Le cauchemar de Bibi : une coalition gouvernementale ingérable qui s’écroule, ou pire qui survit ! Par J.J. Goldberg (Jewish Forward)

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A présent, après sept semaines d’âpres et désespérantes négociations pour créer sa coalition, Benyamin Netanyahou a du souci à se faire pour assurer l’avenir du fragile gouvernement extrémiste qu’il a composé : soit celui-ci volera en éclats quand quelques députés mécontents décideront d’en sortir, soit il survivra et conduira Israël dans une situation d’isolement international, de délégitimation et de conflit.

Avec une simple majorité à la Knesset, 61 sièges sur un total de 120, le nouveau gouvernement de Bibi est fragile, assez pour être renversé par un simple coup de vent. Même s’il s’agissait d’une alliance heureuse de partenaires agissant dans le même sens, il suffirait d’une défection ou même d’une mauvaise grippe pour qu’il soit mis en minorité et amené à se dissoudre. Et il est facile de constater que ce gouvernement n’est pas composé de «partenaires heureux d’être ensemble». Le parti Foyer Juif (nationaliste-religieux de Naftali Bennett) est fortement en désaccord avec les partis ultra-orthodoxes Shass (séfarades) et Unité Torah Judaïsme (ashkénazes) sur les questions de mariage juif, de conversion, de droit rabbinique et de service militaire. Le Shass et le parti de Moshé Kahlon (Koulénou de centre droit) s’opposent au Foyer Juif et à la majorité des membres du Likoud (parti de Netanyahou) sur le futur de la Cisjordanie ainsi que sur les relations avec les Palestiniens.

Kahlon a construit sa carrière en menant quelques réformes économiques qu’il a promis à ses électeurs de poursuivre plus largement. Netanyahu lui avait assuré par écrit qu’il pourrait réaliser ses promesses dans sa nouvelle coalition. Désormais, comme il l’a clairement affirmé récemment, ces réformes se présentent comme autant de sujets de discordes à venir dans une Knesset très divisée.

En outre, maintenant que le Foyer Juif a démontré avec quelle facilité Netanyahu peut être victime de chantage, rien ne limitera plus l’appétit de pouvoir des députés et ministres au détriment d’une bonne gouvernance. Le premier ministre va être soumit sans cesse aux petites demandes et aux grandes revendications de ses alliés. Et, avec un seul siège pour marge de manœuvre, il ne peut guère se permettre de contrarier quelqu’un…

Les concessions donnent aux ultranationalistes le contrôle sur des dossiers explosifs

D’un autre point de vue, si ce nouveau gouvernement parvenait à survivre et à fonctionner à peu près normalement, cela ne rendrait pas la vie de Netanyahou moins difficile. Les concessions qu’il a faites au parti Foyer Juif durant les derniers jours de négociations donnent aux ultranationalistes et aux « colons » qui composent cette formation le contrôle sur des dossiers explosifs dans les domaines de la politique israélienne et de la diplomatie. La vérité concernant Netanyahou, cela n’a pas été assez relevé, c’est que malgré ses déclarations publiques montrant sa méfiance vis-à-vis du monde extérieur, il a toujours veillé à ne pas dépasser certaines limites pour éviter de mettre Israël en situation de paria international. Le Foyer Juif, mené par Naftali Bennett et ses lieutenants, n’a pas de tels scrupules car il est animé par des pulsions messianiques.

Bennett lui-même a été nommé Ministre de l’éducation après avoir échoué à être Ministre de la défense ou Ministre des affaires étrangères. Mais son numéro deux, Uri Ariel, un vétéran « colon » de 62 ans, a reçu le Ministère de l’agriculture. Ce poste gouvernemental donne à Ariel une position clé pour soutenir l’expansion des colonies juives à l’intérieur des territoires palestiniens, bien au-delà des grands blocs d’implantations qu’Israël pourrait conserver (dans le cadre d’une négociation). Ariel avait également reçu la direction du Département des implantations de l’Organisation Sioniste Mondiale, une structure semi autonome controversée.

Ayelet Shaked : connue pour ses positions extrémistes et racistes.

Beaucoup plus polémique est la désignation comme Ministre de la Justice d’Ayelet Shaked, 39 ans, numéro trois du Foyer Juif. Elle est connue pour ses positions extrémistes nationalistes. Durant la guerre à Gaza, l’été dernier, ses commentaires ont retenu l’attention de l’opinion internationale, sur Facebook elle avait appelé à « la destruction du peuple palestinien, y compris les femmes et les vieillards ». Quelque temps après elle a annulé ce commentaire. En Israël, plus largement, on la connaît pour ses campagnes politiques contre l’opposition de gauche, contre les militants des droits de l’homme et des minorités et contre l’indépendance de la Cour Suprême, une institution fondamentale respectée. En tant que Ministre de la justice, elle sera décideur en chef sur toutes ces questions. Elle dirigera également le Comité qui désigne les juges de la Cour Suprême (1).

Peut-être encore plus important, Shaked dirigera le très confidentiel « Comité législatif » qui décide de la constitutionnalité des lois destinées à être débattues à la Knesset et de leur agenda. Le précédent Ministre de la justice, Tsipi Livni, avait usé de sa position pour bloquer les lois les plus extrémistes présentées alors par Shaked et ses alliés. Maintenant le renard va garder la basse-cour.

Soulignons que les accords conclus entre Netanyahou et Bennett n’ont pas été notifiés par écrit jusqu’à présent et qu’Uri Ariel essaye toujours d’obtenir le Ministère de la justice. Difficile de dire où tout cela va finir.

Le Foyer Juif a remporté un autre succès qui n’a pas retenu toute l’attention du public malgré son importance : il a été promis à Moti Yogev le poste de vice-ministre de la défense. Il deviendrait ainsi l’adjoint de l’inévitable Moshé Yaalon du Likoud, qui préserve son portefeuille de Ministre de la défense .Moti Yogev est un proche de Bennett et le numéro sept du parti Foyer Juif, il a 59 ans et a terminé sa carrière à l’armée en 2000 avec le grade de colonel. Yogev travaille pour le mouvement des implantations, il a dirigé le mouvement de jeunesse « Bné Akiva » (sioniste religieux) puis a dirigé l’Institut de développement du quartier juif de Jérusalem. Il est le maire d’un ensemble d’implantations en Cisjordanie, c’est là qu’il vit. En tant que vice-ministre de la défense, il sera responsable de l’administration civile en Cisjordanie qui détient le pouvoir de supervision du gouvernement militaire des territoires palestiniens. Encore une fois, le renard garde la basse-cour !

Chacune de ces décisions offre des possibilités quasi illimitées pour mettre Israël sur une trajectoire de collision avec Washington et l’Europe. Si le gouvernement Netanyahou se maintient dans sa forme actuelle les quatre prochaines années pourraient faire ressembler à une lune de miel les relations qu’Obama et Netanyahou ont entretenues jusqu’à présent.

Un espoir : une coalition avec les Travaillistes

Demeure un espoir pour tous les libéraux, il s’agit de la rumeur persistante selon laquelle Netanyahou planifierait de faire appel au Parti Travailliste d’Isaac Herzog et à son Bloc Sioniste (avec Tsipi Livni) pour monter une nouvelle coalition, cela le plus tardivement possible. Herzog deviendrait Ministre des affaires étrangères et un système de rotation se mettrait en place pour lui permettre d’être Premier Ministre pendant les 12/18 derniers mois de la législature.

La gauche du parti Travailliste a refusé énergiquement de rejoindre le nouveau gouvernement de Netanyahou, elle ne veut pas servir de caution à ses politiques droitières. Elle préfère rester dans son rôle de vraie opposition afin d’offrir aux électeurs une réelle alternative quand viendra le temps des prochaines élections. Certains alliés d’Herzog rétorquent qu’être à l’intérieur de la coalition permettra d’atténuer les pires plans de la droite et sera plus bénéfique que de rester assis sur le banc de touche en gesticulant. Quant à l’affirmation de la gauche, selon laquelle un travail d’opposition combatif pourrait convaincre davantage l’électorat israélien, les alliés d’Herzog se demandent si «ce ne pas un rêve en couleurs ».

(1).Note du traducteur. Il semblerait que Netanyahou ait décidé la promotion de Shaked à condition qu’elle ne dirige pas la commission qui supervise la nomination de nouveaux juges, et qu’elle soit privée du pouvoir de nommer les juges rabbiniques. Traditionnellement ces deux fonctions sont exercées par le Ministre de la justice.

 

Cliquer ici pour lire l’éditorial en anglais rédigé par J.J. Golberg pour le Jewish Forward

Jonathan Jeremy GOLBERG est l’éditorialiste vedette du Jewish Forward, il fut son rédacteur en chef pendant sept années (2000/2007). Le « Jewish Forward » est aujourd’hui un journal de référence pour les Communautés juives de la côte est des Etats-Unis. Favorable au Parti Démocrate, il traite de questions politiques (nationales et internationales), culturelles, religieuses et sociales. Il a pris la relève de l’ancien quotidien yiddish « Forverts » de tendance socialiste. Le « Jewish Forward » est publié à New York en anglais, il existe également une édition spéciale en yiddish.

Traduction : Paul Ouzi MEYERSON

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