«Je ne désespère pas», un article d’Ari Shavit

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Voici un court texte que plusieurs membres de JCall ont apprécié, pas seulement pour son contenu politique mais surtout pour sa générosité et la question importante qu’il soulève : «comment parler pour convaincre le peuple dans une démocratie ?».

Cet article est rédigé dans le contexte d’une vive polémique interne au sein du journal Haaretz (centre gauche israélien) dont les principaux protagonistes sont deux de ses “vedettes” éditoriales : Gideon Lévy et Ari Shavit. L’un et l’autre se définissent comme des hommes de gauche et refusent l’occupation des Territoires palestiniens. Mais ils diffèrent radicalement dans leur approche politique. Le premier est plutôt dans la posture de l’extrême gauche post-sioniste ; le second se situe dans une approche plus classique de type sionisme socialiste.

La conclusion de l’article vise directement Gideon Lévy.

 

Il se peut que tout soit perdu. Peut-être que nous avons passé le point de non retour. Peut-être qu’il n’est plus possible de réhabiliter le sionisme, de sauver la démocratie et de partager la terre.

Mais si tel est le cas, il n’y a plus aucune raison de vivre dans ce pays. Et il n’y a plus aucune raison d’écrire pour Haaretz ni de le lire non plus. Nous devons faire ce que Rogel Alpher (philosophe israélien et contributeur de Haaretz – NdT) suggérait il y a deux ans : quitter le pays, s’en aller…

Si l’israélité et la judéité ne sont pas des composants vitaux de notre identité et si nous avons en notre possession un passeport étranger, pas seulement dans un sens technique mais dans une acception spirituelle, la question est entendue : nous pouvons dire au revoir à nos amis, fermer nos valises et nous envoler pour San Francisco ou Berlin.

Et, de là bas, dans le pays du nouveau chauvinisme allemand ou dans le pays du nouveau chauvinisme américain, nous pourrons tranquillement observer Israël en train de rendre son dernier souffle. Nous pourrons prendre de la distance et regarder l’Etat juif démocratique sombrer dans l’oubli.

Mais il se peut que tout ne soit pas perdu ! Peut-être que n’avons-nous pas encore passé le point de non retour. Peut-être est-il encore possible de mettre fin à l’occupation des territoires, de stopper l’extension des implantations et de faire revivre le sionisme en sauvant la démocratie. Peut-être est-il toujours envisageable de partager la terre.

Alors, s’il en est ainsi, l’obligation des rédacteurs et des lecteurs de Haaretz n’est pas de propager la haine et d’immigrer, mais bien plutôt de combattre pour leurs idées.

Dans un pays qui demeure une démocratie, le seul moyen de se battre politiquement est de communiquer avec son peuple. Il ne s’agit pas de le mépriser ou de le détester, mais de le respecter, de l’entendre et de lui parler. Il faut convaincre l’opinion publique. Ce n’est pas Barack Obama ou Hillary Clinton qui mettront fin à l’occupation. L’ONU ou l’Union européenne ne parviendront pas non plus à stopper l’expansion des implantations. La seule puissance dans le monde qui peut sauver Israël de lui-même, ce sont les israéliens eux-mêmes.

Alors, que veulent les israéliens ? Des choses élémentaires. Un Etat juif, qui reflète le droit du peuple juif à l’autodétermination, protège son existence et préserve son héritage. Un Etat démocratique qui respecte les droits de tous ses citoyens et préserve la société libre qui a été créée ici. Un Etat fort qui sache faire face au brutal environnement régional dans lequel nous vivons. Un Etat moderne qui permette à chaque enfant né dans ce pays de vivre dignement dans une nation qui fait partie du monde libre au 21ème siècle.

Si le centre-gauche parvient à convaincre la société israélienne qu’il peut lui offrir un Etat juif, démocratique et moderne, alors il gagnera. Si l’on continue de parler d’une paix utopique introuvable et d’un Etat manquant de caractère national et qui n’existe pas dans la réalité, alors il perdra. C’est comme cela, voilà toute l’histoire.

Etre administré par un gouvernement de droite n’est pas un décret du destin, cela ne constitue pas non plus un péché. Un gouvernement de droite est une punition pour le centre-gauche qui ne sait pas parler aux israéliens dans un langage qu’ils comprennent et apprécient. Créer un nouveau langage politique qui parle au cœur du peuple est la condition nécessaire à la fin de l’occupation et de la colonisation, à la réhabilitation du sionisme et à la sauvegarde de la démocratie israélienne.

La démarche idéologique que j’ai présenté dans ce journal (Haaretz – NdT) au cours de ces dernières semaines et de ces dernières années n’est pas due au hasard. Elle découle du sentiment que nous ne disposons plus de beaucoup de temps pour sauver la maison. Elle découle de la constatation que la gauche radicale est en train de saboter inconsciemment les efforts réalisés par les centristes pour sauver Israël.

Mais la gauche radicale n’a pas vraiment d’importance. Tous ceux qui ne ressentent pas l’israélité et la judéité comme des composants vitaux de leur identité ne sont pas vraiment dans le jeu. Ainsi, je continuerai amicalement à recevoir ses critiques amusantes (celles de Gideon Lévy -NdT) et m’efforcerai de m’attacher à l’essentiel : trouver la troisième voie et le langage israélien qui nous permettra d’exister et non pas de mourir.

Ari Shavit pour Haaretz, le 8 Septembre 2016 (cliquer pour lire son article)

Traduit de l’hébreu et de l’anglais par Paul Ouzi Meyerson

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