De la paix à l’Elysée à la guerre en Iran

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Article rédigé avant le bombardement réalisé par l’aviation américaine sur les sites nucléaires iraniens et avant donc le cessez-le-feu.

 

J’écrivais dans notre précédente newsletter que la semaine du 9 juin pouvait marquer un tournant dans l’actualité du Moyen Orient. Je faisais allusion au vote à la Knesset de la loi dispensant les orthodoxes de faire leur service militaire et à la réunion organisée par l’Elysée le 13 juin à Paris, rassemblant plusieurs centaines de représentants des sociétés civiles israéliennes et palestiniennes, pour préparer la conférence pour la paix prévue à New York le 17 juin à l’instigation de la France et de l’Arabie saoudite.

Et comme souvent au Moyen Orient, c’est un autre évènement qui est venu bouleverser la région. Revenons sur le déroulé des évènements.

A la Knesset, comme attendu, la coalition a voté contre la dissolution de la Knesset demandée par l’opposition, garantissant ainsi au gouvernement la certitude de bénéficier de 6 mois de répit parce qu’aucune autre demande de dissolution ne pourra être soumise au vote pendant cette période. Quant aux orthodoxes, ils vont pouvoir continuer à ne pas répondre aux convocations de l’armée en presque toute impunité, en attendant un éventuel accord avec la coalition au pouvoir pour leur garantir leur dispense.

A Paris, le vendredi 13 juin, les centaines de représentants des ONG israéliennes et palestiniennes, arrivés la veille, ont découvert à leur réveil que l’aviation israélienne avait commencé à bombarder des sites en Iran, entraînant la fermeture des communications aériennes et rendant ainsi leur retour, prévu le lendemain, très incertain. C’est dans cette ambiance que s’est tenue, malgré tout, cette réunion au CESE, le Conseil Économique Social et Environnemental. Pendant toute une journée, nous avons pu participer à des rencontres, qui étaient souvent des retrouvailles, parfois émouvantes, entre ces militants engagés pour mettre fin à ce conflit et imaginer un autre avenir pour eux et leurs enfants. Ces travaux ont abouti à la rédaction d’un appel pour la solution à deux États  qui a été transmis à Jean-Noël Barrot, le Ministre des Affaires étrangères, venu conclure cette réunion à la place du président Macron retenu par la conférence de presse organisée précipitamment à cause de l’actualité.

Puis des cars nous ont conduits à l’Élysée pour assister à cette conférence de presse, à l’issue de laquelle le président est venu nous rejoindre sur la pelouse du jardin.  Entouré par tous ces militants, qui faisaient des selfies avec lui, le  président nous a très chaleureusement remerciés  pour l’action que nous menions pour la paix et redit son engagement à ce que la France reconnaisse l’État de Palestine dans le cadre d’un accord régional pour mettre fin la guerre à Gaza, libérer les otages et  mettre en place une gestion et une reconstruction de Gaza sans le Hamas. Le lendemain, le programme de la réunion a été bouleversé. Les Palestiniens sont rentrés précipitamment chez eux en passant par Aman, comme à l’aller, laissant seuls les Israéliens, juifs et arabes, participer aux ateliers prévus, pour préparer un plan d’action destiné à la société civile. Quelques Israéliens ont accompagné les Palestiniens et ont réussi à regagner Israël en passant la frontière à Aqaba. Ils ont ainsi été témoins de l’intervention de l’aviation jordanienne pour arrêter les missiles et les drones iraniens avant qu’ils ne puissent atteindre le sol israélien, comme elle l’avait déjà faite lors des attaques précédentes. Nouvelle preuve, si nécessaire, de la clairvoyance qu’avaient eu le roi Hussein et Yitzhak Rabin en signant un accord de paix entre leurs pays, ouvrant la voie, après l’Égypte, à la possibilité de construire un autre Moyen Orient. Puis a commencé pour les autres participants israéliens une épopée pour rentrer chez eux, certains par Larnaca, d’autres par Sharm el Sheikh, rejoignant la centaine de milliers de leurs concitoyens bloqués à l’étranger.

 

 

Venons en à cette nouvelle guerre avec l’Iran, tant redoutée depuis des années. On peut, certes, s’interroger sur le fait de savoir si l’Iran était bien sur le point de fabriquer l’arme nucléaire. Mais il est certain que son refus de collaborer avec l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique, pour contrôler ses installations et l’accélération de l’enrichissement de ses réserves d’uranium, relevée récemment par les experts onusiens, étaient des raisons suffisantes pour inquiéter Israël qui, depuis des années, suit l’avancée du programme nucléaire iranien. Il est certain que l’élimination ou l’affaiblissement des alliés du régime islamiste – Hezbollah, Hamas, Houthis, Syrie – et la réduction significative de sa défense antiaérienne, suite aux attaques des derniers mois, ouvraient une fenêtre d’opportunité à Tsahal pour détruire les bases de lancement des missiles et les installations nucléaires iraniennes.

Les premiers succès obtenus rapidement et l’élimination d’un certain nombre de chefs militaires et d’experts nucléaires montrent le degré de préparation des Israéliens et leur pénétration des services de sécurité iraniens. Malgré 25 morts et des centaines de blessés – au moment où je rédige cet éditorial – et des destructions massives en Israël par les missiles balistiques qui n’ont pas pu être interceptés, la population israélienne et l’opposition soutiennent son gouvernement dans cette guerre qui, l’espère-t-elle, va écarter la menace iranienne ou la repousser pour des années. Malgré ces victoires, qui font l’admiration des experts militaires et du renseignement à l’étranger, il ne faut pas oublier comme l’écrit dans Haaretz le 18 juin Yaïr Golan, le chef du parti des démocrates, général de réserve et ancien vice chef d’Etat-major, que le but de cette guerre pour Israël n’est pas « d’éliminer le régime des ayatollahs ni de le forcer à capituler », mais de l’affaiblir suffisamment pour qu’il signe « un nouvel accord nucléaire, meilleur que le JCPOA ( Joint Comprehensive Plan of Action – accord de Vienne sur le nucléaire iranien du 14 juillet 2015), mais basé sur celui-ci, et qui assurera une supervision plus rigoureuse et à long terme des capacités nucléaires de l’Iran ».

Mais comme à Gaza, le gouvernement de Netanyahou n’a aucune stratégie de sortie de cette nouvelle guerre. Il espère entraîner après lui les États-Unis seuls peut-être capables de détruire les installations nucléaires profondément enfouies sous la montagne de Fordo. Alors que le président Trump semble hésiter sur la voie à suivre, rappelons l’enseignement à retenir de toutes les guerres récentes, de l’Afghanistan à l’Irak ou à Lybie : on ne change pas un régime par une intervention  de l’extérieur. Celui-ci ne tombe que lorsque les forces de l’opposition sont en mesure de prendre le pouvoir.

Si cette guerre a permis de resouder la population israélienne derrière son gouvernement, elle n’efface pas pour autant les responsabilités de celui-ci dans l’échec du 7 octobre, ni dans la conduite d’une guerre à Gaza qui aurait dû s’achever depuis longtemps et dans son abandon des otages, ni dans les divisions qu’il entretient dans la société israélienne en voulant imposer une réforme juridique qui conduit à un changement de régime, ni dans la détérioration de la position sur la scène internationale… Israël ne doit pas tomber dans les travers dans lesquels il est souvent tombé dans le passé, en pensant que ses succès militaires, aussi remarquables qu’ils puissent être, lui permettent d’imposer la volonté de certains de ses dirigeants à ses voisins. Comme l’écrit encore Yaïr Golan « toute victoire qui ne se traduit pas par un accord est vouée à dégénérer en une nouvelle guerre ». Israël doit s’appuyer sur ses  succès pour construire des accords régionaux qui donneront une stabilité et une sécurité à tous les pays de la région. Et ceux-ci passeront nécessairement par la résolution du conflit palestinien.

David Chemla

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