A moins de deux semaines des élections israéliennes, le Hamas d’une part, et le président Trump d’autre part viennent cette semaine apporter leur soutien à Benjamin Netanyahou qui, pour la première fois depuis plus de dix ans qu’il dirige le pays, est menacé de perdre le pouvoir. |
Pour le Hamas, ce n’est pas la première fois qu’il s’immisce ainsi dans la campagne électorale en envoyant « par erreur » des roquettes sur le territoire israélien, en sachant bien qu’elles conduiraient à une riposte de l’armée israélienne. La roquette de la semaine dernière était tombée dans le centre du pays sur un terrain vague – ce qui a conduit nombres d’humoristes israéliens à féliciter les artificiers du Hamas, capables de trouver et d’atteindre un des rares terrains vagues existant encore dans une des régions les plus peuplées du pays. Par contre, celle de lundi a atteint et détruit une maison dans le moshav de Mishmeret dans le Sharon, blessant plusieurs membres d’une famille. |
Critiqué tant sur sa droite que sur sa gauche, en raison de l’échec de sa politique de dissuasion qui conduit à ce que les populations du Sud – et maintenant du centre – du pays vivent depuis près d’un an sous la menace des ballons enflammés et des bombardements venant de Gaza, Netanyahou a écourté son séjour aux États-Unis et est rentré au pays pour suivre de près les opérations militaires de représailles suite à cet envoi de roquettes. Mais ni lui ni le Hamas ne sont intéressés à s’engager dans un nouveau conflit. Netanyahou en connaît bien les risques d’enlisement, et il sait qu’il n’est pas populaire d’avoir des victimes civiles ou militaires à la veille d’élections. Quant au Hamas, s’il préfère certainement avoir face à lui un gouvernement dirigé par la droite israélienne avec laquelle il sait qu’il n’y aura jamais de négociations possibles, ce qui lui permet de conserver sa mainmise sur la bande de Gaza, il ne veut pas aller trop loin dans cette confrontation car il veut continuer à recevoir via les Égyptiens les fonds en provenance du Qatar pour « payer les salaires de ses fonctionnaires » sans qu’il y ait un contrôle réel sur l’utilisation de ces fonds. C’est pourquoi nous assistons à une alliance « gagnant-gagnant » entre la droite israélienne et le Hamas. |
Quant à Trump, il vient d’offrir un cadeau à Netanyahou en reconnaissant la souveraineté israélienne sur le Golan, ce qui contredit les positions de tous les présidents américains, républicains comme démocrates, depuis 1967. Jusqu’à aujourd’hui, aucun pays ni aucune organisation internationale n’ont reconnu la légitimité de l’« extension de la loi israélienne » sur le territoire du Golan. De plus, la décision en ce sens, qui avait été prise en 1981 sous le gouvernement de Menahem Begin, n’a empêché aucun des Premiers ministres israéliens qui se sont succédé, de Rabin à Netanyahou – à l’exception de Sharon – de négocier avec Assad, père et fils, la restitution de ce territoire à la Syrie en échange d’un accord de paix. A plusieurs reprises ces négociations ont failli aboutir, et elles ont généralement échoué à cause de désaccords sur les garanties sécuritaires que les Israéliens trouvaient insuffisantes. |
Depuis le déclenchement de la guerre civile en Syrie et les massacres commis par son président contre sa population, plus personne sur la scène internationale – y compris dans le monde arabe sunnite – n’appelait à un retrait israélien du Golan. Tout le monde se satisfaisait du statu quo. En reconnaissant la souveraineté israélienne sur ce territoire, Trump, qui veut ainsi aider son ami Bibi dans sa campagne électorale, vient de lui offrir en fait un cadeau empoisonné, cadeau qui va mettre à mal également sa propre politique dans la région. En effet si l’on ne connaît pas le contenu du plan de paix dont parle depuis des mois l’administration américaine, on sait que ce plan nécessitera l’accord des États sunnites voisins d’Israël. Or on voit mal ces États – qui ont exclu la Syrie d’Assad de la Ligue arabe, à cause des massacres commis par le régime contre sa population – soutenir un « deal du siècle » s’il inclut la reconnaissance israélienne sur le Golan. On peut s’attendre, au contraire, à ce que ces États arabes apportent leur soutien à la Syrie d’Assad, lui redonnant ainsi sa légitimité. Donald Trump vient donc de torpiller les maigres chances de voir son propre plan aboutir. |
Mais l’annonce faite par Trump s’inscrit dans une suite de décisions qui, depuis le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem jusqu’au retrait du soutien financier américain à l’UNRWA, ont pour objectif de soutenir la droite israélienne dans ses projets d’annexion – et, par la même occasion, de répondre aux attentes d’un électorat trumpiste où les fondamentalistes chrétiens jouent un grand rôle. Pour la première fois, en 2018, le terme d’occupation ne figure plus dans le Country Reports on Human Rights Practices édité par le département d’État américain. Les termes d’Israël et des territoires occupés ont été remplacés par « Israël, Cisjordanie (West Bank) et Golan ». Les États-Unis poursuivent une stratégie visant à affaiblir et à menacer l’Autorité palestinienne et son président, dont ils critiquent les attaques contre les Israéliens, sans mentionner la coopération sécuritaire existante entre Israël et les forces de police palestiniennes qui permet d’assurer un calme relatif en Cisjordanie. Par ailleurs, il n’y a eu aucune réaction des autorités américaines suite aux propos de Netanyahou mettant en cause la légitimité des élus arabes à la Knesset, ou à son alliance électorale avec un parti raciste Kahaniste dont le leader a été jugé par la Cour Suprême inapte à se présenter à la Knesset. |
C’est ainsi que, de calculs politiciens en manœuvres électorales, Trump et Netanyahou mettent en danger l’avenir d’Israël en tant qu’État juif et démocratique. |