Image extraite du journal du soir du vendredi 24 octobre 2025 de la chaîne 12
Le 4 novembre 1995, à l’issue d’une manifestation rassemblant place des Rois d’Israël une centaine de milliers d’Israéliens venus soutenir les accords d’Oslo, le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin était assassiné par Yigal Amir, un juif religieux opposé au processus de paix engagé avec le dirigeant palestinien Yasser Arafat. C’était il y a trente ans. Les mots prononcés ce soir-là par Yitzhak Rabin, avec sa voix rauque, résonnent encore sur cette place qui porte depuis son nom : … Pendant 27 ans, j’ai été soldat. Tant qu’il n’y avait aucune chance pour la paix, j’ai combattu. Je crois qu’aujourd’hui il existe une chance pour la paix, une grande chance…. La voie de la paix est préférable à celle de la guerre. Je vous dis cela en tant qu’ancien soldat, en tant que ministre de la défense qui connaît la douleur des familles des soldats…
30 ans déjà ! Combien de dizaines de milliers de familles, israéliennes comme palestiniennes, ont depuis enterré leurs proches, civils ou soldats, tués dans cette guerre qui n’a connu que des cessez-le-feu entre deux nouvelles explosions ou deux attentats, et à laquelle ces deux populations sont incapables, seules, de mettre fin.
30 ans après, ceux, qui en Israël avaient poussé l’assassin à commettre son crime, par leurs déclarations et leurs manifestations, sont au pouvoir aujourd’hui à Jérusalem. Ils dirigent un gouvernement engagé dans une vision messianique pour le pays, et projettent toujours d’annexer le moment venu la Cisjordanie et de maintenir leur contrôle sur la population palestinienne.
Et ceux, qui en Palestine, en fomentant des attentats en Israël dès la signature des accords d’Oslo, avaient alors réussi à faire échouer un fragile processus de paix, sont responsables de la plus grande catastrophe qu’ait connue le peuple palestinien depuis la Nakba. Malgré tout ce qu’ils ont subi en deux ans de guerre, ils refusent toujours de renoncer à la lutte armée pour atteindre leur objectif.
Il aura fallu toute la pression du président Trump et de son administration pour contraindre les deux belligérants à accepter un accord de cessez-le-feu après deux ans d’une guerre dévastatrice pour les deux populations. Un accord dont les termes étaient connus et préparés déjà sous l’administration Biden mais qui avait été refusé par le gouvernement israélien et accepté dès septembre 2024, selon certaines sources, par le Hamas.
La première étape de cet accord est en cours de réalisation. La libération des otages vivants nous tous a bouleversés et nous avons partagé la joie de tout le pays de voir leur retour, résultat de deux ans de manifestations. En effet, parmi toutes les raisons qui ont poussé Donald Trump à imposer son plan de paix, analysées dans notre précédente newsletter, la mobilisation continue de la majorité de la société israélienne au côté des familles, pour maintenir la pression sur le gouvernement Netanyahou, qui avait abandonné les otages à leur sort, a été déterminante.
Les récits, que ceux-ci commencent à raconter, témoignent d’abord de leur courage et de leur capacité de résilience. Mais ils montrent aussi l’irresponsabilité des ministres Ben Gvir et Smotrich qui, par leurs déclarations et décisions vengeresses à l’égard des Palestiniens emprisonnés, ont aggravé les souffrances des otages torturés en réaction à leurs propos.
Il reste à ce jour les corps de 13 otages à rapatrier. Tant qu’ils ne seront pas rendus à leurs familles, la société israélienne ne pourra pas entamer son processus de réhabilitation. Les Américains ont compris l’importance de mener cette étape à son terme. Mais ils ont aussi compris qu’ils ne pouvaient pas laisser le gouvernement israélien gérer seul les étapes suivantes de leur plan de paix qui vont être longues et difficiles. L’attaque israélienne au Qatar leur a prouvé qu’ils ne pouvaient pas faire confiance à Netanyahou.
Ils ont installé, dans la ville de Kiryat Gat dans le sud d’Israël, un centre de commandement qui est sous la responsabilité du Centcom (United States Central Command). Près de 200 officiers et soldats américains s’y trouvent déjà pour contrôler le cessez-le-feu à Gaza. D’autres militaires se sont joints à cette force internationale, représentant plusieurs pays, dont certains ayant reconnu récemment l’État de Palestine – les Émirats arabes unis, la Jordanie, la France, le Royaume uni, l’Allemagne, l’Espagne, le Canada, l’Australie, le Danemark et la Grèce -. Le Qatar et la Turquie souhaitent aussi y participer mais Israël s’oppose à leur présence. Cette internationalisation du conflit va à l’encontre de toutes les déclarations de la droite israélienne depuis toujours et montre bien la dépendance totale d’Israël envers les États-Unis.
Depuis le discours de Trump à la Knesset, les principaux responsables de son administration se sont succédé à Jérusalem. Ses deux envoyés personnels, Steve Witkoff et Jared Kushner, ont participé à la réunion du cabinet de sécurité israélien et ont rencontré les principaux généraux de Tsahal en charge de la situation militaire à Gaza.
Le vice-président américain JD Vance, suivi par le Secrétaire d’Etat Marco Rubio, se sont également rendus en Israël pour faire ce que les humoristes appellent du « Bibi-sitting », afin de s’assurer que Netanyahou ne relance pas l’offensive à Gaza, même après la mort de deux soldats tués par le Hamas depuis le cessez-le-feu.
Le vote symbolique à la Knesset de deux projets de loi en lecture préliminaire visant à étendre la souveraineté israélienne sur la Cisjordanie, pendant la visite même du VP américain, a enragé les Américains. J.D. Vance a critiqué ce vote et a déclaré qu’il s’était senti « personnellement quelque peu insulté. La politique de l’administration Trump est que la Cisjordanie ne sera pas annexée par Israël ». Quant au président, il a déclaré en réponse à la question d’une journaliste qui lui demandait s’il considérait ce vote comme un acte de défiance envers ses tentatives de parvenir à la paix dans la région. « Israël ne va rien faire avec la Cisjordanie« ,: « Ne vous inquiétez pas à propos de la Cisjordanie« …. »Cela n’arrivera pas. Cela n’arrivera pas parce que j’ai donné ma parole aux pays arabes« . Un peu plus tôt, il avait affirmé qu’en cas d’annexion, « Israël perdrait le soutien des Etats-Unis« .
Qui aurait pu imaginer il y a quelques mois, que Donald Trump se ferait le porte-parole de la gauche israélienne opposée à l’annexion ? Faut-il encore qu’il aille au-delà de déclarations formelles contre celle-ci alors que sur le terrain elle progresse de façon rampante et continue de facto sans avoir besoin d’un vote de la Knesset.
Seuls les États-Unis sont en mesure aujourd’hui de contrôler ce gouvernement israélien, au point que beaucoup de commentateurs en Israël en arrivent à considérer que leur pays est en passe de devenir le 51ème État américain ! Etrange paradoxe que ce soit la droite nationaliste qui soit responsable, en raison de ses décisions politiques, de la perte par Israël d’une part de son autonomie !
David Chemla




