Le cabinet de sécurité du gouvernement israélien vient d’approuver à l’unanimité l’expansion de l’activité militaire à Gaza. On peut se demander, après plus de dix-huit mois d’une guerre, la plus longue de toutes celles menées depuis 1948, les véritables raisons d’une telle décision. Dix-huit mois de bombardements, de conquêtes puis de retraits, suivis de reconquêtes d’un territoire pratiquement détruit n’ont-ils pas suffi à montrer qu’il n’y a pas de solution militaire à ce conflit ? La mort de plus de 850 soldats depuis le 7 octobre, et celle de dizaines de milliers de civils palestiniens n’ont pas permis d’atteindre les objectifs de guerre fixés par le gouvernement israélien. Le Hamas n’est toujours pas défait et la majorité des otages n’ont pu être libérés qu’après des négociations. Alors ne doit-on pas voir dans cette décision qu’Israël poursuit en fait un autre objectif comme vient de le déclarer un « officiel » chargé de faire connaître la position de Netanyahou : « occuper ce territoire pour y maintenir une présence israélienne et pousser au transfert de sa population vers d’autres pays avec lesquels des négociations seraient en cours » ?
Une telle décision signerait la fin de toutes les initiatives égyptiennes ou saoudiennes qui devaient conduire à une solution pour gérer la situation à Gaza sans le Hamas et à la libération de tous les otages. Les familles de ceux-ci ont bien compris que le salut de leurs proches, malgré toutes les déclarations officielles, ne fait pas partie des préoccupations de ce gouvernement. C’est pour cela, comme 70 % des Israéliens, qu’elles s’opposent à la poursuite de la guerre. D’ailleurs de plus en plus de réservistes refusent de répondre aux convocations de mobilisation, arguant de leur fatigue après avoir effectué parfois plus de 200 jours comme réservistes depuis le 7 octobre.
Plus de deux mois depuis la rupture par Israël du cessez-le-feu et la mise en place du blocus de l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza, la situation devient de plus en plus insoutenable pour les habitants. Il est sans doute vrai que le Hamas fait main basse sur les aides alimentaires pour réapprovisionner ses stocks, mais ce n’est pas une raison pour affamer la population. L’utilisation de l’arme de la faim est indigne de toutes nos valeurs, celles sur lesquelles s’est fondé l’État d’Israël.
D’anciens responsables de la sécurité israéliens ont déclaré que cette politique était à la fois un échec moral et stratégique et qu’elle ne ferait que renforcer le Hamas tout en mettant en danger la vie des otages. Une pétition, initiée par des membres de la Chambre des représentants, circule au Congrès américain pour appeler à la fin du blocus et au retour au cessez-le-feu. Réussira-t-elle à convaincre le président américain, le seul qui peut forcer Netanyahou à modifier sa politique, deux semaines avant son voyage prévu en Arabie saoudite ?
Aujourd’hui, le 5 mai, les députés israéliens sont retournés à la Knesset après deux mois de vacances parlementaires. Ils ont été accueillis par des milliers de manifestants qui ont continué à se mobiliser pendant toute cette période pour s’opposer aux projets de ce gouvernement et appeler à sa chute. C’est un combat existentiel pour la survie d’un État d’Israël juif et démocratique, attaché aux valeurs d’un judaïsme pluraliste, ouvert sur le monde, un État refusant de continuer à dominer un autre peuple et engagé à mettre fin au conflit avec lui.
David Chemla