« Israël sous Netanyahu, l’enfant difficile de l’Amérique »

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En ce mois de mai où les parents sont célébrés dans le calendrier, avec la fête des mères et la fête des pères, on ne peut s’empêcher de se demander si la relation entre les États-Unis et Israël sous Netanyahu ne peut pas être regardée comme une relation parent-enfant très spécifique et quelque peu dysfonctionnelle.
Les Israéliens n’apprécieraient probablement pas cette analogie, mais elle convient néanmoins à bien des égards.

Pourri gâté, et injuste
Un enfant gâté comprend rarement combien il est chanceux et fait preuve d’ingratitude envers ses parents. L’enfant gâté croit que se comporter comme un enfant pourri est le meilleur moyen d’attirer l’attention et le soutien de ses parents. Lorsque l’enfant manque d’amis, les parents essaient de le sortir de son isolement en poussant l’enfant à changer son comportement ou en organisant des gouters chez eux, pour se voir retorquer parfois par l’enfant qu’il est tres bien tout seul et qu’il ne changera pas.
Les enfants gâtés ne sont même pas conscients de leur dépendance jusqu’à ce qu’une véritable crise éclate, et ils comprennent qu’ils n’ont pas d’autre choix que de compter sur leurs parents.

Israël sous Netanyahu se comporte exactement avec l’administration Biden comme un enfant gâté. Cet enfant gâté n’en fait qu’à sa tête, quitte à aggraver son isolement régional.
Il a une famille alternative imaginaire, et il les affiche effectivement sur des panneaux dans sa chambre, mais à son grand désarroi, ces « amis » d’une « autre ligue«  ne se soucient en réalité pas de lui, ils sont soit indifférents soit hostiles quand il faut intervenir, tandis que ses « méchants » parents sont là, toujours, en temps de crise.

Rebelle, mais pas trop
Les gestes de rébellion (« Je n’ai pas besoin de toi », « Je suis ma propre personne ») sont une caractéristique habituelle de la relation parent-enfant. C’est un rite de passage d’autant plus agréable qu’il est accompli tout en bénéficiant d’un soutien matériel et émotionnel complet.

Cela a été exprimé par Menahem Begin « Nous ne sommes pas une république bananière » en 1982 (la même phrase répétée par Netanyahu quatre décennies plus tard), et personne ne joue en réalité la rébellion vide comme Netanyahu lui-même, jusqu’à très récemment, pendant le Yom Hashoah en Israël « Si nous devons rester seuls, nous resterons seuls« .
Lorsqu’il ne le fait pas lui-même, Netanyahu envoie ses sbires le faire pour revendiquer la défiance et l’indépendance absolue d’Israël. Plus les mots sont forts, plus ces sbires ont l’air faibles, mais tant que cela plaît à leur patron, ils sont heureux de le faire.

Pour être juste, Israël est un pays indépendant et l’a toujours été, mais revendiquer son indépendance tout en appelant en même temps à l’aide de l’administration américaine pour de l’argent, des armes, une protection contre la Cour Internationale de Justice ou l’utilisation du veto à l’ONU, n’est pas totalement cohérent. Être indépendant, et répéter la revendication que vous l’êtes, sont deux choses différentes, et cela est vrai pour Israël vis-à-vis des États-Unis comme pour un adolescent en rébellion contre ses parents depuis le confort de sa chambre et se plaignant du montant de son argent de poche.

Mettre en colère ses parents, mais sans prendre de risques
Aussi en colère que puissent être les parents contre leurs enfants, ils savent qu’ils interviendront en cas de problème, et l’enfant sait qu’il peut les mettre en colère autant qu’il le veut à cause de cela. Chaque fois que cet enfant a besoin de ses parents, l’enfant en appelle effectivement à eux, et l’appel sera entendu.
Les parents se présenteront à un poste de police lorsque leurs enfants seront ivres ou auront commis une bêtise, et les États-Unis feront de même lorsqu’une action diplomatique d’Israël aura été entreprise sous l’influence de l’alcool, de la drogue ou, pire encore, d’un enfant a problèmes vivant à Miami. Dans les deux cas, une certaine déception sera exprimée, peut-être des mots durs, mais l’enfant sera sauvé par ses parents aimants.

Joe Biden apparaît de plus en plus comme un chef de famille frustré devant l’irresponsabilité de son enfant, son manque de gratitude, mais présent quand nécessaire, attaché inconditionnellement à son enfant contre vents et marées, plus à l’image qu’il a de cet enfant qu’à ce qu’il est devenu, malgré la pression qu’il subit pour le lâcher.

Ne pas respecter les lignes rouges
Tous les parents fixent des limites à leurs enfants et les mettent en garde contre les conséquences s’ils les franchissent. Les enfants jouent avec ces règles, et vérifient constamment où sont les limites.
On peut dire la même chose de la relation entre les États-Unis et Israël sous Netanyahu, qui remet constamment en question les lignes rouges établies par l’administration Biden, que ce soit en matière d’aide humanitaire ou de Rafah.

Tous les gouvernements israéliens l’ont fait, mais une fois de plus Netanyahu pousse la défiance à un autre niveau, celui d « une autre ligue », avec tous les présidents avec lesquels il a dû traiter, de Clinton à Biden, d’Obama à Trump. Au grand désarroi d’Israël, lorsque les États-Unis en ont assez, une certaine colère éclate et Israël se plaint alors de l’injustice de cette colère, qu’ils estiment alimentée par le cynisme électoral ou même l’antisémitisme. Il peut s’en tirer car il sait qu’il sera finalement pardonné, car il reste l’enfant spécial, toujours pardonné et toujours soutenu, d’autant plus que ses parents sont séparés, et même en froid, et cela l’aide beaucoup.

Jouer un parent contre l’autre
Dans certains cas, les enfants peuvent tirer profit d’avoir des parents en froid l’un avec l’autre, en utilisant la culpabilité ou la compétition entre eux pour faire avancer leur avantage. C’est d’autant plus vrai lorsque l’un des parents est le principal tuteur, assurant efficacement la protection et le bien-être de l’enfant, parfois à contrecœur mais avec force, tandis que l’autre parent, moins présent, moins engagé et moins constant dans le temps, pousse constamment l’enfant à remettre en question l’autorité du tuteur légal. En retour, l’enfant connaît suffisamment ses parents pour bénéficier de cela, saboter ses parents et espérer que l’autre parent devienne son nouveau tuteur légal.
Netanyahu n’a jamais caché sa préférence partisane pour les Républicains, même si cela signifie la fin du soutien bipartisan à Israël, et c’est ce qui se passe devant nos yeux. L’engagement indéfectible de Biden se fait malgré les sentiments de la base démocrate pour Israël, et non à cause d’eux. Rien n’est plus précieux pour un enfant que d’avoir le soutien de ses deux parents, mais cela ne dérange pas du tout Netanyahu, qui s’en moque. Comme Netanyahu, un enfant gâté croit qu’il sera finalement gâté pour toujours, et il y croit d’autant plus qu’il est aussi l’enfant préféré, et il en profite pleinement.

Jouer sur le fait d’être le frère ou la sœur préférée
L’enfant préféré reçoit l’attention des deux parents, qui parfois rivalisent pour voir qui peut en faire le plus pour lui. Pendant ce temps, l’autre enfant (appelons-la Ukraine), qui s’est toujours bien comportée et qui est attaquée par la plus grande brute de la classe (appelons-la Russie), doit chercher l’attention et le soutien de ses parents, qui préfèrent ostensiblement l’autre enfant. Alors que l’enfant prodigue est invité à faire ses devoirs, comme un plan pour Gaza après la guerre et à limiter les dégâts qu’il a pu causer, en restreignant l’aide humanitaire ou en tuant de nombreux civils, il n’écoute guère et ne fait que reporter le minimum qui lui est demandé. D’un autre côté, l’autre enfant a des limites strictes quant à l’aide qu’elle reçoit et à la manière dont elle peut utiliser cette aide, ce qui la désillusionne et la frustre.

Israël sous Netanyahu serait avisé de ne pas vraiment se vanter de son statut d’enfant favori, mais de regarder de près ce qui est arrivé à l’Ukraine. Le Parti Républicain de Trump n’a ni colonne vertébrale ni principes. L’aide à l’Ukraine a été bloquée depuis des mois au Congrès à cause de Trump, et ceci devrait être un avertissement à Netanyahu que le nouveau Parti Républicain peut abandonner des alliances en une minute si leur leader a passé une mauvaise nuit ou reçu un tweet désagréable, et un rappel qu’un statut d’enfant chéri aujourd’hui ne garantit rien pour l’avenir.

Les relations diplomatiques ne sont pas des querelles familiales
Ce qu’un enfant gâté ne sait pas ou ne veut pas voir, c’est que les parents peuvent, certes rarement, à un moment donné se fatiguer et se tourner vers d’autres priorités, et qu’ils peuvent reconstruire leur vie avec des personnes qui sont beaucoup moins concernées ou bien intentionnées envers lui, le mettant ainsi en danger.
Dans le cas d’Israël, cela est en réalité vrai pour les deux parents, a savoir les deux partis politiques américains, prouvant ici les limites de l’analogie parentale. Les partis politiques, les pays changent d’alliances, les parents restent des parents, sauf dans très peu de situations.

Les relations diplomatiques ne sont pas inconditionnelles, mais basées sur des intérêts.
Les relations entre les États-Unis et Israël pourraient bien à un moment donné, et plus tôt que prévu, passer d’une relation familiale, bien que tendue, à une relation commerciale, oscillant entre amicale et froide, basée uniquement sur l’intérêt, qui peut varier. Israël pourrait bientôt regretter sa relation actuelle avec les États-Unis lorsqu’elle ne sera plus efficace. Mais il sera alors trop tard pour se rendre compte de la chance qu’il avait avant…

 

Sébastien Lévi

 

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