Élections en Israël et aux États-Unis : la démocratie en jeu

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Le 1er novembre, les Israéliens se rendront aux urnes pour la cinquième fois en trois ans et demi. Une semaine plus tard, ce sera au tour des électeurs américains de voter pour les midterms, ces élections de mi-mandat où sont élus les 435 membres de la Chambre des représentants et un tiers des sénateurs. Dans l’une de ses dernières chroniques dans Haaretz, Alon Pinkas, un ancien diplomate israélien, écrit que, dans ces deux élections, se joue l’avenir de la démocratie libérale dans ces deux pays.

Aux États-Unis, ces élections sont un véritable test pour Donald Trump dans sa stratégie pour briguer un second mandat lors des prochaines présidentielles. Si le parti républicain réussit à reprendre la majorité au Congrès, dans les deux chambres ou seulement dans l’une des deux, ce serait une victoire pour l’ancien président. Il se verrait ainsi conforté dans sa position de futur candidat du parti, d’autant plus qu’un nombre important des candidats républicains en lice défendent sa ligne politique et partagent sa théorie sur le trucage des élections de 2020.

Ces élections seront très serrées, notamment dans les États-pivots comme le Nevada, la Pennsylvanie ou l’Arizona où les candidats républicains sont soutenus par les franges les plus extrêmes du parti qui tiennent souvent des discours ouvertement antisémites. Trump, conscient que la majorité des Juifs américains ne le soutienne pas et voteront pour les candidats démocrates, s’en est pris récemment à eux en disant qu’ils n’apprécient pas, à la différence des chrétiens évangéliques, ce qu’il avait fait pour Israël et « qu’ils devraient se ressaisir et apprécier ce qu’ils ont en Israël avant qu’il ne soit trop tard ».

Netanyahou a bien essayé d’expliquer que ces propos « reflètent la frustration ressentie par Trump, comme c’est le cas pour tous les hommes politiques quand ils ne reçoivent pas tout le crédit qu’ils méritent pour ce qu’ils ont fait », ajoutant par ailleurs qu’il n’était « pas une exception ». On ne peut néanmoins déconnecter ces déclarations de l’ancien président du climat dans lequel se déroule cette campagne électorale, où, pour la première fois depuis plusieurs décennies, on est témoin d’une vague d’antisémitisme aux États-Unis.

Depuis l’élection de Trump en 2016, le parti républicain est devenu beaucoup plus extrémiste. S’il réussit à prendre le contrôle du Congrès aux midterms, il risque de remettre en cause un certain nombre d’acquis de la société américaine, comme celui du droit des femmes à pouvoir avorter comme l’ont déjà décidé certains États républicains, ou celui des minorités.

En Israël ces élections, comme les quatre précédentes, ne portent sur aucun des sujets qui touchent au quotidien des Israéliens, ni celui du coût de l’immobilier et de la cherté de la vie, ni – encore moins – celui de la situation dans les territoires occupés et de l’occupation. Elles ne portent que sur la question de savoir si Netanyahou réussira enfin cette fois-ci à réunir une majorité de 61 députés pour redevenir Premier ministre.

Pour atteindre cet objectif, Netanyahou a fait alliance avec la liste extrémiste du Sionisme religieux, à laquelle les sondages prédisent jusqu’à 14 députés. Itamar Ben-Gvir, l’un des deux leaders de cette liste (un admirateur du rabbin Méïr Kahane et de Baruch Goldstein, le responsable du massacre de Hébron en 1994), ne manque pas une occasion de faire des provocations par des déclarations racistes et homophobes. Il a notamment proposé de déporter à l’étranger les députés arabes « qui seraient déloyaux envers l’État d’Israël ».

Quant à son comparse au sein de ce parti, Bezalel Smotrich, candidat au poste de ministre de la defense ou de la justice en cas de victoire, il a annoncé son intention de réduire les prérogatives de la Cour suprême au profit de celles de la majorité politique au pouvoir. Ainsi, une loi votée par la Knesset et rejetée par la Cour suprême pourrait, lors d’un second vote, être validée. Il envisagerait aussi de supprimer l’article du code pénal qui prévoit une peine allant jusqu’à 3 ans de prison en cas de condamnation d’une personnalité politique pour fraude et abus de confiance, ce qui permettrait à Netanyahou d’échapper à une éventuelle condamnation pour les faits pour lesquels il est jugé en ce moment. Cette dernière déclaration dévoile ainsi le véritable enjeu de cette élection : permettre ou non à Netanyahou d’échapper à la justice !

Il est dommage qu’il n’y ait pas en Israël, comme dans toutes les grandes démocraties, de débat public entre les principaux candidats au poste de Premier ministre. Yaïr Lapid aurait pu  faire valoir les nombreux acquis du gouvernement sortant, notamment l’accord négocié via les Américains pour définir la frontière maritime entre Israël et le Liban. Celui-ci, le premier qui serait signé entre ces deux pays – et non abrogé comme le fut celui de 1983 -, va leur permettre d’exploiter les deux gisements de gaz découverts dans leurs eaux territoriales. Très attaqué par Netanyahou et l’opposition, cet accord est par contre soutenu par les responsables de la sécurité du pays qui y voient un moyen de réduire les risques de conflit dans la frontière Nord tout en préservant les intérêts sécuritaires d’Israël. La présidente de la Cour suprême vient d’ailleurs d’autoriser le gouvernement à le voter sans avoir la nécessité d’obtenir le soutien de la Knesset, ce qui devrait être fait dans les prochains jours.

Les sondages ne permettent pas de dégager de majorité pour l’un des deux blocs. Celui des « pro Bibi » oscille entre 59 et 60 députés et celui des « anti Bibi » autour de 56 et 57. Entre les deux se trouvent les 4 députés qu’obtiendrait ce qui reste de la Liste arabe unie – Balad, l’un des trois partis la constituant aux élections précédentes,  se présente seul cette fois-ci et ne devrait pas passer le seuil électoral. Compte tenu de ce blocage, tous les analystes s’accordent pour dire que le résultat dépendra essentiellement de la mobilisation de l’électorat arabe, qui vote généralement moins que l’électorat juif. Les sondages prévoient que le pourcentage des votants chez les Arabes israéliens se situera entre 40 % et 45 % (il avait été de 44,6 % lors du précédent suffrage, et de 64,8% en mars 2020 : les quatre partis arabes s’étaient alors présentés sur la même liste, ce qui avait permis l’élection de 15 députés). Ce n’est pas la première fois que les électeurs arabes vont ainsi déterminer le sort du pays. Rappelons que les accords d’Oslo ont été votés à la Knesset grâce aux voix des députés arabes, la coalition menée alors par Rabin étant minoritaire !

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