J. KERRY demande aux dirigeants juifs américains de soutenir le processus de paix sur la base de « deux peuples, deux états ».

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Le chef de la diplomatie américaine est attendu en Israël et en Jordanie du 27 au 29 juin. Ce sera le cinquième voyage de John Kerry au Proche-Orient depuis sa nomination au poste de Secrétaire d’état, il y a moins d’un an. Cette tournée devait se dérouler début juin mais elle a été repoussée, officiellement du fait des réunions d’urgence à la Maison Blanche sur la Syrie. Aucun arrêt n’est programmé en Cisjordanie, mais M. Kerry pourrait rencontrer les dirigeants palestiniens à Amman.

John Kerry s’est fortement engagé afin de  relancer le processus de paix entre israéliens et palestiniens, bien que de nombreux analystes politiques estiment que les résultats tardent à paraître. Mais, le Secrétaire d’état U.S. compte sur   l’Initiative d’Investissement Economique lancée par le Quartet (Etats-Unis, Europe, Russie, O.N.U.), dont Tony Blair est le représentant, qui prévoit d’investir quatre millions de dollars en faveur de l’économie palestinienne. « Ce plan pour les palestiniens est audacieux, plus grand et plus ambitieux que tout ce qui a été proposé depuis les accords d’Oslo, il y a vingt ans », a déclaré John Kerry, lors d’un discours prononcé  au bord de la Mer morte (Jordanie) le 26 mai dernier.

Le chef de la diplomatie U.S. s’est également adressé, début juin, aux dirigeants de la Communauté juive américaine pour les convaincre de soutenir la relance du processus de paix sur la base de « Deux Peuples, Deux Etats ». Au cours d’une intervention remarquée, John Kerry a notamment déclaré « Je veux que vous reconnaissiez que vous avez un rôle à jouer en choisissant quel futur sera le nôtre. Vous devez également savoir que vous ne serez pas seuls à faire un choix. La Ligue Arabe est venue à Washington, et ses délégués nous ont montré qu’ils étaient prêts à faire des pas en avant car ils ont réaffirmé la proposition arabe d’initiative de paix. Mais, cette fois ils ont été plus loin qu’auparavant, ils ont ajouté qu’ils étaient favorables à des échanges de territoires, c’est une première ».

Nous reproduisons, ci-dessous, les passages les plus significatifs de ce discours que John Kerry à prononcé à l’occasion de la réunion annuelle de l’American Jewish Committee   (AJC Global Forum) à Washington le 3 juin dernier. Les intertitres ont été ajoutés par l’administrateur du site JCall.

… « Depuis plus d’un siècle, le Comité Juif Américain (AJC) a été un partenaire et un pionnier pour  construire la relation entre les Juifs des Etats-Unis et Israël et une organisation de premier plan pour améliorer cette relation. Vous avez bâti ces passerelles de la même manière pendant des périodes difficiles et des temps d’espoir, et nous pouvons constater tout cela aujourd’hui.

Je sais que beaucoup d’entre vous regardent le paysage politique actuel et sont peu enclins à agir, il y a trop d’incertitudes, trop de risques. Il y a beaucoup de gens qui n’hésitent pas à qualifier ces moments de trop difficiles, trop dangereux, trop compliqués. Je comprends leurs appréhensions, et je reconnais pleinement la délicate situation dans laquelle Israël se trouve  et les défis qui se présentent à ce pays. Mais, je suis également profondément convaincu que c’est aussi un temps d’espoir. Si nous choisissons de le faire en sorte, cela pourrait être le temps de l’opportunité et de la promesse. Avec votre aide, cela pourrait devenir un temps de paix.

Je sais qu’il n’y a pas de sujet plus important pour vous que le futur de la sécurité d’Israël. Les dangers viennent d’Iran, du soulèvement en Syrie, de la prolifération des armes nucléaires et chimiques, des incertitudes du Printemps arabe, du déroulement du processus de paix qui n’est pas accepté par tous. Tous ces sujets sont au cœur de vos préoccupations et au centre de la question de la sécurité d’Israël. Et, c’est de l’avenir d’Israël que nous voulons parler aujourd’hui. »…

…« N’ayez aucun doute, le Président des Etats-Unis et moi-même partageons vos préoccupations et votre désir d’assurer la sécurité d’Israël. Et chaque fois que nous atterrissons à l’aéroport Ben Gourion, je me souviens des paroles de Golda Meir. Elle disait : « nous voulons simplement ce qui est donné naturellement à tous les peuples du monde, être le maître de notre destin par nous-mêmes et non par les autres. »…

… « Et je comprends ce que cela veut dire quand le Premier ministre Netanyahou me regarde au fonds de yeux et me dit « je dois garantir la sécurité de mon pays ». J’entends cela et je sais qu’il le fait et qu’il le fera. Mais à quoi doit ressembler la sécurité ? Il me semble que c’est  beaucoup plus que simplement l’absence de guerre. Pour Israël, une nation chargée d’histoire et qui a du relever de nombreux défis comme aucune autre, être en sécurité cela signifie maîtriser son futur en tant qu’Etat juif, mais aussi en tant qu’état démocratique et en tant qu’état prospère. La sécurité pour Israël consiste également à se libérer des pernicieuses attaques concernant sa légitimité, que cette critique émane de ses voisins ou de la scène mondiale. La sécurité d’Israël sera d’autant mieux garantie que les modérés seront renforcés dans leurs positions en Cisjordanie et à Gaza et dans toute la région ; ainsi les extrémistes seront isolés et affaiblis.  La sécurité durable d’Israël est liée à la stabilité régionale et à un marché ouvert qui permettra aux israéliens de se concentrer sur le développement de leur économie  et pas seulement sur la défense de leur pays. »…

Aucune solution qui déboucherait sur l’installation d’un seul  Etat n’est réaliste pour aucun des deux camps 

…«  Vous et moi nous savons que le meilleur endroit où tout cela peut arriver c’est dans un Israël fort et vivant en bonne intelligence au coté d’un état palestinien viable. Je voulais vous le dire aujourd’hui, analysons bien toutes les possibilités, examinons bien tous les paramètres de ce conflit, ce conflit assoupi, et vous conviendrez avec moi qu’aucune solution qui déboucherait sur l’installation d’un seul  Etat n’est réaliste pour aucun des deux camps. »…  

… « Je suis certain que si nous prenons à cœur le futur de l’état d’Israël,  et c’est mon cas comme c’est le vôtre, et si nous comprenons ce qui est en jeu, nous devons reconnaître que l’époque que nous vivons nous offre, en fait, une grande opportunité. Et c’est bien plus que cela, c’est une véritable responsabilité.

Aujourd’hui, dans le sillage du Printemps arabe, certains disent que la situation est trop compliquée, qu’elle est trop aléatoire. Mais, en réalité, la fin d’une époque dans cette région est le bon moment pour qu’Israël refonde ses relations avec ses voisins, pour modifier le récit avec une nouvelle génération qui est en train de faire entendre sa voix.

Certains sont méfiants compte tenu de l’expérience du désengagement d’Israël de Gaza et du Liban. Vous n’avez pas idée combien de fois j’ai entendu des gens me dire, « nous avons quitté le Liban et Gaza et qu’est-il arrivé ? Nous avons reçu des missiles ! ». Et bien, il faut se souvenir que ces désengagements ont été unilatéraux. Il n’y a pas eu de négociations pour obtenir un traité qui aurait inclus de sérieuses garanties pour la sécurité d’Israël et il n’y a pas eu non plus d’accord de paix qui définisse une zone ou un état démilitarisé.

Nous savons que les traités de paix entre l’Egypte et la Jordanie, qui ont été des négociations bilatérales, ont donné de bien meilleurs résultats au bénéfice d’Israël. Et l’Egypte aujourd’hui s’efforce, du mieux qu’elle peut, de remplir ses obligations notamment en ce qui concerne le cessez- le-feu à Gaza et la sécurité dans le Sinaï. Nous savons que tout accord de paix avec les palestiniens devra inclure des mesures étendues, mutuellement reconnues, de sécurité qui empêcheront le futur Etat palestinien de devenir la base d’attaques menées contre Israël.

 Un Etat Palestinien stable, avec des frontières sûres et une économie florissante, renforcera plus que tout la sécurité de l’état d’Israël.

Et bien entendu, une réponse forte doit être apportée aux inquiétudes d’Israël concernant les menaces du Hezbollah, une dangereuse organisation terroriste qui est la marionnette de l’Iran et qui a amassé des milliers de missiles contre Israël. Evidemment, l’Iran est impliqué dans toute cette affaire. Je vous le répète clairement : les Etats-Unis ne laisseront pas l’Iran acquérir l’arme nucléaire.

Maintenant, je vous demande  de comprendre qu’au même moment où je me tiens là en tant qu’ami d’Israël, de la même manière que je l’ai fait pendant 29 ans en le soutenant à 100 %, je peux aussi me tenir là et vous dire que nous devons reconnaître les aspirations fondamentales des palestiniens de vivre en paix dans leur propre Etat avec des frontières bien définies. Ce sera cela notre mission. Et je vous assure qu’un Etat Palestinien stable, avec des frontières sûres et une économie florissante, renforcera plus que tout la sécurité et le futur de l’Etat d’Israël. »…

… « J’insiste sur le fait qu’il n’y a pas d’alternative pour la paix. Les palestiniens méritent également de voir  leur vie quotidienne s’améliorer grâce aux retombées du développement économique. Et c’est ce que j’ai annoncé et décrit à la Mer morte, le week-end dernier, lors de la présentation de l’Initiative d’Investissement Economique lancée par le Quartet, dont Tony Blair est le représentant. Cette initiative sera différente de tout ce qui a été fait auparavant, tant en importance qu’en durée.

Mes amis, nous savons que ce conflit n’est pas la cause des problèmes que rencontre le Moyen-Orient. Cependant, il a toujours été utilisé comme une excuse facile par les tyrans qui ne voulaient pas que leurs populations constatent et critiquent l’inefficacité de leur gouvernance. Cela a toujours été une excuse.

Alors ne faisons pas d’erreur : résoudre ce conflit pour les deux camps aura des retombées qui seront largement bénéfiques pour les intérêts de tous. Mais le contraire est également vrai : ne pas résoudre le conflit entraînera de sérieux désagréments pour tous.

Si nous ne réussissons pas maintenant, nous pouvons ne pas avoir une autre chance

Je comprends que beaucoup d’entre vous s’interrogent : « Ma Nishtana ? , qu’est-ce qui fait que ce moment est différent des autres ? ».

Eh bien, la différence est que ce qui se produira dans les prochaines semaines dictera ce qui adviendra dans les prochaines décades.  Nous manquons de temps et nous sommes à court de possibilités. Je veux être très clair : si nous ne rencontrons pas le succès maintenant – et je sais que je parle d’enjeux cruciaux – donc, si nous ne réussissons pas maintenant, nous pouvons ne pas avoir une autre chance. Nous ne devons pas laisser les déceptions du passé prendre l’avenir en otage. Nous ne devons pas faire de l’absence de paix une prophétie auto-réalisatrice. L’absence de paix est un perpétuel conflit.

Il est temps maintenant pour moi de vous poser cette question : Quoique vous pensiez à propos de ce défi et aussi difficile soit-il, réfléchissez à ce qui se passera si nous échouons. Nous nous retrouverons tous dans une spirale négative de réponses et contre-réponses qui fermeront définitivement la porte à la solution de deux états pour deux peuples qui avait déjà été acceptée. Je pense qu’il n’y aura pas de place pour une solution à un seul état. Alors, l’insidieuse campagne visant à la délégitimisation de l’état d’Israël prendra de l’ampleur. Israël sera amené à choisir entre être un Etat juif ou être un état démocratique, mais il ne pourra plus être entièrement les deux  conformément à la vision de ses fondateurs.

Les conséquences de cette erreur ne se feront pas seulement ressentir dans un futur éloigné, ce n’est pas juste une question de long terme, mes amis. Il y aura aussi des retombées immédiates parce que le statu quo n’est pas tenable.

Ce qui est dans l’impasse aujourd’hui ne le sera pas forcément demain. Ce qui est acquis aujourd’hui ne le sera pas forcément demain parce que la situation actuelle dure depuis si longtemps que cela ne peut demeurer ainsi compte tenu des enjeux qui se présentent. Les personnes qui pensent que les faits d’aujourd’hui peuvent être la réalité de demain, parce qu’ils sont à l’abri de la barrière de sécurité et parce qu’il y a moins de violence, risquent de se retrouver très désappointées. Ce ne sera pas ainsi.   

Regardons ce qui peut advenir. L’Autorité palestinienne a opté pour une politique de non violence. Elle est la seule entité dans la région à s’être définie de cette manière. Pensez au coût de cette décision et aux efforts que les responsables palestiniens ont dû accomplir pour mettre en place des institutions, des arrangements de sécurité, une démocratie, un Premier ministre, une politique de développement économique. Les faits le prouvent, l’année dernière pas un seul israélien n’a été victime d’un incident dans les Territoires palestiniens, sauf il y a un mois un habitant d’une colonie a été tué. Salam Fayyad a réalisé un travail extraordinaire en édifiant simultanément une force palestinienne de sécurité et des institutions fiables. Mais ce n’est pas le travail d’un seul homme, nous continuerons ces efforts à l’avenir avec le nouveau Premier ministre, le docteur Rami Hamdallah.

Que se passera-t-il si l’Autorité palestinienne disparaît ?

Mais, si cette expérience était amenée à échouer, posez vous la question : qu’est-ce qui viendra à sa place ? Que se passera-t-il si l’économie palestinienne s’écroule, si les services de sécurité sont dissous, si l’Autorité palestinienne disparaît ? Certainement quelque chose de bien pire pour les intérêts d’Israël, des Etats-Unis et de toute la région. En fait, l’échec des palestiniens modérés pourrait très rapidement amener quelque chose que nous voulons éviter : l’apparition du même extrémisme en Cisjordanie que celui que nous trouvons à Gaza et au Sud Liban.

Donc, avant que quiconque ne renonce à cet espoir, nous devons savoir si nous sommes prêts à vivre avec un conflit permanent, avec la possibilité d’une désobéissance civile qui irait en augmentant en Cisjordanie, avec la possibilité d’une autre intifada qui peut toujours éclater à chaque moment. Si les deux camps n’acceptent pas de revenir à la table des négociations, les palestiniens ont toujours dit qu’ils iraient à l’ONU et essaieraient de s’introduire dans de nouvelles organisations de cette institution. Malgré les meilleurs efforts des Etats-Unis, ils recueilleront encore davantage de voix que la dernière fois. Je rappelle que la dernière fois, nous avons réussi seulement à réunir neuf voix contre l’initiative palestinienne. En plus, les palestiniens ont aussi menacé de porter leur cas à la Cour de Justice internationale.

Oui, les Etats-Unis d’Amérique soutiendront toujours Israël et sa sécurité. Mais nous serions encore plus forts si nous avions plus de compagnie. En faisant les bons choix et avec un peu de courage et de détermination, il y a un futur très diffèrent qui est possible pour Israël.

Aussi, je vous demande aujourd’hui de ne pas regarder seulement ce qui a été négatif, regardez les possibilités qui s’offrent à nous. Je vous demande de reconnaître que le présent peut être différent et il l’est déjà. Les gens ont trop perdu de temps en se lamentant sur ce qui ne fonctionnait pas, je crois qu’actuellement nous oublions de nous concentrer sur ce que pourrait être le futur si nous gardons la confiance. »…

Je veux que vous reconnaissiez que vous avez un rôle à jouer

… «  Je vous ai demandé d’examiner, aujourd’hui, ce qui pourrait se passer demain si nous échouions. Ensuite,  je vous ai demandé de penser à ce qui pourrait advenir si nous réussissions. Maintenant, la troisième chose sur laquelle je veux vous demander de réfléchir est certainement la plus importante. J’attends de vous que vous fassiez plus que simplement évaluer les conséquences. Je veux que vous reconnaissiez que vous avez un rôle à jouer en choisissant quel futur sera le nôtre. Vous devez également savoir que vous ne serez pas seuls à faire un choix. La Ligue Arabe est venue à Washington, et ses délégués nous ont montré qu’ils étaient prêts à faire des pas en avant car ils ont réaffirmé la proposition Arabe d’Initiative de Paix ; mais, cette fois ils ont été plus loin qu’auparavant, ils ont ajouté qu’ils étaient favorables à des échanges de territoires, c’est une première.  

Les nombreux entretiens que j’ai eu m’amènent à estimer que Messieurs Netanyahou et Abbas peuvent être des partenaires pour la paix. Et je sais que la Ministre Tzipi Livni, qui se trouve dans la salle, croit aussi en la paix, elle travaille durement  pour faire avancer le processus. …« Elle partage la vision d’un Israël que nous ferons encore plus fort grâce à un accord de paix qui garantira  sa sécurité.»

Sur ces sujets, personne n’a une voix aussi puissante que la communauté juive américaine, vous pouvez jouer un rôle central en assurant la sécurité à long terme d’Israël. Et, comme le disait le Président Obama, lors de sa visite à Jérusalem, les dirigeants ne prendront des mesures audacieuses que si leurs peuples les poussent en ce sens. Vous pouvez aider à façonner l’avenir du processus de paix. Finalement, vous pouvez aider Israël à prendre sa destinée en main et à être maître de son destin, comme le Premier Ministre Golda Meïr rêvait que cela soit »…

 Traduction et présentation : Paul Ouzi Meyerson

 

Pour consulter les documents ci-dessous cliquer sur leurs liens

Discours complet de John Kerry

Article de Denis Charbit dans  « Regards »,  la revue du Centre Communautaire Laïc Juif (CCLJ de Bruxelles). 

Editorial du « Forward », le « news magazine » de la vie juive de « l’Est » américain.

Editorial de Roger Cohen dans le  NewYork Times

 

 

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