B. Netanyahou, lauréat du Prix Israël de tactique électorale (l’affaire David Grossman)

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S’il est dénué de toute vision stratégique, le 1er Ministre compense –et au delà- cette limitation par d’incontestables talents tactiques et médiatiques. Surtout en politique intérieure… Il vient encore de le démontrer avec le Prix Israël (1). Après avoir essayé d’évincer la candidature de l’écrivain David Grossman en tant qu’auteur “gauchiste antisioniste” et devant l’indignation suscitée par cette initiative, “Bibi” , « honteux comme un renard qu’une poule aurait pris » (La Fontaine), fut contraint de retirer sa « disqualification » une semaine après l’avoir annoncé à grand fracas.

 

Dans une bataille électorale, chaque voix compte et nul ne le sait mieux que B. Netanyahou. C’est pourquoi, ce 9 février il a lancé une fulgurante offensive contre le jury de littérature du Prix Israël (1)

Explication : « Le panel des juges pour le Prix de littérature est composé d’antisionistes. Le comité qui choisit les lauréats du Prix d’Israël doit être équilibré et refléter fidèlement une variété d’idéologies, d’attitudes et de dimensions de la société israélienne. (…)

Cette situation, dans laquelle un petit groupe fermé, avec des positions extrêmes, garde le contrôle sur la sélection des lauréats doit changer. Parce que le Prix d’Israël appartient à tout le peuple d’Israël »…

Et donc, en tant que ministre de l’Éducation par intérim -depuis le départ du titulaire du poste, membre de Yesh Atid- Netanyahou a disqualifié trois membres du jury (2) : les professeurs de littérature Ariel Hirschfeld et Avner Holtzman et le producteur Chaïm Sharir

Un coup brillant à plusieurs niveaux : il caressait dans le sens du poil l’électorat du Likoud, toujours remonté contre « les élites » et qui supporte de moins en moins les critiques contre sa politique de colonisation.

Il permettait aussi au 1er Ministre de reprendre la main sur le jury d’un prix trop prestigieux pour être indépendant : ne risquait-il pas d’attribuer cette année celui de littérature à David Grossman, «voix de la paix» célèbre et donc gauchiste dangereux s’il en fut ?

Enfin, B. Netanyahou améliorait encore son image de dirigeant viril, résolu à porter le fer contre les ennemis d’Israël dans et hors du pays. Et anti-israélien, le Pr A. Hirschfeld l’était incontestablement :

N’avait-il pas signé une pétition d’universitaires soutenant les étudiants qui refusaient de servir en Cisjordanie ? Pire encore, n’avait-il pas écrit voici peu un article critiquant la politique du chef du gouvernement lui-même ?

Le bureau du 1er ministre n’a pas révélé les crimes commis contre l’État juif par les deux autres disqualifiés mais on imagine bien qu’ils doivent être au moins aussi graves. Quoi qu’il en soit, l’affaire a indigné les milieux intellectuels.

Neuf autres jurés du Prix Israël ont démissionné par solidarité. 15 écrivains, dont David Grossman ont annoncé qu’ils retiraient leurs candidature au Prix « en réponse à la campagne d’intimidation du Premier ministre »

« D’abord, on agit, puis on médiatise et enfin on réfléchit ».

La plupart des médias israéliens ont aussi critiqué la décision de B. Netanyahou, confirmant ainsi les accusations de celui-ci à leur égard : depuis les débuts de la campagne électorale, il leur reproche d’être partisans du « TSB » (« Tout Sauf Bibi »).

Une attitude, qui, aux yeux de ses partisans, n’est pas éloignée d’être anti-israélienne, elle aussi. De son côté, le parti travailliste israélien a annoncé qu’il saisissait la Haute Cour de justice contre l’intervention du chef du gouvernement dans la composition du jury.

Tout cela, qu’il avait sans doute anticipé, a dû laisser le 1er Ministre de glace. Au contraire, ces critiques des « élites » devaient plutôt conforter sa position : c’était la preuve qu’il avait touché juste en portant le fer dans ce bastion d’extrême gauche.

Par contre, ni lui ni ses communicants ni son bureau ne semblent avoir songé au procureur général, Yehuda Weinstein. Il faut savoir que ce haut magistrat dirige le service juridique du gouvernement et le défend dans les affaires pénales intentées contre lui.

Mais il peut aussi interdire à ce même gouvernement de mettre en œuvre une action qu’il juge illégale. Et ce dernier n’a d’autre choix que d’obtempérer. Or, c’est ce que vient de faire Y. Weinstein

Il a expliqué au 1er Ministre qu’il n’avait pas le droit d’introduire des changements dans le Prix d’Israël en période électorale. Il a aussi annoncé qu’en cas de recours devant la Cour suprême, il ne défendrait pas cette décision de B. Netanyahou.

Bref, « honteux comme un renard qu’une poule aurait pris » (La Fontaine), B. Netanyahou, une semaine après les avoir annoncées à grand fracas, fut contraint de retirer ses « disqualifications ».

De mauvais esprits s’étonneront que le 1er Ministre n’ait pas discuté de la question avec le Procureur Général AVANT d’agir. C’est oublier que, en bon politicien, celui-ci consulte en priorité ses conseillers en communication, « spin doctors » et autres « communicants ».

Et que ces derniers sont adeptes de la méthode qui a valu tant de succès à la droite française : « en cas de problème, d’abord on agit, puis on médiatise et enfin, on réfléchit ». Ceci étant, B. Netanyahou a tout de même tenté de sauver la face.

Il a annoncé que s’il redevenait 1er Ministre, il remettrait sur le tapis la composition des jurys du Prix Israël. Il devrait peut être aussi nommer un autre Procureur Général plus ouvert à ses idées. Comment gagnerait-il sa guerre contre les « antisionistes » du pays sinon ?

Article rédigé par O.W. et publié dans “REGARDS”, la revue du Centre Communautaire Laïque Juif (Bruxelles) – Cliquer ici pour lire l’article (français)

(1) Depuis 1953, le Prix Israël, le plus prestigieux du pays, est décerné chaque année par l’État d’Israël. Il récompense des personnalités ou des organisations qui se sont distinguées dans divers domaines. Parmi ceux-ci, il y a les sciences (sociales et exactes), les arts, les lettres, l’étude du Talmud, la recherche (histoire, environnement médecine)…

(2) Le Ministère de l’Éducation qui a fondé le Prix a un droit de regard sur le jury.

 

 

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