Chronique de Patrick Klugman sur Radio Com — 5 novembre 2011
À propos d’une sinistre rencontre.
Repris de ma chronique sur RCJ du 4 novembre 2011.
Marine Le Pen serait-elle en train de devenir un produit d’exportation ? Plus exactement le
nationalisme serait-il plus acceptable ou mieux accepté hors de nos frontières ? Ce serait un
comble. Mais le récent déplacement de la présidente du FN outre-atlantique pose question
et plus encore le fait que l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, Ron Prosor ait consenti à
« passer » à un déjeuner que celle-ci donnait pour les diplomates onusiens.
Bien entendu il s’agissait d’une initiative personnelle et privée de l’ambassadeur. On peut
aussi espérer que Monsieur Prosor ignorait que Marine Le Pen est la fille de « l’homme du
détail », qui est aussi l’homme aux vingt-cinq condamnations, et que son patronyme est
encore à ce jour la marque notoire du racisme dans notre pays.
Mais à un tel niveau de responsabilité il s’agirait d’une ignorance, certes, mais d’une
ignorance coupable d’autant que la prudence est d’ordinaire plus encore que l’intelligence la
qualité première du diplomate.
Pour dire les choses plus simplement, qu’il s’agisse du souvenir de la Shoah ou
de l’antisémitisme, Monsieur Prosor ne représente pas n’importe quel État et
Madame Le Pen pas n’importe quel parti : ceci rend cette rencontre, même
fortuite, même fugace, particulièrement détestable.
Surtout qu’il est certain que Marine Le Pen n’a eu de cesse de vouloir instrumentaliser la
communauté juive pour se dédouaner d’un passé – celui du Front National – que pourtant
elle n’a jamais dénoncé.
Rappelons qu’il y a quelques mois, devant le tollé suscité, elle avait été désinvitée d’une
radio communautaire où elle devait s’exprimer. De la même manière le gouvernement
israélien l’avait poliment mais fermement éconduite lorsque Madame Le Pen avait voulu
visiter officiellement l’État hébreu. Il n’est pas acceptable de la part d’un diplomate de ce
niveau de se prêter, même involontairement, à ce genre de manœuvres.
Dans ces conditions et même si ce n’était certainement pas là le désir de Monsieur Prosor,
comment éviter que sa « curiosité intellectuelle » auprès d’une candidate à l’élection
présidentielle puisse ne pas s’interpréter comme une forme d’ingérence dans le débat
politique français ?
Après avoir évoqué le fait qu’il appréciait « la diversité d’opinion » Monsieur Prosor semble
parler d’un malentendu. C’est désormais à son ministre de tutelle de clarifier les choses et au
besoin de rappeler son ambassadeur à l’ordre car, s’agissant d’un geste qui remue de tels
symboles, ce serait comme dirait Molière « y participer que de ne pas le dénoncer ».
http://www.jcall.eu/IMG/pdf/chronique_Klugman_051111.pdf