La diplomatie française au Proche-Orient ne doit pas désigner un coupable

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Cet article, paru dans le quotidien Le Monde daté du 22 mai 2012, est signé par Gérard Unger, président de JCall France, David Chemla, secrétaire général, et David Elkaïm et Meïr Waintrater, membres du bureau de JCall France

 

Dans une tribune intitulée «Le Proche-Orient dans l’impasse» (Le Monde du 10 mai), des diplomates français appellent le nouveau président français à prendre une initiative en faveur de la paix qui consacrerait la reconnaissance d’un Etat palestinien.
Les auteurs y rappellent quelques évidences. Que la paix au Proche-Orient passe par la création d’un Etat palestinien et donc par la fin de l’occupation. Que les Palestiniens ont droit à leur Etat. Que la logique du «processus de paix» engagé il y a vingt ans est arrivée à son terme. Que le blocus de Gaza choque les consciences. Que le «mur de séparation» est contestable. Que la création de nouvelles implantations affecte les conditions de vie des Palestiniens et rend plus incertaine la solution à deux Etats. Qu’enfin le premier ministre Benyamin Nétanyahou semble considérer que le statu quo est favorable à Israël, son objectif inavoué étant de gagner du temps pour grignoter toujours plus de territoires en Cisjordanie.
Sur ces différents points, nous ne pouvons que les rejoindre, malgré certaines formulations abruptes. Mais rappeler des évidences de manière sélective est une chose ; créer une dynamique susceptible de promouvoir la paix en est une autre. C’est pourquoi nous doutons qu’en dépit des intentions louables de ses diplomates, ce texte puisse constituer une piste de résolution pacifique du conflit israélo-palestinien.
En effet, la démarche des auteurs consiste à désigner Israël comme seul coupable du blocage du processus de paix. Or, d’aussi fins connaisseurs de la question ne devraient pas se satisfaire d’un jugement aussi simpliste. Car la situation est, pour une large part, le résultat de l’échec des négociations de Camp David et du déclenchement de la seconde Intifada en 2000, événements dans lesquels les responsabilités sont partagées, comme les dirigeants palestiniens l’ont eux-mêmes reconnu.
On ne saurait non plus ignorer que le blocus de Gaza, aussi critiquable soit-il, résulte de ce que depuis l’évacuation – unilatérale, certes, mais totale – de la bande de Gaza par les Israéliens en 2005, ce territoire contrôlé par le Hamas sert de base à des actes de guerre, notamment des tirs de missiles visant la population civile.
Ni que la «barrière de sécurité» a permis d’éviter des attentats en Israël. Il est normal de pointer les responsabilités d’Israël mais il est injuste et contre-productif de ne pointer que les siennes : toute solution politique au Proche-Orient doit reposer sur la prise en compte des droits légitimes du peuple juif israélien et du peuple arabe palestinien à une existence souveraine dans la sécurité.
Les paramètres d’une paix durable sont connus : création d’un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza avec Jérusalem-Est pour capitale, évacuation de la Cisjordanie sur la base de la ligne de 1967 avec des rectifications de frontières consenties, arrangements sécuritaires dans les territoires évacués par Israël, solution négociée à la question des réfugiés palestiniens permettant leur insertion définitive soit dans le futur Etat palestinien soit dans leurs pays d’accueil. Les négociations menées lorsque Ehoud Olmert était premier ministre ont montré que les deux parties acceptent ces principes et que leurs positions ne sont pas si éloignées qu’on pourrait le croire. Seuls le Hamas et le Hezbollah, soutenus par l’Iran, s’y opposent toujours, ce que les auteurs de l’article oublient de rappeler.
Tous les sondages indiquent que Palestiniens et Israéliens sont favorables à un accord de paix reposant sur ces principes ; mais aussi que, d’un côté comme de l’autre, les populations ne croient pas avoir en face d’elles un partenaire fiable avec lequel négocier. Là réside le blocage psychologique sur lequel s’appuient – des deux côtés – les adversaires d’une solution pacifique.
Dans ces circonstances, la dernière chose que doivent faire la France et l’Europe est de jouer les donneuses de leçons, en pointant du doigt une des parties (Israël, en l’occurrence) et en la menaçant de rétorsions, voire de boycottage, comme le demandent en filigrane les auteurs de la tribune. Cela signerait le glas de l’influence française et européenne dans la région : pour contribuer aux négociations, il faut avoir l’oreille des deux parties.
Pour enclencher une nouvelle dynamique, la France et l’Europe doivent au contraire se positionner comme un «tiers de bonne foi» qui s’efforce de mieux faire comprendre à chacune des deux parties le point de vue de l’autre et, une fois un compromis trouvé, piloter le programme d’aide internationale qu’il faudra mettre en place pour construire un Proche-Orient stable et pacifique.
Les Européens avec les Américains doivent travailler à une initiative commune qui réaffirmerait les paramètres de la solution au conflit et mettrait chacun des protagonistes face à ses responsabilités… et à ses contradictions ! Cette démarche pourrait par exemple prendre la forme d’une relance officielle de l’Initiative arabe de paix qui, si elle demande à être clarifiée, notamment sur la question des réfugiés, présente l’avantage de proposer un cadre de négociation avec le monde arabe puisqu’elle a été reprise par la Ligue arabe en 2005.
Ce dont le Proche-Orient a besoin, ce ne sont pas de discours de dénonciation, mais au contraire de perspectives porteuses d’un avenir partagé : telle devrait être la tâche de la diplomatie française.
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