La décision prise le 18 octobre par la Cour Suprême israélienne à autoriser la jeune étudiante américaine d’origine palestinienne, Lara Alqasem, à entrer en Israël pour effectuer son année d’étude à l’université de Jérusalem est une victoire de la raison et la preuve de la vitalité de la démocratie israélienne. Comme le disait en son temps Menahem Begin « Il y a encore des juges à Jérusalem » !
Lara Alqasem était bloquée depuis une quinzaine de jours à l’aéroport de Tel Aviv. Malgré l’obtention de son visa d’étude, délivré par le consulat israélien de Miami, les autorités israéliennes lui avaient interdit l’entrée dans le territoire israélien et voulaient l’expulser en vertu de la récente loi votée pour interdire l’entrée dans le pays aux activistes pro BDS. On lui reprochait d’avoir été membre en 2017 d’une section de l’association américaine Students for Justice in Palestine (SJP) qui a compté jusqu’à 8 étudiants. La décision de l’expulser prise par un tribunal administratif avait été confirmée la semaine dernière par le tribunal d’appel de Tel Aviv. L’étudiante, qui avait obtenu le soutien de l’université de Jérusalem, avait fait appel à la Cour Suprême pour casser cette décision de justice.
Les juges de la Cour Suprême ont fait valoir que l’appel au boycott d’Israël, publié il y a deux ans par SJP, avait été fait au nom de l’organisation et non par l’étudiante elle-même et que de plus celle-ci affirmait ne plus soutenir aujourd’hui le BDS. Or la loi votée par la Knesset avait été faite pour interdire l’entrée aux activistes du BDS, ce qui n’était pas le cas de Lara Alqasem.
Certains ministres du gouvernement israélien se sont empressés de critiquer la décision de la Cour Suprême, le ministre de la sécurité intérieure et des affaires stratégiques, Gilad Erdan, allant jusqu’à déclarer que c’était « une grande victoire du BDS ».
Que retenir de cette histoire ?
D’abord que malgré les attaques contre elle et les lois liberticides votées par le gouvernement actuel – dont nous avons abondamment parlé au cours du colloque que nous avons organisé en avril dernier – la démocratie israélienne est encore vivace et les contre pouvoirs fonctionnent.
S’il est normal qu’un État veuille interdire l’entrée de son territoire à des personnes qui pourraient constituer une menace pour sa sécurité, il n’en est pas de même s’il s’agit d’opposants dont les opinions dérangent. Une société qui choisit d’interdire l’accès à son territoire à ses détracteurs ne fait montre que de sa faiblesse alors que la meilleure façon de lutter contre le BDS est au contraire de débattre avec ses supporteurs et de faire valoir la richesse et la diversité de la société israélienne et sa vitalité démocratique. Nous l’avons toujours affirmé : le BDS par ses actions ne fait que renforcer l’emprise de la droite israélienne sur sa population. En appelant au boycott de tout ce qui provient d’Israël, et non uniquement des produits issus des colonies, il s’attaque à la légitimité de l’Etat.
Malgré toute la puissance de son armée et de son économie, la population d’Israël a deux talons d’Achille dont il faut être conscient si l’on veut comprendre les blocages politiques actuels. Il s’agit de deux demandes parfaitement légitimes et compréhensibles compte tenu de l’histoire du peuple juif : celle de voir reconnaître la légitimité de sa présence sur cette terre et celle de ses besoins de sécurité. Benjamin Netanyahu l’a très bien compris et il est passé maître dans l’art d’utiliser et manipuler ces peurs pour conforter son pouvoir.