurs études si ces dernières comportent aussi une part d’enjeu financier.
UNE SAGA PARTICULIÈREMENT SINISTRE
Dans les heures qui ont précédé le vote, le gouvernement et l’opposition étaient encore à couteaux tirés et le projet de loi, semblait-il alors, était voué à l’échec.
Chaque partie, poussée dans ses retranchements, a alors affirmé qu’il y avait une victoire potentielle à remporter dans le rejet du projet de loi : la coalition se serait présentée comme ayant tenté de faire une chose juste, disant avoir été bloquée par une opposition intransigeante et indifférente au bien-être des soldats. L’opposition aurait expliqué avoir exposé au grand jour l’impuissance gouvernementale et elle aurait assuré au public qu’une fois de retour au pouvoir, elle ferait adopter une législation encore plus bénéfique en soutien aux anciens militaires.
Mais l’essentiel n’est évidemment pas là : l’essentiel est que les soldats de combat qui ont protégé l’État n’auraient pas obtenu le financement de leurs études post-militaires de la part de ce dernier si le texte n’avait pas été approuvé.
Cette saga particulièrement sinistre a connu une fin heureuse. Le ministre de la Défense Benny Gantz, ancien chef d’état-major de Tsahal déterminé à protéger les intérêts des soldats face au cynisme des politiques, a proposé un compromis de dernière minute : avec un coût supplémentaire estimé à environ 15 millions de shekels, le projet de loi a été amendé en couvrant non plus les deux-tiers des frais d’études mais les trois-quarts – un accord légèrement plus généreux.
Le Likud et d’autres personnalités conservant leur loyauté à l’égard de Netanyahu, au sein de l’opposition, ont pris la décision de saisir l’opportunité offerte par Gantz et ils ont préféré quitter la séance plénière du Parlement plutôt que de s’opposer au texte, ce qui lui a permis de devenir loi à une bonne majorité (ils ne pouvaient pas voter en faveur de la législation dans la mesure où un autre parti d’opposition, la Liste arabe unie, avait officiellement transformé ce vote en motion de censure ; si des députés pro-Netanyahu avaient voté pour la loi, ils n’auraient alors pas seulement apporté leur soutien à cette dernière mais également au gouvernement – ce qui était impensable).
Les manigances scandaleuses qui ont précédé cette fin heureuse soulignent néanmoins combien la politique israélienne est devenue une suite ininterrompue de dysfonctionnements et un abîme d’amertume. La coalition et l’opposition, les ministres et les membres de la Knesset, s’adonnent en permanence à des calculs intéressés – réévaluant quotidiennement, voire à chaque heure qui passe, leurs intérêts propres et les intérêts de leurs partis, qu’ils s’agisse de soutenir le gouvernement, de chercher à le renverser de l’intérieur ou de précipiter son écroulement du dehors. La semaine dernière, une législatrice du Meretz a quitté la coalition, se laisser aller à une avalanche de plaintes – notamment concernant la politique mise en œuvre par Israël sur le mont du Temple qui a entraîné des journées entières d’émeutes – avant de changer d’avis. Cette semaine, c’est un député Kakhol lavan qui a menacé de voter contre la coalition sur des politiques qui, considère-t-il, affaiblissent les plus vulnérables, même s’il a précisé qu’il ne le ferait pas s’agissant d’un éventuel projet de loi réclamant le renversement du gouvernement.
DES MANIGANCES SCANDALEUSES
A un certain degré, ce passage d’une crise politique à l’autre est continu depuis trois ans, depuis que la gouvernance en Israël connaît cet état de semi-paralysie qui a empêché un leader ou un autre de rassembler autour de lui une coalition réellement stable. Les raisons de cette paralysie ont été décrites sans fin, notamment par le journaliste que je suis ; et l’une des plus importantes est le fait qu’il y a aujourd’hui deux majorités irréconciliables à la Knesset – une majorité appartenant à la droite idéologique et une majorité de députés qui sont personnellement défavorables à Netanyahu.
Et plus ce dysfonctionnement va durer, plus les choses deviendront dangereuses pour l’État juif. Notre gouvernement se bat pour gouverner. Notre opposition est inlassablement hostile – là où elle devrait être critique de façon pertinente, de manière constructive, sur des problématiques où la critique est assurément déterminante. Et dans l’intervalle, les défis intérieurs et extérieurs se multiplient.
L’Iran se rapproche toujours plus de l’arme nucléaire. Les mêmes chefs de la police qui ont affreusement géré les obsèques de Shireen Abu Akleh à Jérusalem se targuent néanmoins avec confiance d’avoir les capacités de garantir que rien de fâcheux ne surviendra pendant la Marche des drapeaux organisée à travers le quartier musulman de la Vieille Ville à l’occasion de Yom Yeroushalayim, dimanche. Les disparités entre les nantis et les plus démunis ne cessent de se creuser, avec un coût du logement qui s’envole et qui devient hors de portée pour le citoyen lambda. Nos enseignants – une profession qui est restée peu séduisante pour un grand nombre d’Israéliens qui auraient pourtant excellé dans cette carrière professionnelle en raison de sa piètre rémunération et des conditions difficiles dans les classes – menacent d’une grève. Nos personnels hospitaliers, restés aux aussi à la traîne en matière de paie et de conditions de travail, sont agressés au sens propre du terme, attaqués physiquement.
Aucun de ces défis, et aucun des nombreux autres qu’Israël est amené à affronter, ne pourrait être surmonté du jour au lendemain – même si un gouvernement stable et une opposition responsable devaient leur consacrer toute leur attention. Mais nous n’avons rien de ce genre – comme l’ont démontré de manière si peu ragoûtante les heures et les heures perdues dans le cadre d’une querelle infernale entraînée par une loi de faible portée, mais néanmoins importante, que le gouvernement et l’opposition soutenaient pourtant tous les deux.
*David Horovitz est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de «Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël» (2000) et «Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme» (2004).
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