D’une élection à l’autre

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Il a fallu plus de 3 semaines à Donald Trump pour admettre la victoire de Joe Biden et encore, en continuant d’affirmer que l’élection avait été entachée de fraudes, ce qui n’est confirmé par aucune des enquêtes menées jusqu’à ce jour. Si la victoire de Biden est incontestable, à la fois sur le plan populaire avec plus de 6 millions de voix d’avance, et sur le plan des États gagnés avec 306 grands électeurs contre 232 pour Trump, cette élection est caractérisée par une très forte mobilisation des deux camps, qui fait d’elle l’élection ayant eu le plus fort taux de participation depuis 1900 avec près de 67 %.

Pour connaître la marge de manœuvre de la nouvelle administration démocrate, il faudra attendre le 5 janvier, date à laquelle aura lieu le second tour des sénatoriales en Géorgie. Si les Démocrates emportent les deux mandats de sénateurs, ils seront à égalité avec les Républicains (50/50), ce qui leur permettra, avec la voix de la vice-présidente Kamala Harris, d’avoir la majorité. Sinon, ils seront en difficulté pour appliquer leur programme. Celui-ci est très chargé à la fois sur le plan intérieur – où les États-Unis sont confrontés, comme tous les pays dans le monde, à une crise sociale et sanitaire majeure – et sur la scène internationale – où la nouvelle équipe devra restaurer l’image des États-Unis fortement entamée par la politique menée par Trump depuis quatre ans.

Nicole Bacharan et Elie Barnavi, les deux invités lors de notre dernière visioconférence organisée conjointement avec La Paix Maintenant (que vous pouvez revoir ICI sur notre site), étaient d’accord pour affirmer que les États-Unis sous Biden poursuivront la politique de désengagement du Moyen-Orient entamée depuis Bush et Obama. Même si la nouvelle administration corrigera certaines des décisions prises par Trump, le conflit israélo-palestinien ne fera pas partie de ses priorités.

Certes, il faut s’attendre à un retour des États-Unis à l’accord sur le nucléaire iranien, que Trump avait dénoncé, avec certainement une renégociation de certaines de ses parties, et à un rétablissement des relations avec les Palestiniens, en rouvrant leur représentation à Washington et en remettant en place les contributions américaines au budget de l’UNRWA, l’organisme onusien en charge des réfugiés palestiniens et de leurs descendants. La nouvelle administration essaiera aussi certainement de s’inscrire dans la continuité du processus de normalisation des relations entre Israël et les pays sunnites. Mais il est peu probable que d’autres pays arabes s’engagent dans un rapprochement officiel avec Israël, en l’absence d’avancées avec les Palestiniens. Et celles-ci ne font pas partie des projets du gouvernement israélien.

Conscient des difficultés à venir avec la future administration démocrate, qui sera certainement plus critique à l’égard de sa politique à l’égard des Palestiniens, le gouvernement de Netanyahou essaie d’établir sur le terrain des faits accomplis qui vont rendre difficile à l’avenir, voire impossible, la création d’un État palestinien. Il a lancé notamment un appel d’offres pour construire 1257 unités de logement à Guivat Hamatos, un projet qui, s’il devait voir le jour, couperait Jérusalem-Est de Bethléem et empêcherait d’établir une continuité territoriale entre ces deux villes. Cet appel d’offres s’achèvera comme par hasard le 18 janvier, veille de l’intronisation de Biden, et sera certainement l’une des premières sources de conflit entre les deux gouvernements.

Ce retrait américain offre à l’Europe une réelle opportunité de remplacer États-Unis et de devenir un acteur politique majeur dans la région au lieu de se contenter d’être le bailleur de fonds de l’Autorité palestinienne. En a-t-elle la volonté et la capacité ? C’est le sujet de notre prochaine visioconférence, le jeudi 10 décembre à partir de 19h, avec nos invités Michael Gahler et Bernard Guetta, tous deux députés au parlement européen (Inscription obligatoire ICI).

D’ici l’arrivée de Biden à la Maison-Blanche, on saura si Israël se dirige vers de nouvelles élections. Si Benny Gantz et son parti maintiennent leur exigence de voir adopter le budget 2021 d’ici la fin décembre et si Netanyahou continue de s’y opposer pour conserver la possibilité de provoquer des élections à une date qui lui convienne mieux, la Knesset devra automatiquement être dissoute et, pour la quatrième fois en deux ans, des élections seront convoquées au printemps prochain. Pour l’instant, les sondages sont largement favorables à la droite, qui obtiendrait une majorité absolue, avec un renforcement du parti d’extrême droite, Yamina, dirigé par Naphtali Bennett qui concurrencerait Netanyahou pour la direction du pays.

L’opposition ne réussit pas à récupérer le vaste mouvement de contestation dirigée contre Netanyahou qui, depuis 23 semaines, mobilise chaque samedi des dizaines de milliers d’Israéliens rassemblés dans tout le pays, sur les embranchements routiers ou à proximité des résidences du Premier ministre à Césarée ou rue Balfour à Jérusalem. Beaucoup de ces manifestants insistent pour présenter leur mouvement comme n’étant ni de droite ni de gauche, mais comme étant l’expression de leur exigence de ne plus voir le pays dirigé par un Premier ministre inculpé dans trois dossiers pour abus de confiance, fraude et corruption. Cette absence d’un engagement clair pour une alternative politique explique l’embellie dans l’opinion de Naphtali Bennett qui se présente comme étant une personnalité de droite plus « propre » que Netanyahou et plus à même de gérer la crise économique et sanitaire actuelle.

Cette crise est le sujet qui préoccupe la majorité du public israélien. Selon un sondage diffusé sur la chaîne 12 où l’on demande aux Israéliens ce qui déterminera leur choix d’un dirigeant en cas d’élection, 38% le feront en fonction de sa capacité de gérer la crise économique, 22% pour celle de rassembler le peuple divisé, 15% pour celle de gérer la crise sanitaire, 10% pour sa capacité d’assurer la sécurité du pays, et seulement 2% pour son aptitude à amener d’autres accords de paix avec des pays arabes. Comme on le voit, il n’y a pas en Israël d’effet Biden ; au contraire, Netanyahou fait valoir qu’il est le mieux placé pour résister aux futures pressions de la nouvelle administration démocrate, comme il l’avait déjà fait sous celle d’Obama.

Mais cette tendance peut encore évoluer dans les semaines et mois à venir, en fonction de différents facteurs. D’une part, contrairement à la propagande de la droite israélienne, qui avait fait de Trump son candidat, la nouvelle équipe qui est en train de se mettre en place à Washington, constituée de personnes compétentes connaissant la région, n’aura pas de mal à montrer au public israélien qu’elle est autant attachée à la sécurité du pays que les Républicains et que, de plus, elle est soucieuse de son avenir pour qu’il reste un État démocratique avec une majorité juive. Et d’autre part, il faut s’attendre à des recompositions dans les listes en compétition pour les prochaines élections, avec l’arrivée de nouveaux acteurs et peut être le retour d’anciens candidats.

Enfin, à partir du mois de février, Netanyahou devra se présenter plusieurs fois par semaine devant ses juges, ce qui certes provoquera une mobilisation de sa base inconditionnelle mais peut aussi provoquer des fractures au sein de sa majorité. Et ce d’autant plus si le mouvement de contestation actuel réussit à obtenir que l’affaire des sous-marins – dans laquelle Netanyahou est soupçonné d’enrichissement personnel, et mis en cause pour avoir écarté le ministre de la défense d’alors ainsi que l’état-major de décisions lourdes de conséquences pour la sécurité du pays – soit portée devant la justice et ne se limite pas à un examen par la commission du ministère de la défense qu’a mise en place le ministre de la défense Benny Gantz.

Conscients de ces enjeux, nous ne manquerons de nous mobiliser dans les prochaines semaines, afin de condamner les projets de colonisation du gouvernement actuel, et de soutenir les mouvements et partis politiques israéliens combattant pour la sauvegarde de la démocratie.

David Chemla

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