Une centaine de personnes ont participé à la soirée de rencontre avec Nitzan Horowitz (1), député à la Knesset du parti israélien de gauche « Meretz ». Organisée par JCall, elle a eu lieu le mardi 6 mai au Cercle Bernard Lazare (Paris). Nitzan Horowitz a fait le point sur les négociations israélo-palestiniennes, menées par John Kerry, le Secrétaire d’Etat américain. A l’issue des neufs mois prévus pour les pourparlers, ceux –ci sont actuellement dans l’impasse. Sur la photo : Nitzan Horowitz à droite, David Chemla, secrétaire général de JCall Europe, à gauche.
Nitzan Horowitz regrette l’échec de John Kerry, mais il estime que « ce n’est pas la fin de l’histoire, il faut reprendre l’initiative de la paix et négocier avec Mahmoud Abbas qui représente légitimement l’Autorité palestinienne. Sa conviction est qu’un accord historique avec les palestiniens n’est pas si éloigné et que s’il advient ce sera d’abord une bonne nouvelle pour le caractère juif, sioniste et démocratique de l’Etat d’Israël ».
Introduction au débat par Nitzan Horowitz
Nitzan Horowitz commence son intervention en rappelant les trois grandes priorités politiques de son parti, le Meretz : « la paix entre Israël et les Palestiniens, la laïcité (ou, plus exactement, la lutte contre la coercition religieuse et l’extension du domaine civil), l’égalité sociale. Indubitablement, précise-t-il c’est le combat pour la paix qui est le plus urgent car beaucoup de problématiques politiques et sécuritaires, culturelles et sociales, en Israël dépendent de la résolution du conflit. A ce propos, il est navré que l’initiative de négociation lancée par le Secrétaire d’Etat américain, John Kerry soit bloquée. En fait, selon lui, il ne s’agit pas seulement de paix, mais bien plutôt de la nécessité de parvenir à une réconciliation historique entre les deux mouvements nationaux, celui du peuple juif et du peuple palestinien. Le conflit entre les Israéliens et les Palestiniens et essentiellement un conflit politique, et cela depuis près de 100 ans. Mais, il faut que tous comprennent que les deux peuples sont là pour rester entre la Méditerranée et le Jourdain. Nous ne sommes pas naïfs, souligne Nitzan Horowitz, nous avons pleinement conscience des énormes difficultés que soulève, dans les deux camps, la recherche d’un compromis historique. Mais, en tant que citoyen d’Israël, je dois me battre pour cela. C’est difficile, reconnaît le député du Meretz, mais il a le sentiment que les protagonistes du conflit ne sont pas si éloignés d’une réconciliation historique, jamais il n’y eu autant de contacts politiques et civils entre Israéliens et Palestiniens de Cisjordanie et cela dans de nombreux domaines : sécurité, économie, agriculture, santé, culture… Cependant, il n’en demeure pas moins que la situation est actuellement inacceptable car tant qu’il n’y aura pas de paix, tant que l’occupation des territoires palestiniens se prolongera, il y aura de la violence et de la suspicion. Hélas, constate Nitzan Horowitz, cette situation profite aux extrémistes des deux camps ».
« Il faut arrêter de faire les comptes, estime Nitzan Horowitz, cesser de toujours vouloir désigner qui a commencé et qui a tort, l’important c’est d’aller de l’avant… Le député du Meretz souligne qu’en tant que Président de la Commission de coopération régionale à la Knesset il a pu évaluer l’énorme potentiel de développement qui pourrait s’exprimer si une entente définitive s’établissait entre Israël et ses voisins palestiniens et arabes. Régler la question Israël-Palestine donnerait un élan extraordinaire à cette région. Evidement, il y a les dangers du terrorisme, il ne faut pas se le cacher, le Moyen-Orient ce n’est pas la Suisse où l’Europe, raison de plus pour multiplier les initiatives en faveur des négociations, d’autant qu’Israël est actuellement un pays fort et avec une situation sécuritaire qui lui est davantage favorable que par le passé. D’ailleurs, rappelle Nitzan Horowitz citant les sondages, en Israël comme en Palestine, la majorité des deux populations est pour la paix. A la Knesset, il y a aussi une majorité de députés (75 sur 120 membres) qui suivrait aujourd’hui Netanyahou s’il se présentait avec un traité de paix. Donc, il ne faut pas sombrer dans le scepticisme ! Regardons le chemin parcouru ces dernières années grâce aux accords signés avec l’Egypte ou la Jordanie. Malgré les crises politiques majeures que ces pays ont connues, la reconnaissance, la non-belligérance et même la coopération se sont maintenues. De même pour les accords d’Oslo, malgré le terrorisme, l’occupation des territoires, nous sommes en discussion perpétuelle avec l’Autorité Palestinienne ».
« Sincèrement, conclut Nitzan Horowitz, je suis désolé de l’échec de John Kerry, mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Il faut reprendre l’initiative des négociations avec les Palestiniens, c’est l’intérêt d’Israël et de notre peuple. C’est ma conviction, un accord historique avec les Palestiniens serait d’abord une bonne nouvelle pour les caractères juif, sioniste et démocratique de notre Etat ».
Questions du public JCall et CBL au député de Meretz
A la question « que pensez-vous de Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité Palestinienne que vous rencontrez souvent ? », Nitzan Horowitz répond :
« C’est exact que je le rencontre souvent, soit en tant que membre de la Knesset ou en tant que militant du Meretz. Mahmoud Abbas demeure notre partenaire pour la négociation, il est contre la violence, je le crois sincère et d’ailleurs c’est la réalité sur le terrain. La collaboration sécuritaire entre Israël et l’Autorité Palestinienne a largement contribué à la baisse du terrorisme, c’est le point de vue officiel des services de renseignements et de l’armée en Israël. Mahmoud Abbas me l’a encore déclaré récemment : il faut continuer à négocier c’est notre seul espoir, sinon l’Autorité Palestinienne risque de s’écrouler et nous risquons de connaitre une troisième Intifada ».
A la question « est-ce qu’Israël doit évacuer la Cisjordanie sans attendre la signature d’un accord de paix avec les palestiniens car l’occupation est un danger pour l’Etat juif et démocratique ? », Nitzan Horowitz répond :
« Ce serait une erreur stratégique grave. Il faut se souvenir de Gaza, nous sommes partis sans règlement préalable et nous avons récolté deux guerres, le bombardement incessant des populations civiles du Néguev et de multiples problèmes. L’exemple de Gaza sert à l’extrême droite israélienne comme justification pour demeurer dans les territoires palestiniens. Il faut d’abord régler le conflit politique entre Israël et les Palestiniens, parvenir à un compromis historique et, bien entendu, quitter les territoires pour que la souveraineté des deux peuples s’exerce. Comprenez-moi, je ne veux pas diminuer l’impact négatif de la présence israélienne dans les territoires palestiniens, elle est attentatoire à la dignité des gens qui y vivent et a un impact très négatif sur la démocratie israélienne. Mais, il faut négocier avant le départ, s’entendre sur les frontières, le partage des terres, le statut de Jérusalem, etc. ».
« Que pense Nitzan Horowitz de l’initiative prise par Benjamin Netanyahou, chef du gouvernement, de proposer une loi fondamentale concernant le caractère juif de l’Etat d’Israël ? », la réponse :
« Cette proposition du Premier ministre est purement tactique, il s’agit de bloquer le processus de paix et c’est aussi une manigance contre la gauche israélienne bien plus que contre le Président Mahmoud Abbas. Vous le savez, il n’y a pas de constitution en Israël, donc cette initiative ne correspond à rien constitutionnellement parlant. De toute manière, la reconnaissance mutuelle figure noir sur blanc dans les accords d’Oslo et il s’agit d’abord d’un débat interne propre aux Israéliens. Et puis Juif nous le sommes tous les jours ! Nous parlons hébreu, nous suivons les fêtes juives et le shabbat, notre drapeau et l’hymne national parlent du judaïsme, il y a la loi du retour, notre culture est juive, que sais-je encore… ».
« Est-ce que Nitzan Horowitz est favorable au boycott des produits israéliens ? », réponse du député de Meretz :
« Mon parti est contre le boycott des produits israéliens, c’est totalement contre-productif. Cela ne fait que radicaliser la population israélienne parce qu’elle vit le boycott comme une attaque contre la légitimité de l’Etat d’Israël. En plus, quand on boycotte des universitaires de mon pays, on s’en prend à une catégorie sociale qui est en flèche dans la défense de la paix et la dénonciation de l’occupation des territoires, sans compter la nécessaire liberté du scientifique, c’est absurde ! Par contre, nous ne sommes pas contre le boycott des produits israéliens en provenance des territoires occupés, mais franchement cela ne représente pas grand-chose et ferait plutôt du tort aux travailleurs palestiniens ».
« Que pense Nitzan Horowitz de la réconciliation annoncée entre le Hamas et l’Autorité Palestinienne ? », la réponse :
« Si cette fois la réconciliation a lieu, car elle n’est pas encore finalisée, cela pourrait avoir un effet positif sur la reprise du processus de paix. Il est en effet plus facile de négocier avec un représentant unique du peuple palestinien et cela permettrait de faire respecter les accords par l’ensemble de ses organisations politiques ».
(1) Nitzan Horowitz a d’abord été journaliste au « Haaretz », puis correspondant permanent du quotidien israélien, successivement à Paris et Washington, avant d’en devenir le rédacteur en chef responsable de la section Affaires étrangères. En 2002, il passe à la télévision israélienne (Canal 10). Il est élu en 2009 à la Knesset, puis réélu en 2013. À la Knesset, il intervient sur les questions de paix et sécurité et œuvre dans le domaine social. En tant que seul membre ouvertement homosexuel élu en 2009, il a été actif dès le début de son mandat sur les questions du mariage civil et de la lutte contre les discriminations. Il dirige le lobby parlementaire pour la coopération régionale, dans le cadre duquel il a invité un certain nombre de représentants étrangers (dont récemment le nouvel ambassadeur de France, Patrick Maisonnave) à présenter aux membres de la Knesset leur vision des avantages économiques d’un futur accord de paix entre Israël et les Palestiniens.
Compte rendu rédigé par Paul Ouzi Meyerson