Une fois de plus un attentat a frappé Israël. A l’entrée du shabbat un Palestinien de Jérusalem Est a tiré sur des fidèles à la sortie d’une synagogue à Neve Yaakov, un quartier juif construit à Jérusalem Est dans les années 1970, laissant derrière lui sept victimes et plusieurs blessés, avant d’être abattu par la police. Cet attentat, salué par le Hamas, est présenté comme une réponse à l’action de l’armée israélienne la veille dans la ville de Jénine en Cisjordanie contre une cellule du Jihad islamique qui a coûté la vie à neuf Palestiniens. Comme toujours c’est le même scénario. D’un côté le manque d’espoir de voir un quelconque changement dans leur situation pousse les jeunes Palestiniens à s’engager dans les mouvements extrémistes qui multiplient les agressions contre les Israéliens ; de l’autre le nouveau gouvernement israélien poursuit et accentue les actions de l’armée, entamées sous le gouvernement précédent, à l’encontre de ces groupes en pensant pouvoir les éradiquer. Déjà plus d’une trentaine de morts Palestiniens depuis le début de l’année auxquels viennent de se rajouter dans ce décompte macabre sept Israéliens. En aucun cas l’impasse politique dans lequel on se trouve depuis bientôt une quinzaine d’années – les dernières négociations sérieuses entre Israéliens et Palestiniens remontent à celles ayant eu lieu en 2008 entre Mahmoud Abbas et Ehoud Olmert – ne justifie le recours de la part des Palestiniens à la terreur. L’histoire des trente dernières années a montré que celle-ci a toujours conduit au renforcement des extrémistes dans les deux sociétés. Mais n’est ce pas au côté le plus fort d’offrir une perspective politique au plus faible pour casser ce cycle de violences ? Comment ne pas constater que parmi les Palestiniens tués à Jenine figure nombre d’enfants d’officiers du Fatah qui avaient fait le pari des accords d’Oslo ?
Et ce n’est pas avec le nouveau gouvernement en place à Jérusalem, avec en son sein des dirigeants d’extrême droite aux postes les plus sensibles comme celui de ministre de la sécurité nationale pour Itamar Ben Gvir et de responsable de l’autorité civile dans les territoires occupées pour Bezalel Smotritch, que l’on peut s’attendre à un quelconque changement. Au contraire il y a tout lieu de craindre de nous trouver au début d’un nouveau processus de violences qui risque de conduire à une troisième Intifada. Dans son rapport annuel remis ces jours-ci au président Herzog l’Institut d’études sécuritaires nationales (INSS), l’important think-tank israélien, écrit que ce risque est un des deux défis qu’Israël devra affronter en 2023, l’autre étant la menace iranienne.
Depuis les élections israéliennes, ce risque est sérieusement pris en compte par l’administration démocrate à Washington. C’est sans doute l’un des objectifs de la visite dans la région d’Antony Blinken, le secrétaire d’Etat américain, qui doit arriver la semaine prochaine, que de mesurer les intentions de Benjamin Netanyahou et de son gouvernement. Et ce nouvel attentat ne va certainement pas faciliter ces discussions. Outre la situation dans les territoires et les projets israéliens d’extension ou de légalisation de colonies, beaucoup d’autres dossiers, particulièrement sensibles dans le contexte international actuel, seront certainement abordés lors de cette visite préparée par celle du conseiller américain à la Sécurité nationale Jake Sullivan à Jérusalem il y a quelques jours : la menace iranienne avec l’impasse dans les négociations, le devenir et les perspectives d’élargissement des accords d’Abraham, les conséquences régionales de la guerre en Ukraine avec la demande américaine d’une plus grande implication israélienne dans l’aide à apporter à l’Ukraine … Sans parler des craintes américaines devant les projets de modifications législatives que ce gouvernement prévoit de mettre en place et qui risque de faire basculer Israël dans le camp des démocraties illibérales aux côtés de pays comme la Hongrie et la Pologne alors que pour l’administration Biden la défense de la démocratie est une priorité majeure.
Cette question est aussi très sensible pour les Juifs américains très inquiets par la place des extrémistes et des partis orthodoxes au sein de ce nouveau gouvernement Netanyahou. Les projets de ces derniers de modification des conditions d’obtention de la loi du retour, en niant toute validité aux conversions effectuées par les mouvements réformés et libéraux, qui sont majoritaires aux États-Unis, risque de provoquer une cassure entre la diaspora et Israël, et cela au moment où les Juifs américains sont confrontés à une augmentation significative des attaques antisémites – selon l’ADL (Anti Defamation League) celles-ci sont passées de 1000 par an en 2016 au double aujourd’hui.
Beaucoup de craintes et de questions se posent dans les relations entre ce nouveau gouvernement israélien et d’une part l’administration en place à Washington et d’autre part les Juifs américains.
Nous allons les aborder lors de la réunion que nous organisons conjointement avec La Paix Maintenant le mercredi 8 février.
La société civile israélienne a commencé à se mobiliser face aux projets de ce gouvernement. Les pétitions se succèdent : directeurs d’école, juristes et avocats, anciens présidents de la Cour suprême, anciens généraux et membres de l’appareil sécuritaire du pays, artistes, hommes d’affaires et économistes … Depuis quatre semaines, chaque samedi soir plusieurs dizaines de milliers de manifestants se retrouvent dans les grandes villes du pays pour exprimer leur refus de voir le pays changer de régime. En diaspora aussi les expressions de soutien à ce mouvement de contestation se multiplient. Nous avons lancé un nouvel appel de JCall que vous pouvez encore signer sur notre site. D’autres projets sont en cours d’élaboration et vous en serez prochainement informés.