Gérard Unger, président de JCAll-France, faisait partie de la délégation française qui accompagnait le président François Hollande en Israël et dans les territoires palestiniens les 17, 18 et 19 novembre 2013. Quels enseignements faut-il tirer de ce voyage? Comment les positions françaises se situent-elles relativement aux positions israéliennes et palestiniennes? Quel rôle la France peut-elle jouer dans le cadre d’un processus de paix? Quelles sont les perspectives d’un rapprochement franco-israélien, notamment dans le domaine économiques? Sur ces questions, Gérard Unger a répondu aux questions de Gabriel Szapiro, dans le cadre de l’émission «Chroniques pour la Paix» diffusée le vendredi 22 novembre 2013 sur Judaïques FM (94.8 MHz). Nous reproduisons ici l’essentiel de ses propos.
Sur le bilan de ce voyage:
Les conclusions sont très positives, et ce sur trois plans: le plan psychologique et affectif, le plan économique et le plan politique.
La visite du président Hollande, tant en Israël que dans les territoires palestiniens, a montré non seulement la qualité des liens qui existent entre la France et Israël mais la qualité des liens personnels entre François Hollande, le président Pérès et Benyamin Netanyahou. Les Israéliens ont déroulé le tapis rouge pour François Hollande, ne serait-ce qu’en raison de la position française sur l’Iran. Dans les territoires palestiniens, l’accueil a également été très chaleureux de la part de Mahmoud Abbas, plusieurs accords ont été signés et on sent que le courant passe.
Sur le plan politique, François Hollande a demandé l’arrêt total de la colonisation, et la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de deux Etats. Il a demandé qu’en échange les Palestiniens adoptent des positions réalistes, ce qui était une allusion très claire au problème des réfugiés. De fait, Mahmoud Abbas n’a pas parlé de «retour des réfugiés» mais d’une «solution juste au problème des réfugiés», en reprenant les termes de l’initiative arabe de 2002.
Sur le plan économique, il y a eu les Journées franco-israéliennes de l’innovation auxquelles le président Hollande, Shimon Pérès et Benyamin Netanyahou ont assisté le dernier jour de la visite du président de la République. Là aussi, le climat était positif. Il y avait une délégation très importante de chefs d’entreprises françaises, ce qui montre bien qu’enfin les entreprises françaises s’intéressent au marché israélien.
Sur le rôle de la France dans la région:
François Hollande a dit à plusieurs reprises que, les négociations israélo-palestiniennes étaient directes et bilatérales, la France n’a pas à intervenir sur tel ou tel aspect de la négociation. En revanche, sur l’affaire iranienne, la France a joué son rôle en refusant une série de faux-semblants que les Iraniens mettaient en avant et que les Américains semblaient disposés à accepter.
Cela dit, il ne faut pas se leurrer. La position de la France n’est pas destinée uniquement à faire plaisir à Israël. On prend également en compte, à Paris, les réticences des monarchies du Golfe. Il n’empêche: toute la presse israélienne a salué positivement la position de Laurent Fabius à Genève.
Sur la position de l’Union Européenne, concernant la vente de produits israéliens provenant des territoires occupés:
Du côté français, rien n’a été dit publiquement sur ce sujet. La position palestinienne a été exprimée par Mahmoud Abbas, qui a déclaré clairement qu’il ne s’agissait pas de boycotter Israël ni les produits israéliens mais de boycotter les produits fabriqués dans les colonies.
Le boycott est illégal en France, et je crois que personne ne l’acceptera en tant que tel. Mais un «marquage» des produits pourrait être envisageable, bien que la chose soit complexe car des produits commencent par être fabriqués dans des colonies, traités en Israël et revenir dans les territoires au stade de la finition.
Quoi qu’il en soit, le sujet n’a été évoqué dans aucun des discours prononcés devant nous – ni à la Knesset, ni au cours du dîner officiel, ni durant la Journée de l’innovation.
Sur la relation personnelle de François Hollande avec les Israéliens:
Le président s’est exprimé devant la Knesset de manière très claire: l’Iran ne doit pas avoir d’armes nucléaires, il faut cesser la colonisation dans les territoires, et Jérusalem doit être la capitale des deux Etats. Ce sont là des positions dénuées de toute ambiguïté. Les Israéliens apprécient François Hollande parce que sa fermeté face à l’Iran leur convient, et parce qu’ils sentent chez lui une amitié sincère envers eux.
L’amitié entre Etats est quelque chose sur quoi il ne faut pas trop compter. En revanche, l’amitié entre les personnes, cela a un sens. Je crois que François Hollande a une véritable affection pour Shimon Pérès: c’est un homme de 90 ans qui a connu tous les dirigeants politiques français depuis Charles de Gaulle et Guy Mollet, et il est évident que les deux hommes ont à peu près les mêmes idées. Avec Benyamin Netanyahou, c’est un peu différent: je pense que François Hollande apprécie certains traits de caractère chez Benyamin Netanyahou, mais je ne suis pas sûr qu’il apprécie tout de la même façon; le mot d’amitié est peut-être trop fort, en tout cas il y a de l’estime.
Sur les relations économiques entre la France et Israël:
La délégation économique française était la plus importante qui ait accompagné François Hollande depuis qu’il voyage à l’étranger en tant que président. C’est significatif. On voit les secteurs où la coopération existe et se développe.
Publicis est présent en Israël et dans les territoires palestiniens, depuis quelques années déjà. L’Oréal, lui aussi, est présent en Israël. Dans notre voyage, Patrick Kron représentait l’ensemble du groupe Alstom – ce qui signifie des constructions ferroviaires non négligeables, qu’il s’agira de gagner dans les appels d’offres. Le président de la SNCF, Guillaume Pepy, était également là. Et Yannick Bolloré, pour le groupe Havas. Bref, des représentants de tous les secteurs importants de l’économie française, sans oublier le Medef.
On sentait bien qu’il y avait là un véritable intérêt. Les entreprises françaises découvrent le marché israélien, peut-être et surtout dans le domaine des nouvelles technologies. «Israël, Etat start-up», c’est un slogan un peu simpliste mais pas tout à fait faux. On se trouve presque dans la Silicon Valley, et les Français en prennent conscience.