Gaza… et après ?

Facebook
Twitter

«Nous pouvons pardonner aux Arabes de tuer nos enfants mais nous ne pouvons pas leur pardonner de nous forcer à tuer leurs enfants»: tel est le tweet posté par le CRIF le 15 mai, suite aux derniers évènements à Gaza. Bien que la véracité de ce propos attribué à Golda Méïr ne soit, semble-t-il, pas attestée, on en arrivera peut-être un jour à dire en Israël: «Nous ne pardonnerons jamais à Benjamin Netanyahou et à son gouvernement d’avoir contraint les soldats israéliens à tirer sur des Palestiniens voulant forcer les barrières de sécurité entre la bande de Gaza et Israël, quand bien même ces derniers auraient été poussés à le faire par le Hamas». En effet, une fois passée l’émotion suscitée par ces évènements, il est temps d’en chercher les responsables.

Les premiers responsables sont les dirigeants israéliens qui n’ont pas pris en compte les nombreuses alertes que la plupart des responsables de l’appareil sécuritaire israélien, dans l’armée comme dans les services de sécurité, n’ont eu de cesse depuis ces derniers mois de leur faire remonter. Ils y décrivaient la crise humanitaire qui couvait à Gaza, rendant la situation explosive: la crise économique et sociale, aggravée par le non-paiement par l’Autorité palestinienne des salaires aux fonctionnaires, les coupures quotidiennes de l’électricité délivrée par Israël à cause du refus du gouvernement palestinien de la payer, le maintien du blocus par l’Égypte et celui – partiel – par Israël sur terre comme sur mer, ne pouvaient que pousser au désespoir une population majoritairement constituée de jeunes dont près de 40% sont au chômage.

De plus, en ne réussissant pas à aboutir à un accord, suite à la proposition d’une Hudna (un cessez-le-feu prolongé) transmise par le Hamas il y a plusieurs semaines via l’Égypte et le Qatar en échange de la fin du blocus, le gouvernement israélien a poussé indirectement le Hamas à organiser ces «marches du retour» dont il savait pertinemment qu’elles mettraient en danger sa population. Le fait que le Hamas ait revendiqué 50 militants sur les 62 tués lors de la journée du 14 mai est la preuve, si besoin est, de son implication dans le déroulement de ces manifestations.

Mais la responsabilité israélienne dans cette dégradation de la situation ne dédouane pas le Hamas de la sienne. En faisant le choix de cette politique suicidaire, le Hamas peut, certes, faire valoir qu’il a réussi à montrer sa capacité de mobilisation des foules palestiniennes, et à effacer ainsi les images de la célébration du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem qui avait lieu ce même jour. Une fois de plus, Israël a perdu la guerre des images, et tel était le but recherché par le Hamas. Mais, dès la pression médiatique relâchée, il est fort à craindre que, comme toujours, la question du conflit ne soit repoussée aux calendes grecques, d’autant qu’aucun des acteurs susceptibles de s’engager dans une dynamique diplomatique n’a aujourd’hui la volonté réelle de le faire. En définitive, ces morts n’auront servi qu’à redorer l’image du Hamas, qui était affaibli ces derniers mois dans la rue palestinienne.

Deux images resteront, cependant, de ces évènements: celle de ces jeunes Palestiniens lançant des pierres avec des frondes pendant que les soldats leur tirent dessus, et celle prise le même soir, à une soixantaine de kilomètres de distance, de la dizaine de milliers d’Israéliens fêtant à Tel Aviv la victoire de la candidate israélienne à l’Eurovision. Deux images qui témoignent de l’abîme existant entre ces deux sociétés, et de l’indifférence à l’autre qui prédomine aujourd’hui au sein de la société israélienne.

Les responsabilités respectives des principaux acteurs ainsi définies, la question qui doit nous mobiliser aujourd’hui est d’identifier les pistes permettant de ramener le calme dans la région et d’ouvrir de nouvelles perspectives. Depuis longtemps déjà, les responsables de l’armée et des services de sécurité israéliens affirment qu’une politique construite uniquement sur la force ne saurait remplacer une stratégie propre à résoudre le conflit. L’armée, soulignent-ils, a pour fonction de procurer aux dirigeants politiques le temps qui leur permettra de trouver une solution politique. Malheureusement, tel n’est pas le choix fait par Netanyahou, qui n’a pris aucune initiative vis-à-vis des Palestiniens depuis qu’il est Premier ministre et qui, depuis l’élection de Trump, se sent renforcé dans cet immobilisme. Les décisions américaines de dénoncer l’accord relatif au nucléaire iranien, et de transférer à Jérusalem l’ambassade des États-Unis, ont soulevé au sein de la droite israélienne un vent d’euphorie. Le gouvernement vient d’autoriser la construction de 2.500 nouvelles unités d’habitation, dont la majorité seront situées dans des colonies isolées éloignées de la ligne verte – ce qui compliquera encore plus la faisabilité de la solution à deux États. Ces nouvelles unités d’habitation dans les territoires occupés viennent s’ajouter aux 14.454 unités qui ont été construites depuis l’élection de Trump, soit trois fois plus qu’au cours des dix-huit mois précédents.

Depuis des années, la droite israélienne ne délivre à sa population qu’un discours de peur basé sur les menaces extérieures: bombe iranienne, Hamas, Hezbollah, BDS… Ce discours renforce un processus de rejet de l’Autre (qu’il soit palestinien ou migrant), et sa déshumanisation permettant de ne plus voir ses souffrances. Mais ce que cherche avant tout la droite israélienne est le maintien de son emprise sur sa population pour conserver son pouvoir. Il est significatif, d’ailleurs, de constater le cynisme avec lequel cette droite explique que toutes les critiques formulées en Occident à l’égard d’Israël ne sont motivées que par la haine des Juifs, alors qu’elle ignore l’antisémitisme bien réel qui se manifeste parmi ses alliés soutenant sa politique de colonisation, comme les chrétiens fondamentalistes américains – représentés à l’ouverture de l’ambassade américaine à Jérusalem par les pasteurs John Hagee et Robert Jeffress, connus pour leurs propos antijuifs – ou les dirigeants des démocraties «illibérales» qui se développent en Europe de l’Est – la Hongrie d’Orban, avec les attaques reprenant tous les poncifs antisémites contre George Soros, ou la Pologne de Kaczyński, et la loi votée au Parlement polonais appelant à réprimer toute allusion à une quelconque responsabilité des Polonais dans la Shoah.

Dans quelques jours s’ouvrira en France l’année croisée France-Israël, qui consiste en des dizaines de manifestations culturelles et de rencontres dans l’ensemble du pays. Malgré l’annulation du voyage en Israël du Premier ministre Edouard Philippe, Netanyahou sera à Paris début juin. Et les défenseurs de la cause palestinienne, remobilisés suite aux évènements de Gaza, commencent à appeler au boycott de ces manifestations. Nous avons déjà dit notre opposition aux actions du BDS, parce qu’il reste le meilleur allié de la droite israélienne qui s’en sert pour justifier sa politique. Par contre, nous pouvons profiter de ce contexte, où Israël sera de nouveau à la Une de l’actualité, pour lancer un double appel.

Notre premier appel est destiné aux dirigeants israéliens, pour leur rappeler le message contenu dans l’appel de JCall: seules la fin de l’occupation et la création d’un État palestinien à côté d’Israël mettront fin au conflit et assureront l’avenir d’Israël en tant qu’État juif et démocratique. Aucune campagne de promotion et aucune victoire à l’Eurovision ne pourra effacer les images de l’occupation et d’une répression qui risque de s’amplifier encore, le jour où le désespoir conduira des milliers de Palestiniens à se rapprocher des check-points entre la Cisjordanie et Israël pour revendiquer leur État.

Le second appel est destiné au Président Macron, pour lui demander que son gouvernement prépare, avec les principaux pays européens sincèrement attachés à Israël et à sa sécurité, un plan pour le cas – fort probable – où l’ultimate deal, que l’administration Trump est en train de préparer à Washington, finira par un constat d’échec. Ce plan devra commencer par changer radicalement la situation à Gaza en appelant au retour de l’Autorité palestinienne, à la fin du blocus côté israélien comme côté égyptien, à la création d’un port, à la mise en place des nécessaires contrôles de sécurité, à la reconstruction et à la réhabilitation de la région avec l’aide internationale et arabe. Toutes les propositions en ce sens sont connues, étudiées et chiffrées depuis longtemps. Il est temps de les mettre en œuvre. Il est temps d’enclencher au Moyen-Orient une nouvelle dynamique porteuse d’espoir pour les populations, tant palestiniennes qu’israéliennes.

Facebook
Twitter

Tribune Libre

Agenda

Atlas du conflit Israélo-Arabe

Communiqué

Facebook

Newsletter