Négociations difficiles Fatah-Hamas et visite d’Obama

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L’Autorité Palestinienne (AP) et le Hamas mènent actuellement des négociations pour organiser le rapprochement des mouvements palestiniens. Ces difficiles tractations sont menées, depuis janvier dernier, sous le parrainage du nouveau gouvernement égyptien présidé par Mohamed Morsi qui s’est personnellement impliqué dans le lancement des pourparlers. Pour l’instant rien n’est acquis, il s’en faut de beaucoup. Et les tensions restent vives entre les deux camps palestiniens séparés par un lourd contentieux.

L’objectif immédiat de ces négociations est de parvenir à un accord sur les modalités et le calendrier de futures élections. Celles-ci devraient permettre de mettre en place les instances législatives et exécutives communes aux territoires autonomes de Cisjordanie et à la bande de Gaza et, ainsi, de mener la réunification à son terme. La visite de Barack Obama, le président des Etats-Unis, dans la région en mars prochain, donne à ces pourparlers une dimension nouvelle  alors que le gouvernement israélien doit se mettre en place et que les retombées du “Printemps arabe” restent incertaines.

Nous sommes actuellement en face de trois entités.

L’Organisation des Nations Unis (ONU), l’Union européenne, les Etats-Unis et même l’Etat d’Israël (discours de Netanyahou à l’université Bar Ilan), considèrent que la résolution du conflit israélo-palestinien passe par la création d’un Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël. C’est le slogan de JCall : « deux  Etats pour deux peuples ».

Ce slogan sous-entend une dualité (deux identités politiques et deux géographies) qui dans la réalité n’existe pas. En fait nous sommes actuellement en face de trois entités. Il y a d’abord,  un Etat reconnu par l’ONU et souverain : Israël ; ensuite, un territoire palestinien autonome en Cisjordanie  avec statut d’observateur à l’ONU  dont la population est représentée et gérée par une administration civile : l’Autorité Palestinienne (AP) ; enfin, la bande de Gaza sous contrôle exclusif d’une autorité politico-religieuse qui encadre la population : le Hamas.

Par ailleurs, une des difficultés, et non des moindres, est que le Hamas est considéré comme un mouvement terroriste par les Etats-Unis, Israël et l’Union Européenne. En revanche, pour la Grande-Bretagne et l’Australie, seule la branche armée du Hamas (Azzedine al Qassam) est classée comme terroriste. La plupart des autres pays du monde, notamment la majorité des pays arabes, l’Afrique du Sud, la Russie, ne reprennent pas le Hamas sur la liste des organisations qu’ils considèrent comme terroristes. Dans l’hypothèse, qui en ce moment ne se confirme pas,  où le rapprochement  entre l’AP et le Hamas se concrétiserait et que la date des nouvelles élections en Palestine soit connue, quelle pourrait être la nature de la nouvelle entité politique issue de ce nouveau scrutin ?  Comment réagirait la diplomatie internationale, notamment celle des Etats-Unis, vis-à-vis d’une nouvelle entité politique, issue des élections, qui ne se démarquerait pas nettement d’un discours de refus et de violence ? De plus, quelle serait la position du  gouvernement israélien vis-à-vis de cette unification ? A l’heure où nous écrivons, la composition du gouvernement issu de la 19ème Knesset (parlement israélien) n’est pas encore connue.

Le fossé qui sépare les deux camps palestiniens est profond

Depuis la prise de Gaza par les forces du Hamas, en juin 2007, aucune négociation ou tentative officielle de rapprochement n’avait été tentée par les deux camps palestiniens. Il est vrai que le fossé qui les sépare est profond, à la fois de nature idéologique (nationalisme arabe contre islamisme sunnite), stratégique (pas de reconnaissance de l’Etat d’Israël par le Hamas, respect du cadre des accords d’Oslo pour l’AP) et tactique (guerre contre le  « sionisme » pour le Hamas, lutte diplomatique et révolte civile contre l’occupation israélienne pour l’AP). Mais Il faut également se remémorer les évènements qui ont précédé le « coup de force » du parti islamiste palestinien pour comprendre les raisons de ce rejet mutuel et souvent mortel.

En septembre 2005, le gouvernement d’Ariel Sharon ordonne l’évacuation de la bande de Gaza sans négocier préalablement avec l’AP. L’armée israélienne (Tsahal) ferme ses bases et évacue 10 000 colons. Suite à ce retrait, des élections législatives sont organisées en Cisjordanie et à Gaza en septembre 2006 sous le regard de la communauté internationale. Le Hamas remporte les élections avec 48.3 % des voix contre 43.8 % pour le Fatah. A Gaza, le Hamas sort majoritaire du scrutin. Mais, après ces élections, la tension monte entre le Hamas et le Fatah, les factions sont, notamment, en désaccord sur le respect des accords d’Oslo signés, en 1993, par  Yasser Arafat avec Israël. De nombreux affrontements violents ont lieu. Face à ces difficultés, en décembre 2006, Mahmoud Abbas, Président de l’AP annonce la dissolution du gouvernement en place et la tenue d’élections  pour mettre fin aux tensions. Le Hamas considère cette décision comme un moyen de le marginaliser. En juin 2007, le parti islamiste s’empare du pouvoir par le force à Gaza. On assiste à une guerre entre les troupes du Hamas et celles du Fatah et de l’AP. A l’issu de ces combats, l’appareil politique et militaire du Fatah à Gaza est démantelé, les représentants de l’AP et du Fatah expulsés. On estime à plus de 110 morts le bilan de cette guerre interpalestinienne.

Reprise des négociations d’unification sous l’égide du président Morsi

Ce n’est qu’après l’opération « Plomb durci », menée par l’armée israélienne contre les troupes du Hamas en 2009, en représailles aux bombardements effectués contre la population civile israélienne depuis Gaza, que pour  la première fois les dirigeants de l’Autorité palestinienne et du Hamas se sont rencontrés en mai 2011. Malgré l’efficacité des assauts de Tsahal, le Hamas s’était senti suffisamment renforcé à l’issu de la bataille pour accepter d’ouvrir des pourparlers avec l’AP  afin d’enclencher un processus de rapprochement. Mais, jusqu’à présent, cette initiative n’a débouché sur rien de concret, au contraire les dissensions se sont maintenues.

Aujourd’hui, la dynamique s’est peut-être remise en mouvement car l’environnement politique a été profondément modifié par le « Printemps Arabe ». En Egypte, les « Frères Musulmans » (proche du Hamas) sont au pouvoir et le président Morsi, récemment élu, a succédé à Moubarak. En Syrie, la terrible guerre civile masque un autre combat, celui des sunnites arabes contre les chiites soutenus par l’Iran. Deux événements importants poussent également à la reprise d’une initiative : l’opération militaire menée par Tsahal contre les missiles du Hamas en novembre 2012 à Gaza, la récente reconnaissance par l’ONU de l’Autorité Palestinienne en tant qu’ « État observateur non-membre ». Voilà autant d’éléments qui ont certainement amené les dirigeants politiques palestiniens à répondre favorablement à  l’invitation égyptienne pour entamer leur rapprochement.  .

Ainsi, le président égyptien Mohamed Morsi, son homologue palestinien Mahmoud Abbas et le chef politique du Hamas, Khaled Mechaal, se sont retrouvés pour une réunion tripartite le 10 janvier dernier  au Caire. En soi, cette rencontre est un événement compte tenu de l’étendue des dissensions séparant les deux camps. Plus tard, une vingtaine de dirigeants du Hamas ont également quitté Gaza pour la capitale égyptienne afin de s’entretenir avec une délégation du Fatah en provenance de Cisjordanie. D’autres tendances du mouvement national palestinien se sont jointes également aux négociations. Azzam al-Ahmad, responsable au Fatah du dossier de la réconciliation, cité par l’agence palestinienne Ma’an, a déclaré : “Il a été convenu avec le Hamas de lancer des consultations avec les mouvements palestiniens sur la formation d’un gouvernement de technocrates dirigé par le président Abbas, en vertu de l’accord de Doha de février 2012. Le dossier le plus important concerne la tenue d’élections. Il y a eu un accord sur la plupart des questions, sauf sur quelques points concernant la loi sur les élections au Conseil National Palestinien qui est le parlement de l’OLP. »

Trois axes principaux pour évaluer l’avancée de la réunification

Depuis la réunion tripartite du Caire en janvier dernier, plusieurs réunions politiques et techniques ont eu lieu entre les représentants du Fatah et du Hamas. Qu’espérer de ces rencontres ? Dans un article récent publié par le site spécialiste du Moyen-Orient, « Al-Monitor », Daoud Kuttab, journaliste et professeur à Princeton, explique que pour juger des progrès réalisés dans la réunification du mouvement national palestinien, il faut suivre les travaux menés sur trois axes principaux : premièrement, la mise en place d’un système de gouvernement unique destiné à remplacer le double pouvoir « Gaza/Ramallah » ; ensuite, la tenue d’élections législatives et présidentielles concomitantes en Cisjordanie et à Gaza, ce qui implique que le Hamas accepte que la Commission électorale centrale palestinienne puisse opérer à Gaza ; enfin, le réveil de  l’Organisation de Libération de la Palestine (qui fédère les différentes organisations) à laquelle le Hamas refuse d’adhérer.

Cliquer pour lire l’article complet de Al-Monitor 

 Seul point positif : la Commission électorale reprend ses opérations

Si l’on suit ce schéma d’analyse des « trois axes principaux » force est de constater que dans les domaines de la gouvernance rien n’a été encore décidé. En ce qui concerne la création d’un pouvoir législatif et d’un exécutif unique, aucun plan ou schéma d’intégration ne figure à l’horizon. Les discussions sur le retour du Hamas au sein de l’OLP n’ont pas abouti. Seul point positif, le Hamas a autorisé la Commission électorale palestinienne à reprendre son activité à Gaza. Elle peut désormais procéder à l’enregistrement des nouveaux électeurs. “Nous avons rencontré le Hamas, le Fatah et les autres mouvements pour discuter des arrangements sur l’inscription des électeurs. De fait, nous espérons les avoir enregistrés d’ici une semaine à dix jours”, a souligné, fin janvier, le président de la Commission électorale centrale palestinienne (CEC), Hanna Nasser, estimant à quelques 650.000 le nombre de nouveaux inscrits dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.

Cependant, il semblerait qu’à ce stade le Hamas ne souhaite pas s’engager sur une date précise d’élection. Le président Mahmoud Abbas, a lui-même constaté le blocage du mouvement islamiste, rapporte l’agence palestinienne indépendante Ma’an : « la réconciliation est dans l’intérêt national et les élections offriront au peuple palestinien le dernier mot. Cependant, nos frères du Hamas ne veulent pas, pour le moment, que ces élections aient lieu. »

 De son coté, le Centre d’Information Palestinien, lié au mouvement islamiste, cite Khaled Mechaal, le chef du Hamas, qui confirme que son « parti est d’accord pour mener toutes les actions nécessaires à la tenue d’élections. Mais, la date pour élire et former un nouveau gouvernement doit être choisie compte tenu du climat favorable à la réconciliation et quand la préparation sera complète. » En clair, il est urgent d’attendre…

Cliquer pour lire la dépêche de Ma’an

Réaction critique de Benjamin Netanyahou

Que pense le gouvernement israélien de ces tentatives de rapprochement ? A notre connaissance, le Premier ministre ne s’est exprimé qu’une seule fois sur ce sujet, quand les responsables palestiniens se sont retrouvés au Caire en janvier dernier à l’invitation du président Morsi. A cette occasion, Benjamin Netanyahou a déclaré : « Abou Mazen (nom de guerre de Mahmoud Abbas) étreint le dirigeant d’une organisation terroriste qui affirmait, il y a moins d’un mois, qu’Israël devait être rayé de la carte. Ce n’est pas comme cela qu’un homme qui veut la paix se comporte. »

Cliquer pour lire l’intervention de Benjamin Netanyahou 

Que Netanyahou se rassure, l’étreinte est momentanée et le rapprochement avance lentement. Lors d’un débat récent à Paris, Salman Khoury, codirecteur du forum des ONG palestiniennes et israéliennes pour la Paix  expliquait que “l’opinion publique palestinienne veut un Etat réunifié et indépendant mais doute de la réconciliation entre le Hamas et le Fatah.  Les espoirs de parvenir à une entente  semblent augmenter avec chaque nouveau cycle de négociations mais les actions que les deux gouvernements palestiniens mènent sur le terrain reflètent qu’ils souhaitent préserver leurs positions.”  Paradoxal… et dommage ! Il serait plus facile de redémarrer le processus de paix si chacun des deux peuples n’avait qu’un seul représentant…

Barack Obama devra prendre en compte le paramètre de l’unification palestinienne s’il souhaite que le « processus de paix » se remette en marche entre Jérusalem et Ramallah. Il est impossible de négocier la paix avec Mahmoud Abbas sous la menace des tirs de missiles de l’organisation Azzedine al Qassam ou d’autres groupes à tendance djihadiste. On ne sait pas, pour le moment, qu’elle rôle jouera la diplomatie américaine dans les tractations pour la réunification du mouvement national palestinien. Ce qui paraît certain, c’est qu’elle ne soutiendra pas le Hamas s’il est toujours considéré comme un mouvement terroriste. Le Président égyptien Morsi, le roi de Jordanie Abdallah II et les Saoudiens, tous considérés comme alliés des Etats-Unis, sont-ils assez forts actuellement pour convaincre le Hamas de modifier ses objectifs et ses méthodes afin de finaliser son rapprochement avec l’AP ? Il faut aussi que le mouvement islamiste palestinien devienne acceptable sur la scène internationale et pour Israël.

Cliquer pour l’article de Slate sur Khaled Mechaal

Mahmoud Abbas souhaite que les Américains fassent davantage pression sur Netanyahou pour que les Israéliens gèlent toute colonisation en Cisjordanie en préalable de la reprise du processus de paix. Netanyahou essaiera certainement de prouver à Barack Obama que l’AP tient un double discours et que les conditions qu’elle pose bloquent les pourparlers. A moins que la situation explosive prévalant dans la région ne les incite tous à trouver un terrain d’entente ?

Paul Ouzi MEYERSON

(Photos :Mechaal à gauche, Abbas à droite)
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