« Bordure protectrice » et les relations internationales d’Israël

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Article d’ELIE BARNAVI (1)

Une coalition d’intérêts alignant les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe, l’Egypte et Israël, existait déjà depuis le renversement du régime des Frères musulmans au Caire, en juillet 2013. Elle est apparue au grand jour à la faveur de l’opération « Bordure protectrice ». Israël serait bien inspiré de l’exploiter à son avantage… Ainsi, pour la première fois, la reconstruction du territoire et le nécessaire desserrement du blocus qui l’étrangle depuis 2007 peuvent s’envisager sans le Hamas. Mais cela a un prix : la remise de l’Autorité palestinienne au centre du jeu. Que Netanyahou trouve soudain des vertus à un Mahmoud Abbas jusqu’ici vilipendé et humilié, voilà qui ne manque pas de sel. Encore faut-il qu’il en tire les conséquences qui s’imposent et s’attelle à la résurrection du feu «processus de paix ». Avec, cette fois, l’intention de le faire aboutir…

 

C’est en Amérique latine que Bordure protectrice a provoqué les dégâts diplomatiques les plus spectaculaires. Le Brésil, le Pérou, l’Equateur, le Chili, le Salvador ont rappelé pour consultations leurs ambassadeurs en Israël. Le président Nicolas Maduro du Venezuela a évoqué « une guerre d’extermination » contre le peuple palestinien, et son collègue bolivien Evo Morales s’est distingué en plaçant l’Etat hébreu sur une liste des « Etats terroristes » et en supprimant un accord d’exemption de visa entre les deux pays

En fait, si cette opération prouve quelque chose, c’est que, à l’instar de sa situation stratégique, la position d’Israël dans le monde n’a jamais été meilleure. L’Occident, Etats-Unis en tête, et l’ensemble des Etats arabes sunnites dits « modérés », Egypte en tête, se sont montrés extraordinairement compréhensifs tout au long de la campagne. Malgré la brutalité de l’opération et l’hostilité croissante des opinions publiques, les gouvernements ont laissé faire, en assurant à Israël la « légitimité » internationale dont il avait besoin pour se ménager la marge de manœuvre militaire la plus large possible. Comment s’explique ce miracle ?

La conduite somme toute prudente du triumvirat formé par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, son ministre de la Défense Moshé Yaalon et le chef d’Etat-major général Benny Ganz, y a été évidemment pour beaucoup. Le trio s’est gardé d’assigner à l’opération des buts inatteignables, a tenu à l’écart les éléments les plus extrémistes du gouvernement et a accepté peu ou prou toutes les demandes de cessez-le-feu humanitaire avancées par les Américains et l’ONU, en laissant habilement le mauvais rôle au Hamas.

Mais pour l’essentiel, c’est l’organisation islamiste qui a assuré le succès relatif de Jérusalem sur la scène internationale. Volontairement, en violant systématiquement les trêves successives. Involontairement, surtout, de par la nouvelle donne régionale et internationale issue du paysage dévasté par la tornade du bien mal-nommé « printemps arabe ». Le Hamas n’a plus d’amis, si ce n’est le Qatar et la Turquie, acteurs lointains et soumis à des intérêts et influences contradictoires. La Syrie, l’ancien allié par où transitaient les armes et les fonds iraniens, s’est muée en adversaire. Et la perte du ci-devant patron égyptien, incontournable car gardien du seul point de passage de la bande de Gaza avec le monde extérieur, lui a porté un coup terrible, dont on voit mal comment il peut se relever. Isolé et désargenté, il a dû passer par les fourches caudines de l’Autorité palestinienne et accepter la création d’un gouvernement de « réconciliation » aux termes imposés par Mahmoud Abbas, le président de cette dernière. Etourdiment, le gouvernement Netanyahou l’a fait capoter. C’est pour se sortir d’une situation pour lui intenable que le Hamas s’est jeté dans la bataille.

Une coalition d’intérêts alignant les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe, l’Egypte et Israël, existait déjà depuis le renversement du régime des Frères musulmans au Caire, en juillet 2013. Elle est apparue au grand jour à la faveur de l’opération « Bordure protectrice ». Israël serait bien inspiré de l’exploiter à son avantage. Le moment est propice. Le Hamas émerge de cette aventure meurtri, gravement désuni entre la direction de l’extérieur et celle de la bande de Gaza, et, à l’intérieur, entre une branche politique et son bras armé, celle-là ayant largement perdu le contrôle de celui-ci.

Ainsi, pour la première fois, la reconstruction du territoire et le nécessaire desserrement du blocus qui l’étrangle depuis 2007 peuvent s’envisager sans le Hamas. Mais cela a un prix : la remise de l’Autorité palestinienne au centre du jeu. Que Netanyahou trouve soudain des vertus à un Mahmoud Abbas jusqu’ici vilipendé et humilié, voilà qui ne manque pas de sel. Encore faut-il qu’il en tire les conséquences qui s’imposent et s’attelle à la résurrection du feu «processus de paix ». Avec, cette fois, l’intention de le faire aboutir.

(1) Elie Barnavi est historien et essayiste, Professeur émérite d’histoire moderne à l’Université de Tel-Aviv, et ancien ambassadeur d’Israël en France. Dés sa création, il a soutenu JCall .

Cliquer ici pour lire dans sa totalité  l’article d’Elie Barnavi publié dans I24 News le 4 août

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